Toulouse Lautrec moderne et intime

Toulouse Lautrec : moderne et intime ? En quelque sorte car l’exposition du Grand Palais explore les multiples facettes de l’artiste au pinceau “sociologique”.

Avec La Goulue, le Moulin Rouge, le French-Cancan, l’exposition Toulouse Lautrec (1864-1901) fait la part belle à la face populaire de l’œuvre du maitre des nuits parisiennes.
Mais l’objectif est de mieux casser l’image d’un artiste mineur, jouisseur et porté par un mépris de classe. Danièle Devynck et Stéphane Guégan, les curateurs, entendent en effet faire découvrir un créateur aux multiples talents fasciné par le progrès, un dandy, un intellectuel, un peintre de l’intimité des maisons closes. Bref un artiste total.

Rappel : Henri Marie Raymond de Toulouse-Lautrec-Monfa, dont le lignée remonte à Charlemagne est frappé en 1874 par une maladie générique. Ce descendant de chevaliers croisés ne dépassera jamais 1,52 m. Peu importe. L’Albigeois veut devenir artiste et goûter à la bohème parisienne. Ce qu’il fera avec la vaillance de ces ancêtres tout en explorant les nouveautés de son époque avec une curiosité inépuisable. Lautrec sera peintre, dessinateur, lithographe, affichiste et illustrateur.

L’exposition qui regroupe plus de 200 œuvres s’ouvre sur des collages-cadrages, superpositions légèrement bleutées. L’entrée en matière surprend par l’atmosphère un peu irréelle comme par les clichés. Lautrec a très tôt été séduit par la photo puis par le cinéma naissant dont les techniques de mouvement influenceront ses créations. Les oeuvres de l’artiste peuvent être regardées comme une recherche du mouvement perprétuel.

Le parti pris scénographique vise à montrer un homme qui colle à son temps, celui du progrès.

Le temps des dandys également. Des portraits d’élégants célèbres, banquiers ou lettrés, occupent toute une pièce.

Des artistes de la toilette qui s’encanaillaient dans les lieux hauts en sons, en jambes et en couleurs, le Montmartre des cabarets dont le Moulin Rouge qui commande à Lautrec une affiche désormais iconique.

Lautrec défend un “naturalisme de combat” infusé dans l’atelier de Fernand Cormon. Il sacralise Manet et moque l’idéalisme de Puvis de Chavannes.

Les femmes balisent l’exposition : Carmen, Jeanne, Suzanne, les muses- maîtresses du peintre comme les danseuses ou les grisettes au café.
Les couleurs explosent comme dans ce tableau d’une rousse aux yeux d’absinthe, la fée verte qui rend fou. Les mâchoires sont affirmées, les perspectives altérées.

Le sociologue engagé de la Butte tire des des portraits “directs” d’Yvette Guilbert dont “Les gants noirs”. On discerne les prémisses de l’expressionnisme.

Plus retenue, sombre, délicate dans les détails, la palette de Lautrec explore, en fin d’exposition, le quotidien des bordels et de leurs pensionnaires. Ni voyeurisme ni misérabilisme seulement de l’intime librement offert. Le crayon et les lumières artificielles donnent aux œuvres une vérité humaine qui balaient l’espace-temps de la prostituée, du client, de la maquerelle. Lautrec joue ici le Zola du plaisir tarifé.

Toulouse Lautrec moderne et intime
Toulouse Lautrec
Grand Palais
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