Les frères Lehman : saga cynique et jubilatoire

Les Frères Lehman ; une saga cynique et poétique qui retrace l'ascension et la chute d'une des plus importantes institutions financières mondiales.

Heyum Lehmann pose un pied sur le port de Long Island et devient Henry Lehman (avec un seul M).

Henry Lehman pose deux pieds sur le port de Long Island et apprend à vendre ce dont les gens ont besoin.


Henry Lehman pose pieds et tête en Alabama, loin de Long Island, et ouvre une quincaillerie mercerie first choice. Ses frères Emanuel, le bras, et Mayer, la patate, le rejoignent.

C’est parti pour une saga familiale à 1000 à l’heure qui épouse les pires travers du capitalisme et façonne l’American Way of Life.

Le trio de Rimpar (Allemagne -Bavière) règne sur le coton, dirige le chemin de fer, ferraille dans les métaux avant de reconstruire l’Europe en ruines et d’inventer/financer les désirs de masse. À travers le marketing et l’industrie du divertissement. Le cinema notamment.

Les Frères Lehman sont bénis par Yahvé. Ils grignotent les places à la synagogue jusqu’à atteindre la première. Premiers au temple comme à Wall Street. First choice toujours. Qualité et bon sens commercial. Depuis 1844

Les rois de la finance résistent à la guerre de sécession, aux deux conflits mondiaux, au krack de 1929. Ils en tirent profit. Mais la prospérité s’arrête nette avec la crise des subprimes. En 2008, c’est la ruine. La Lehman corporation devenue l’une des institutions financières les plus puissantes de monde n’est plus rien. Nothing. Prix d’un dirty choice : la spéculation. La folie qui a transformé un pied d’airain en argile.

Geyser de styles

Vers libres, pages de majuscules, mantras hébraïques, jeux déclamatoires, emprunts au théâtre, inventions linguistiques dans son roman-essai, Les Frères Lehman, Stefano Massini joue sur une large et inédite palette de styles et il jubile. Comme nous !
Côté rythme, la narration vibrionnaire colle avec les valeurs et l’époque.
Pas de temps mort. Le temps est à la conquête industrielle et capitaliste qui ne tolèrent aucune pause. Le temps c’est aussi et avant tout de l’argent, credo des Lehman avec la famille.

Néant d’affect

La famille est un socle sacré. Le reste ? Les Lehman ne gaspillent ni temps ni affect à la condition des esclaves, ni à celles des forçats du charbon ou du fordisme qui font leur fortune. Quand aux juifs « pauvres », les Frères y voient une source de discrédit pour leur « bonne société communautaire ». La Shoah ? Aucune mention. Et si un membre de la famille prend des sentiers de traverse la remise sur le droit chemin frôle la psychiatrie hardcore. Monstrueux les frères Lehman ? Il semblerait qu’un petit coeur batte sous la mission accumulatrice. Emmanuel et Mayer se divisent sur la guerre de Sécession et l’esclavage. Leuts enfants balancent entre le camp Républicain et Démocrate. Plus, des névroses (drôlatiques comme tout dans ce livre) affectent patriarches et art lovers.
Les fissures dans l’unité familiale insufflent une humanité dans ce cercle de fer. Mais elle présagent aussi la fin de la dynastie.

Les Frères Lehman
Stefano Massini
Éditions Globe
www.editions-globe.com/les-freres-lehman

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