Afin que Rien ne Change : Précis de Manipulation
Dans son roman, « Afin que rien ne change », Renaud Cerqueux imagine le kidnapping d’un entrepreneur très influent réduit pendant un an à vivre la vie d’un ouvrier qu’il emploie. Un précis de réification, de manipulation, un monument de cynisme.
Emmanuel Wynne a la quarantaine repue et les affaires florissantes. Héritier d’une dynastie d’entreprises old fashion, il a rompu avec le passé familial pour monter un empire issu du X et ouvert à toutes les nouvelles exploitations. Les transports Over y tiennent une place d’honneur.
Après une réunion pince-fesse au très influent cercle Le Siècle où il a promis d’intervenir pour recadrer un syndicaliste, sa voiture pile.
Le chantre de l’entreprenariat à rictus humain va disparaître pendant un an. Une année pendant laquelle il va vivre jour après jour, nuit après nuit, la vie d’un ouvrier lambda. Un parmi les milliers qu’il emploie.
Porno et reality shows crachés par la TV pour toute distraction. Biscotte à la margarine, saucisses huileuses, frites, conserves en ersatz de healthy food. Des sucres, de petits tas de sucres, des tas de sucres de plus en plus gros qu’il faut empiler à une cadence de plus en plus rapide en guise de job. Un travail à la chaîne qui ne laisse place à rien d’autre. Ni pensée, ni désir, ni sens.
Un gardien au masque roswellien orchestre la séquestration. On pense au baron Empain détenu par des Anonymous qui auraient crevé la toile.
Et puis, sans raison, Emmanuel Wynne est relâché. Fin de « l’expérience ».
Aura-t-il appris la leçon ? Aura-t-il gagné en humanité, en empathie ?
Le livre de Renaud Cerqueux vaut par les descriptions justes et minutieuses de l’aliénation quotidienne, de la réification des individus dans un néant de sens.
« Afin que rien ne change » vaut aussi pour sa fin. Une apothéose de cynisme à la hauteur de l’époque.
Léonore Cottrant
Renaud Cerqueux
Afin que Rien ne Change
Le Dilettante