Art objet orienté : duo d’art extrême
© Art orienté objet : duo d´art extrême
Art orienté objet est un duo de plasticiens composé de Marion Laval=Jeantet et de Benoit Mangin. Les artistes ne reculent pas devant les expériences extrêmes pour questionner la modernité.
Par exemple : ressentir -ou mieux vivre- l’animal qui est en nous on s’injectant du sang de cheval ou en s’augmentant de prothèses de chat (pattes, queue, oreilles).
Par exemple s’initier aux rites chamaniques pour faire reculer les limites de la conscience. Par exemple travailler avec un robot qui active les protéines musicales de neurotransmetteurs « virtuoses ». Par exemple … répondre aux questions de Finelife TV (sourire !!)
Voici quelques extraits de l’entretien centré sur l’écologie, les frontières trans-espèces, le monde numérique, les manipulations génétiques. Le tout abordé dans une perspective artistique par Marion Laval-Jeantet une plasticienne rompue aux sciences
Parcours et Démarche
Finelife tv : quelle est l’origine de votre démarche artistique ?
Art orienté objet / Marion Laval-Jeantet : Je viens d’une famille de scientifiques. Pour lui faire plaisir j’ai fait un cursus : physique : chimie, sciences de la matière. Et pour me faire plaisir j’ai suivi deux autres cursus l’un en anthropologie l’autre en esthétique (art et histoire de l’art). Ce cursus m’a permis de canaliser mon mon hyper activité et par ailleurs mon désir de produire des objets artistiques. Benoît (Mangin) lui s’inscrit dans une démarche d’historien de l’art. Il désire voir les choses exister plus que les faire. Nous nous sommes rapprochés des scientifiques afin de réaliser des expériences liées au vivant, de les faire vivre, les faire voir et les faire partager. On pourrait dire que nous sommes des généralistes ouvert à des champs pluridisciplinaire.
La place centrale du Vivant
Finelife tv : pourquoi cette place central du vivant dans vos oeuvres ?
Art orienté objet / Marion Laval-Jeantet : On est étonné d’être en vie depuis toujours. On est resté bloqué sur ça je crois. Nous sommes fascinés par le vivant parce qu’il est une évolution perpétuelle, un mouvement incessant. Ce vivant, nous appréhendons dans sa dimension végétale, biologique, énergétique comme ce qui est agi par une énergie particulière avant son intrication dans les formes sociétales.
Le Slow Art
Finelife TV : quels sont les liens entre votre art et l’écologie ?
Art orienté objet / Marion Laval-Jeantet : Ma mère était très impliquée dans le combat écologique. Quand j’était petite j’ai eu la chance de rencontrer des personnalités comme le Commandant Cousteau. J’ai grandi dans la forêt de Fontainebleau au milieu d’arbres quadricentenaires que nous avons vu disparaître les uns après les autres. Cette raréfaction on peut aussi l’observer sur les routes. Il y a de moins en moins d’animaux écrasés (car il y en a de moins en moins) et ceux que l’on voit appartiennent à des espèces de plus en plus communes. Benoit et moi avons une réaction horrifiée, violente, affective devant la raréfaction de la biodiversité. Quand on voit un blaireau écrasé sur la route on pense ohlala il reste seulement 1200 couples disons. Cela nous bouleverse mais les gens n’ont pas conscience de cette rareté.
Au niveau artistique nous avons commencé par réagir à travers des formes « informatives » puis par « alerte » en lien avec le Slow Art. Cela s’est traduit dans les années 90, à la Kunsthalle de Fribourg par une exposition autour de la production. La question ? A-t-on vraiment besoin de produire quand les choses deviennent si compliquées. Nous mettions déjà l’accent sur le fait qu’il faut accepter un changement dans nos modes de vie, mettre l’accent sur le circuit court, le recyclage, la réappropriation et renouer avec les savoirs ancestraux.
La réappropriation peut aller très loin. En Australie nous avons trouvé un kangourou mort sur le bord d’une route. Nous l’avons enterré et nous avons laissé les fourmis faire leur travail. Nous sommes revenus plusieurs mois plus tard et l’avons transformé en oeuvre d’art pour signifier cette disparition. À travers la réappropriation de cadavres d’animaux effectivement on peut dire que nous sommes des charognards (sourire)
D’autre part, nous ne sommes pas engagés dans une logique de série, dans la production en quantité. Nous faisons des offres économe. Des oeuvres qui demandent un temps extrême et qui sont donc peu nombreuses. On peut citer le tricot, la broderie et la peinture animalière des formes d’art très peu considérées. Pourtant, la broderie est un mode d’expression très signifiant, très juste pour un minimum de moyens employés.
Art Extrême : injection de sang de cheval
Finelife TV : en quoi s’injecter du sang de cheval est-il une démarche artistique ? Art orienté objet / Marion Laval-Jeantet : La forêt est un exemple très parlant de la complémentarité entre anthropologie et science. Les peuples de la forêt ont un savoir extraordinaire de leur milieu, une connaissance beaucoup plus riche que celui des biologistes. L’animal est un bon d’exemple de la richesse de ce croisement des disciplines. J’ai vécu une initiation néo-chamanique grâce a laquelle j’ai pu me rapprocher de la perception qu’ont les animaux de la forêt de l’espace où ils vivent. Bien sûr mon point de vue spécifique de primate restait très vivace dans cette perception.Je me suis donc demandée : peut-on sortir de cette pensée anthropologique afin de créer une nouvelle perception de nous-mêmes.
Nous avons alors décidé de mener une expérience d’injection de sang de cheval.
Pourquoi te cheval ? D’abord il y a l’entrée de l’antériorité mythologique avec le Centaure. Ensuite parce que le cheval est totalement disproportionné par sa puissance. Pour faire prendre conscience de ce changement d’échelle nous avons réalisé une installation au musée de la Chasse de la Nature avec d’une part un coeur de femme en verre et de l’autre un cœur de cheval. L’ensemble était lié par des tubes. L’expérience s’est faite par mithridatisation afin d’éviter le choc anaphylactique et bien évidemment sous la surveillance des scientifiques. Quel résultat ? De l’hyper émotivité. C’est normal car le cheval pour sa survie à développé tout au long des siècles un « instant d’alerte ». Puis une impression d’hyper puissance. Je dormais également peu, par courtes plages, puisque le cheval a besoin de très peu de sommeil.
L’entropie numérique
Finelife TV : comment voyez-vous le monde numérique de demain ?
Art orienté objet/ Marion Laval-Jeantet : La société numérique va se heurter aux frontières du réel écologique et énergétique. Les penseurs de Palo Alto ont déjà beaucoup écrit sur ce thème. Renouer avec les savoirs ancestraux est une manière de pallier cet effondrement numérique.
La globalité positive
Finelife TV : la globalisation peut-elle être heureuse ?
Art orienté objet / Marion Laval-Jeantet : Pendant nos études nous nous sommes aperçus que les artistes originaires de pays anciennement colonisés adaptaient leur langage à celui de l’Occident alors que les artistes occidentaux n’étaient pas ouverts vers « l’ailleurs ».
Or une globalisation positive doit aller dans les deux sens. Sinon elle tombe dans le piège de l’uniformisation. C’est pour cette raison que dans les années 90 nous avons organisé au Bénin un mini sommet des Artistes Amis de la Terre Nous considérions déjà l’Afrique comme un territoire de réflexion sur l’écologie, l’échange équitable, de meilleure adéquation entre les peuples et leur milieu naturel. Notre travail artistique est fait de ces interconnexions, de ces échanges avec les tambours comme avec le kangourou.
Projets artistiques autour des manipulations génétiques
Finelife TV : quels sont vos projets d’Art Objet Orienté ?
Art orienté objet / Marion Laval-Jeantet : Nous un projet appelé « La souris en odeur de sainteté ». Il met en oeuvre des bactéries génétiquement modifiées qui produisent une odeur de violette au lieu d’une odeur de merde. C’est une manière d’alerter sur les conséquences, au niveau de la manipulation du vivant, des probiotiques qui sentent la fleur.
Un autre projet ? Produire une musique de neurotransmetteurs. Il s’agit en fait de modifier l’activité des neurotransmetteurs dans un sens positif. Une réflexion de plus sur la science et la génétique, l’art et le vivant.
Art orienté objet
Galerie Les Filles du Calvaire
https://www.fillesducalvaire.com/
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