Marguerite Yourcenar : nomade écolo et gourmande

Première femme élue à l’Académie Française, auteur des “Mémoires d’Hadrien” et de ‘L’Oeuvre au noir”, Marguerite Yourcenar est un monstre sacré du monde des lettres. Hachmy Halley fait de cette aristocrate perçue comme hautaine une pionnière de l’écologie amoureuse de voyages et de cuisine.

Nomade de luxe

Le directeur de la Villa Marguerite Yourcenar commence par le commencement et suit un itinéraire chronologique illustré par une riche iconographie.
Marguerite Antoinette Jeanne Marie Ghislaine Cleenewerck de Crayencour naît le 8 juin 1903 à Bruxelles. Sa mère meurt 10 jours après l’accouchement. La petite Marguerite passe son enfance entre la Côte d’Azur, les villes d’eaux, Paris, Lille et Mont Noir où se trouve le château familial. C’est à la campagne dans les lumières du nord, parmi les arbres, les fleurs et les animaux du domaine qu’elle s’éveille à l’écologie. Le nomadisme de l’enfance avec un père complice et éducateur fait ensuite place à un jet setting entre intellectuels et artistes. La jeune femme passe l’essentiel des années 30 en Grèce où elle confronte son savoir muséal et livresque à la réalité attique et cycladique. Cette période d’insouciance heureuse et de découverte marquera profondément l’écrivain.

Les années américaines

En 1939 Marguerite Yourcenar se réfugie aux Etats-Unis pour fuir la guerre et une situation financière précaire. Elle y restera jusqu’à sa mort le 17 décembre 1987. L’ancrage dans la maison de Petite Flaisance (Maine) et les attentions de sa compagne Grace Frick l’aident sans doute à édifier son oeuvre. Le couple voyage toujours mais les années de nomadisme chic sont loin. Le temps est dédié à la création. L’auteure a trouvé son socle même si l’immobilité des années 70 du à l’aggravation du cancer de Grace lui pèse. Elle occupe ses jours à écrire et à jardiner. C’est sur cette île où l’on entend chanter les baleines que Marguerite passera de l’ère archéologique à l’âge géologique.

Marguerie Yourcenar : pionnière de l’écologie
Hachmy Halley souligne le caractère pionnier de l’engagement de l’écrivain. Elle interpelle les femmes qui portent des fourrures et ne se préoccupent pas des tests des cosmétiques sur les animaux. Elle alerte sur les conséquences du réchauffement climatique et condamne la pollution de l’air et de l’eau par les grandes industries. Toutes choses aujourd’hui à la une des priorités mais qui ne l’étaient pas dans les années Yourcenar.
Le goût des bonnes choses
Le goût de la cuisine découle de l’engagement environnemental. À Petite Plaisance, la cuisine de pin au plancher de bois regorge de pots d’épices, de céréales, de thé, sa boisson préférée. Liqueurs et vins sont à disposition des visiteurs. Marguerite Yourcenar aime connaître l’origine d’un meuble comme celle d’un légume ou d’un fruit. Son credo, ne pas consommer plus que nécessaire, s’applique à la nourriture. “Végétarienne à 95 %”, elle fait du pain -qu’elle compare à un être auquel elle donne vie-, du lait de poule généreusement arrosé de rhum, des plats et des pâtisseries, en particulier des gaufres qu’elle affectionnait. Car respect de la terre ne rime pas avec ascèse. Le livre recense ainsi une vingtaine de recettes de la grande dame dont la gaufre de Meert (1), souvenir d’enfance lillois, petite madeleine des Flandres.
Marguerite Yourcenar : portrait intime
Hachmy Halley
Flammarion
Octobre 2018
https://editions.flammarion.com

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(1) Meert est un pâtissier de Lille spécialisé dans les gaufres qui propose à l’occasion de la sortie du livre une version aux baies après avoir lancé un thé fumé éponyme. Joli sens du marketing !
https://www.meert.fr