Harper’s Bazaar, premier magazine de mode : le MAD chic
Vogue? Non ! Esquire? Non !
Pour la réouverture de ses espaces modes, le MAD célèbre le Harper’s Bazaar.
Le magazine de mode mythique -le plus ancien journal de cette catégorie encore « vivant »- est peu connu du public Hexagonal. L’explication réside peut-être dans le fait que ses 44 éditions ne comptent pas de version française.
Alors pourquoi ce choix du Harper’ s Bazaar ?
Robe surréelles Vionnet ou Balenciaga, New Look Dior, futurisme Courrèges, épure Jil Sander … le magazine survole et analyse 150 ans de mode. Un patrimoine qui correspond à l’approche muséale du MAD riche de 152 800 pièces intégrant costumes, accessoires et textiles. Par ailleurs, le MAD ne pouvait rester insensible à un support qui a inventé des formes visuelles « signatures » du siècle dernier.
L’exposition Harper’s Bazaar, premier magazine de mode : le MAD chic se déroule sur deux niveaux de pierres brutes parfois apparentes éclairés par une lumière qui drape les œuvres.
Près de 60 pièces de haute couture et prêt-à-porter complétées par des prêts dialoguent avec leur publication originale en très grand format. Patrons, croquis complètent cette construction de l’image.
La scénographie chronologique suit 150 ans de mode et de graphisme
À l’entrée, les ancêtres des magazines actuels.
Des gravures anciennes en résonance avec une grande tapisserie puis des formats almanach. À l’origine les gazettes de mode avaient ce format, l’épaisseur d’un livre et étaient bourrés d’illustrations.
1867 : début de règne de Mari-Louise Booth la première rédactrice en chef : mannequins habillées de robes du couturier français Charles-Frédérick Worth Cover, exemplaires d’époque avec leurs illustrations, leurs articles d’écrivains et leur focus artistiques.
1913 : rachat par William Randolph et changement d’orientation. Le magazine érudit penche vers le glamour avec l’apparition des couleurs, C’est la grande période des arabesques d’Erté (Romain de Tirtoff), proche de Poiret, de l’orientalisme et des ballet russes.
Dans une vitrine, des créations de Schiaparelli et de Vionnet qui vont s’inscrire dans la mémoire collective.
Années 30 : une « Sainte trinité » guide le magazine sur les chemins du chic avant gardiste. Cette dream team jet setteuse fait appel à Man Ray comme à Louise Dahl-Wolfe.
Le Harper ´s Bazaar connaîtra l’épure en noir et blanc comme les couleurs, les paysages mer/ soleil pour exalter la peau bronzée des bikinis. Indice de la libération des corps pour la chroniqueuse vedette Diana Vreeland « Le bikini est l’invention la plus importante depuis la bombe atomique ». La peau à la mode est la peau très hâlée. Beaucoup de femme en paient aujourd’hui les conséquences.
La rédaction s’émancipe de l’Europe tout en encensant la vie parisienne. Collée sur un pan de pierre, une affiche géante du Harper montre une serrure avec une légende « Paris opening ».
Le parcours scénographique est ponctué d’extrait de films. « Drôle de Frimousse » avec Audrey Hepburn évoque les manières originales de cette drôle d’équipe.
Années 40 : Dior ! Il n’est plus question de mode mais de style écrit Carmel Snow, la rédactrice en chef. C’est l’arrivée du New Look parisien. Derrière une vitrine on admire une réplique de la robe « Chérie ».
On s’arrête devant les clichés cultes de Richard Avedon préfigurant l’ère des photographes stars. Paris est une fête où les fonds flous subliment les modèles en robes du soir.
Années 50 : période » compliquée », l’existentialisme – textes de Simone de Beauvoir- et premières illustrations de Warhol avant qu’il ne soit invité comme artiste.
Années 60-70 : le tourbillon ! Hiro -qui succède à Avedon- joue sur l’art cinétique collant avec l’esthétique fashion psychédlique des hyppies. C’est le moment de la révolution futuriste Courrèges et du numéro historique Pop and Op.
Derrière la Cover géante emblématique on découvre trois robes de métal présentes dans le film « Qui êtes-vous, Polly Maggoo ? » Dans l’extrait, le mannequin est blessé par le métal. Elle saigne dans une presque indifférence. Flash sur la cruauté du monde de la monde et un monde de l’art artificiel.
Années 80 : années fric et people. Les couverture de celebs -les « rich and famous »- remplacent celles du visage d’un model. Les couturiers comme les mannequins deviennent des stars. Ainsi, en 1983, le MET consacre une rétrospective à Yves Saint Laurent.
Années 90 : retour au clacissisme des années 40. Avec Fabien Baron, le directeur artistique, la nouvelle rédactrice en, chef Liz Tilberis, s’aligne sur le minimalisme de l’époque : couleurs et graphisme sont allégés.
La vitrine du photographe Peter Lindbergh, qui a imprimé sa marque au Harper’s Bazaar, montre des mannequins dans des situations décalées proches du reportage. On savoure la photo culte de Kate Moss en salopette telle une okie victime de la crise de 1929. Parallèlement les pièces d’Helmut Lang et de Jil Sander reflètent l’énergie du New York des ninethies.
Années 2000 : Glenda Bailey et Fabien Baron ouvre le Harpers’ Bazzaar à l’imaginaire de Jean-Paul Goulde qui réalise ce que l’on a appelé des Fashion stories. En shootant backstages et making of, le créateur met le public au cœur de la mode.
La série « Haute couture fantaisy » présente Lacroix, Galliano, Valentino, Ungaro, Gauthier Versace, McQueen et Karl Lagerfeld. L’exposition met en avant un cliché du Kaiser jouant avec Linda Evangelista.
En 2009, une autre campagne célèbre, « Wild Things », scénarise la course de Naomi Campbell et d’une panthère.
Équipe de choc chic
Certes, parler du Harper’ s Bazaar c’est évoquer les photographes stars comme Avedon, Hiro ou Lindberg shootant les top-models dans des cadres issus de leurs univers propres et chorégraphiés par les directeur artistiques du titre.
Le parti pris de l’exposition évite toutefois de se focaliser sur les clichés de mode.
Les commissaires, Marianne Legaillard et Éruc Pujalet-Plaà, ont cherché à faire ressortir l’ADN du titre : le graphisme et la personnalité du staff visionnaire qui a toujours voulu coller à l’esprit de l’époque voir à l’influencer.
L’exposition s’attarde ainsi sur la première rédactrice en chef recrutée par les frères Harper qui voulaient compléter leurs titres par un magazine féminin.
Marie-Louise Booth est suffragette, libérale, abolitionniste et érudite. Cette francophile assigne au journal d’instruire en restant attrayant.
Cap tenu
Au XX e siècle, le journal s’ouvre aux avant-gardes artistiques françaises -Picasso, Matisse – comme à l’école américaine représentée par Jackson Pollock. Parallèlement, il intègre écrivains et poètes : Colette, Cocteau, Jean Genêt, André Malraux, Charles Dickens, Carson McCullers, Truman Capote, Simone de Beauvoir, Françoise Sagan, Virgibia Woolf, Patricia Highsmith …
Deuxième grand temps fondateur : 1938. La Trinité -selon le nom attribué par Richard Avedon à la nouvelle équipe- se pose sur le Harper’s.
Carmel Snow, la rédaction en chef, la chroniqueuse de mode Diana Vreeland – que Carmel Snow recrute en la voyant danser- et Alexey Brodovitch, directeur artistique, dont le style et l’enseignement continuent de faire école. L’équipe capte tout comme une éponge et impose des silhouettes : le style » sport wear chic, le jean comme l’élégance Dior.
On retrouve là toute l’ambiguïté de la presse féminine. Influencer = quitte à imposer des stéréotypes de silhouette ou de beauté tout en s’en défendant – et informer le public sur l’époque en favorisant l’évolution des mœurs et des attitudes donc une certaine émancipation.
Harper’s Bazaar, premier magazine de mode : le MAD chic !
Harper’s Bazaar, premier magazine de mode
Musée des Arts Décoratifs
https://madparis.fr/
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