Le coeur de l’Angleterre : ecce Brexit

Le coeur de l'Angleterre : ecce Brexit

Le coeur de l’Angleterre : ecce Brexit ? Oui car Jonathan Coe dépeint avec flegme et sensibilité les colères qui ont fait le lit du Brexit. Un livre à la nostalgie joyeuse.

Il se passe toujours quelque chose du côté du Brexit.
Boris Johnson décide de suspendre le Parlement. Bim, la Cour suprême juge la mesure inconstitutionnelle.
C’était juré la Grande-Bretagne devait sortir de l’UE le 31 octobre. Bim : un nouveau report lui est accordé jusqu’au printemps.

Vous avez du mal à suivre?
Vous n’avez même pas débuté ?
Plongez-vous dans le dernier Jonathan Coe.

Le monstre sacré de la littérature anglaise croise les aventures de la récurrente famille Trotter à celles des colères qui ont menées au “Leave”. Un récit chronologique qui s’étend sur 10 ans.

Au début du livre, on croit lire les colères des Gilets Jaunes. Indice de la généralisation des mécontentements, de la Mondialisation malheureuse.

“Le cœur de l’Angleterre” nous entraîne du feu des émeutes londoniennes comme au Nord profond en deuil d’industries.

Les personnages se glissent dans les arcanes du pouvoir cynique et opportuniste de David Cameron qui enchaîne les politiques d’austérité. A cet égard, les rencontres entre Doug, le journaliste ami des Trotter, et le sous directeur de la communication de Cameron devraient être enseignées dans les écoles de Marketing. Délectables de mauvaise foi !

À l’autre bout de l’échiquier, la Trotter Family nous renvoie aux dérives du politiquement correct.

Les colères montent amères, contradictoires et éclatent dans un “Leave”. Un Brexit dirigé contre le pouvoir national et européen jugés responsables de la perte de grandeur de la nation, du pouvoir d’achat, de l’identité. Johnatan Coe en profite pour questionner la notion de “génie” d’un peuple, ces particularités, ces “quelque chose” qui définiraient une population comme unique.

Les colères mènent les personnages au divorce quand ce n’est pas aux mains. On se demande d’ailleurs si les conseillers conjugaux ont réellement reçu des couples au bord de la crise “brexitienne” Incertain

Les colères reflètent aussi la nostalgie. Une nostalgie des paysages effacés, du temps perdu que Jonathan Coe transcrit avec délicatesse et émotion.

Le style est pur sans emphase.
Il prend des teintes à la Turner et joue la palette des gris pour décrire les rivières, les collines, l’intimité des Trotter ou de leurs amis.
Il se fait direct, factuel dans les passages plus socio-politiques.

En revanche on croit lire un publireportage sur Marseille quand Sophie. la nièce du “héros” Benjamin Trotter, s’y rend pour un colloque, comme Jonahan Coe y était allé en résidence. Une ville dépeinte comme solaire, généreusement multiculturelle. Quid de la pauvreté des quartiers Nord et des frictions identitaires ? Jonathan Coe aurait-il été aveuglé par la lumière du Sud ?

Fausse note qui s’accompagne d’un parti pris en faveur d’une Angleterre progressiste qui agace quand il tourne à la caricature à la fin du livre.

Reste le flegme, l’humour et la générosité.

Le coeur de l’Angleterre : ecce Brexit
Le coeur de l’Angleterre
Jonathan Coe
Éditions Galimard
http://www.gallimard.fr/

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