Prix Jean-Francois Prat : lauréats Florian Krewer et Marine Wallon

Prix Jean-Francois Prat : lauréats Florian Krewer et Marine Wallon .D’un côté la flamboyance des couleurs et le journal d’une génération. De l’autre la question de la présence à travers l’instantané et la confrontation à la nature. La peinture comme discipline majeure de l’art contemporain est aussi célébrée aux Beaux-Arts de Paris à travers l’exposition We Paint.

Il y avait foule sous la cour vitrée des Beaux-Arts de Paris. Une foule hétéroclite. D’un coté des étudiants, jeunes diplômés de la rue Bonaparte et affiliés. De l’autre des collectionneurs d’art de renom et sans doute des financiers influents. Ce 23 mars on fêtait en des effet la 11e édition du prix Jean-Francois Prat. Et le prix Jean-Francois Prat est celui de la fondation Bredin-Prat émanation d’un des plus grands cabinets d’avocats d’affaires français. Spécialisation : fusions acquisitions. Aline Prat a créé ce mécénat en 2012 à la mémoire de son mari décédé un an auparavant. Spécialisation : art contemporain. Cible : artiste prometteur.

Prix Jean-Francois Prat : lauréats Florian Krewer et Marine Wallon

Le jury était présidé par une autre collectionneuse et présidente de fondation. À savoir Patrizia Sandretto Re Rebaudengo, à la tête de la « Fondazione » éponyme basée à Turin. À ses côtés, les trois rapporteur(e)s Mouna Mekouar, Gaël Charbeau et Guy Boyer. Chacun représentait un finaliste 2022. C’est-à-dire respectivement Florian Krewer, Pierre Seinturier et Marine Wallon.

Pour la première fois le prix a couronné deux gagnants. Florian Krewer et Marine Wallon. Un gage de parité ?

Florian Krewer le flamboyant

Florian Krewer

Florian Krewer est un jeune Allemand au parcours peu académique. Né en 1986 à Gerolstein il vit aujourd’hui à New-York. Mais rien ne laissait présager cette ascension jusqu’aux quartiers branchés du Bronx. En effet Florian Krewer commence sa carrière comme apprenti peintre en bâtiment. Ensuite il bifurque vers Cologne et l’architecture où il connaît la « révélation » de la peinture -à l’huile- et de la couleur à l’occasion d’un exercice prescrit par le professeur Nikolaus Bielefeld. Florian Krewer postule alors à la prestigieuse Kunstakademie Düsseldorf où, à sa grande surprise, il est admis. Formé par Peter Doig, il créé une oeuvre aussi flamboyante que Zeitgest qui s’expose de la galerie Michael Werner à Londres et New-York, à la collection Pinault à Paris.

Le prixJean-Francois Prat le présente comme un artiste qui peint « la jeunesse et ses pulsions exacerbées (l’amour, l’agressivité, la pure énergie) pour mieux les dépasser et trouver un terrain d’entente».

Parmi ses maitres : Rembrandt, Goya, Bacon, Schiele.

Indéniablement ce qui frappe chez Florian Krewer est la force de couleurs affirmées habitant des personnages dont les formes suggèrent une existence hésitante. Flamboyance et flottement. Une impression de flottement renforcée par le cadrage et le travail des fonds. Les figures semblent en distanciation par rapport aux « paysages» urbains ou plus neutres. Cette distanciation paradoxalement n’entame pas l’intention narrative. Florian Krewer peint sa vie quotidienne et ses amis. Et cela se voit et se reçoit bien comme un journal intime et un témoignage sur l’époque.
La violence et la fragilité éclatent particulièrement à travers la palette des rouges.
Florian Krewer invite aussi les d’animaux dans ses fantasmagories.

Ainsi Dawn tomorrow représente un personnage éclatant de jaune comme la chouette perchée sur son épaule. Tous deux semblent attendre. Complicité, intimité entre deux compagnons ou représentation d’un personnage et son avatar ?

Cette présence d’animaux suggérerait selon les experts une « analogie entre l’homme et sa condition originelle ».

On se demande ce qu’en penserait Corneille (mouvement Cobra) amateur de couleurs et d’animaux qui écrivait une autre époque.

Marine Wallon : nature, présence, durée

Marine Wallon

Diplômée de l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris, Marine Wallon est née en 1985 à Paris.
Son travail exprime beaucoup plus la nature que l’urbanité. « Ses oeuvres ne cherchent pas tant à représenter qu’à rendre
présent. Elles nous mettent face à la réalité́ et à la matérialité finie et à la toile, pour laisser deviner des vues où l’immensité́ et l’infini de la nature s’imposent à l’homme, qui semble toujours en marche vers un but inconnu ».

L’artiste joue avec l’instantané photographique qui suggère l’imminence d’un événement. Cette technique questionne la durée et la présence notions centrales dans son oeuvre.

Marine Wallon Zelma 2021,
Huile sur toile

We Paint : une exposition dédiée à la peinture contemporaine

Les trois finalistes participent à l’exposition We Paint qui réunit ceux des éditions précédentes. Au total 33 artistes français et étrangers.

Cette exposition est une illustration du mécénat de trois ans (2021-2023) du Fonds de dotation Bredin-Prat en faveur des Beaux- Arts. L’engagement comprend quatre piliers.
Tout d’abord un soutien de la filière « Artistes & Métiers de l’exposition ». Ensuite un appui financier au fonds d’aide d’urgence. Et encore la création d’une aide à la production artistique en faveur des étudiants. Enfin la production de nouvelles cimaises d’exposition sous la cour vitrée à l’occasion de l’exposition « We Paint »

Une célébration de la penture

Exposition We Paint de / Scénographie de Cristiano Raimondi

We Paint peut-être vu comme le troisième rendez-vous d’une « conversation mondiale autour de la peinture ». En effet l’exposition des Beaux-Arts de Paris se tient après Stop Painting ! à la Fondazione Prada (Venise) et Mixing it Up: painting now, à la Hayward Gallery de Londres, en 2021. Les trois événements célèbrent la peinture contemporaine qui s’affirme et se diversifie alors qu’on a prédit de manière récurrente sa disparition rappellent les organisateurs.

L’exposition We Paint se déroule sous le commissariat indépendant de Cristiano Raimondi, qui en assurera également la scénographie.

Une scénographie en arches, passages et recoins comme une déambulation entre univers picturaux. Une palette qui va de l’hyperréalisme aux « abstractions sensibles».

Guillaume Bresson : drame en jaune

Guillaume Bresson Sans Titre, 2013, Courtesy Galerie Nathalie Obadia, Paris/Bruxelles. (c) Bertrand Huet/Tutti Images

À l’entrée le très énigmatique tableau de Guillaume Bresson nous saisit. Il raconte ou mieux évoque. On imaginerait un roman. De quoi est-il question dans ce conciliabule ? De complots violents et foireux ? Ou bien de réunion politique clandestine ? Une affaire Illégale dans doute. La composition ultra scénique joue les contraires. Ainsi la lumière qui éclaire comme un projecteur la chemise jaune «électrisée » du personnage principal laisse les autres protagonistes dans une presque pénombre pensive. Toujours dramaturgique, la position de ce personnage central qui est paradoxalement décentré. Également spectaculaire, la force de conviction qui émane du visage. Colossale. Aussi puissante que les émotions qui s’y lisent.

Jean Claracq Alfred Stefenoshi de Bles, 2017

Plus loin la cyborg en bleu de Chloë Saï Breil-Dupont et les combinaisons (pastel, fusain, graphite) de Toyin Ojih Odutola. Également un Jean Claracq qui figure l’un des mottos de ce peintre mixant icône et art numérique à savoir : la solitude urbaine.

Pierre Seinturier Untitled 2022 Huile sur toile

Sans oublier le triptyque de Pierre Seinturier, finaliste malheureux de ce prix Jean-Francois Prat 2022.

Loop Philippe Decrauzat 2004 acrylique sur toile

Coté non figuratif, Loop, une abstention cinétique et « musicale » de Philippe Decrauzat. Ou encore Echo de Rezi van Lankvek qui évoque curieusement des bas assemblés en arches multiples. Une intention de recyclage pourrait-on malicieusement penser ?

Rezi van Lankvek Echo 2018 huile sur toile

We paint est une expo riche, foisonnante de perspectives. Un bel aperçu également des peintres contemporains émergents parmi les plus prometteurs.

Crédit photo : photo principale

Changes, 2019
Huile sur toile / Oil on canvas
244 x 214 cm / 94 x 84.3 in.
 Li Qing. Courtesy de l’artiste et du Fonds de dotation Bredin Prat pour l’art contemporains emergents.