Gio Ponti : le Michel Ange design au MAD
Gio Ponti voulait être peintre. Il fit Polytechnique à Milan. Cette vocation déviée irrigue le vaste champ des arts appliqués auxquels il consacre sa vie. Après l’exposition Domus en 1973, le MAD organise aujourd’hui la première rétrospective dédiée à l’archi-designer italien directeur de la revue qui marqua la modernité européenne. Elle couvre l’ensemble de la carrière de Gio Ponti des années 20 aux années 70 et rassemble plus de 400 pièces.
Une scénographie aérienne
L’exposition s’ouvre sur une évocation saisissante de la cathédrale de Tarente. Blancheur des pouilles et dentelle de pierres des cathédrales gothiques se mêlent à une technique de revêtement originale inspirée de papiers pliés ornés de mosaiques.
Passée la « porte-cathédrale », la rétrospective investie la nef du MAD. Aérienne, la scénographie du cabinet Jean-Michel Wilmotte entend faciliter le dialogue entre les visiteurs et les objets. Mais les grands panneaux suspendus capturent le regard au détriment des oeuvres.
Dans la nef, la découverte suit un ordre chronologique ponctué par 3 moments : l’objet, le mobilier et l’architecture.
Gio Ponti et le rayonnement du design italien
La carrière de Gio Ponti commence dans les années 20. Il travaille pour Christofle comme pour Murano et édifie une première villa en région parisienne, l’Ange volant. L’empreinte néo-classique cède la place au modernisme dans la décennie suivante. Les années 40 sont marquées par la réalisation de fresques magistrales dont celles de l’université de Padoue. L’archi-designer va exploser après la seconde guerre mondiale. Il porte le projet social et démocratique des architectes et des designers de la période post mussolini. Par ailleurs, il fait rayonner la scène italienne en attaquant la concurrence scandinave.
Une architecture diamant en couleur et en légèreté
Du Venezuela aux etats-Unis en passant par le Moyen-Orient et Hong Kong, Gio Ponti crée des centaines de villas, de bâtiments, d’édifices religieux, de maisons.
Il s’investit dans la modernisation de Milan. On voit sur les documents sa préoccupation pour la courbe et, déjà, pour les terrasses, les jardins avec sable et potager. Il s’agit de créer un paysage urbain harmonieux et rationnel. Pour éviter la standardisation et jouer avec la lumière, il pose des mosaïques sur les façades et favorise les baies vitrées. Les murs doivent être habités. Les jeux de couleurs des sols sont transposés sur les extérieurs pour casser l’uniformité.
La Tour Pirelli mise en avant dans l’exposition tient une place à part. Elle témoigne avec la lumière de l’une des préoccupations majeures de Gio Ponti, la légèreté. Haute d 127 mètres, c’est l’une des plus hautes tours de l’époque, Au sommet, les piliers ne mesurent que 30 cm de diamètre. La lérereté toujours et la recherche de la « forma finita« , la forme achevée qui s’épure de tout superflu. Le formica donne la couleur aux formes épurées à la scandinave. Les bords biseautés rappellent le diamant. C’est la signature de Ponti avec les structures internes apparentes.
L’architecte s’engage aussi dans la promotion d’une « maison à l’italienne » qui conjugue modernité et tradition méditerranéenne. La céramique joue ici encore un grand rôle. La maison « Scarabea » à la carapace de coléoptère couverte de carreaux blancs et bleus doit se fondre dans la ville. Elle est commandée par le collectionneur d’art Giobatta Meneguzzo.
À l’étranger, Gio Ponti imagine la notamment la villa Planchart à Caracas (Venezuela) que l’on découvre dans l’espace « atmosphères » de l’exposition.
Des objets iconiques
Côté Objet, la nef met en beauté des créations iconiques comme la chaise super legara (Cassina), le lustre murano a 8 lumieres en verre bleu opalescent et pate de verre rose, la lampe de table Bilia (Arte Fontana) … Une paroi organisée (tête de lit-tableau de bord) répond à l’obligation pour le mobilier de condenser les gestes après la réduction des surfaces d’habitation.
Le sens du détail du « Michel Ange de la chose » se retrouve dans la transparence des tables pour mieux faire passer la lumière comme dans celle des céramiques murales pour mieux la refléter.
Une oeuvre holistique marquée par l’art
L’intérêt pour lumière pour les formes et les couleurs témoigne de l’intérêt jamais démenti de Gio Ponti pour l’art.
De part et d’autres de la nef, la scénographie inclue des « visit-rroms » où l’on découvre d’un côté du mobilier de l’autre des « atmosphères ».
Dans la partie exposant le mobilier on trouve de tout : étoffes, orfèvrerie, vaisselle, vases … Gio Ponti touche à tout. De magnifiques ébauches de décors et costumes inspirés par Prirandello dialoguent avec la machine à café La Cornuta (La Pavoni) qui incarne la liberté, la « dolce vita » de l’après guerre. La poésie côtoie le pratique. On remarque aussi une série de croquis, de calepins. Pour Ponti tout commençait par le dessin. On recense 2000 lettres dessinées. Il écrivait et dessinait partout. L’archi-designer répondait aux lecteurs de Domus comme à ceux du Corriere de la Serra sous forme de conseils du type : si vous avez telle surface il faut absolument l’aménager comme cela …. Si telle couleur domine votre intérieur vous devez absolument éviter (telle et telle) couleurs.
Une visite d’atmosphères
Six « visit-rooms » situées côté Rivoli récréent les ambiances des plus emblématiques architecture intérieures de Gio Ponti.
L’Ange Volant (Garches 1928) commandé par Tony H. Bouilhet (directeur de Christofle) traduit l’influence récurrente du classicisme chez Ponti. On y trouve déjà la division de l’espace chère à l’architecte : un hall central et une division en parties jour et parties nuit.
La maison des Ponti (Milan) également présente dans l’exposition reprend bien sûr cette division.
Autres réalisations « historiques » : l’immeuble Montecatini premier immeuble de Milan entièrement plaqué de marbre veiné de bleu-vert, le Palazzo del Bo -Université de Padoue- avec ses fresques, l’hôtel Parco del Principi de Sorrente enfin la villa Planchart (Caracas-Venezuela).
Gio Ponri est considéré comme l’un des architectures les plus influents du XXème siècle.
Il reste cependant peu connu en France. La rétrospective est l’occasion de découvrir cette grande figure des arts décoratifs.
Tutto Ponti / Gio Ponti archi-designer
Musée des Arts Décoratifs
Du 19 octobre 2018 au 10 février 2019
http://www.madparis.fr
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