Fondation Louis Vuitton La couleur en fugue met en écho architecture et couleur

Fondation Louis Vuitton La couleur en fugue met en écho architecture et couleur . L’expo réunit 5 artistes qui habitent, habillent ou envahissent le dernier étage du bâtiment de Franck Gehry. Discrètes ou mégalomane les couleurs s’affranchissent des supports et intègrent l’espace, matériaux et sons compris. Spectaculaire !

Une abstraction très physique

La Fondation Louis Vuitton entend affirmer la vivacité de la peinture dans la création contemporaine. À l’image notamment des Beaux-Arts de Paris qui, avec We Paint, expose les 33 finalistes des 11 prix Jean-François Prat. Mais si les Beaux-Arts balaient la palette des possibles du figuratif à l’abstrait, la Fondation en revanche restreint ses propositions à l’abstraction.
Une abstraction « physique » puisque les cinq artistes présentent des œuvres assez performatives. Plus précisément des créations où le corps s’engage avec plus ou moins de violence dans un dialogue plus ou moins rude avec l’architecture du lieu.

Peinture : extension du domaine du corps

Suzanne Pagé, commissaire de l’exposition La couleur en fugue, souligne la variété des générations et des itinéraires dans le choix des artistes. À savoir : Sam Gilliam, Katarina Grosse, Steven Parrino, Megan Rooney et Niele Toroni. La FLV (Fondation Louis Vuitton) insiste par ailleurs sur l’influence du Color Field Painting. C’est-à-dire le mouvement né aux États-Unis dans les années 40 et 50 qui concevait la couleur comme sujet en lui-même.
Tous les participants semblent néanmoins se rejoindre sur la relation corps et couleurs. Une relation qui fait de la couleur une première extension du corps ou un débordement.

Steven Parrino tondi et sculpture Blob

On pense par exemple aux projections de Jackson Pollock en regardant les œuvres de Steven Parrino le bad boy de cette bande des 5 improvisée et réunit le temps d’une exposition. L’artiste utilisait notamment peinture acrylique, huile de moteur et émail puis déchirait et tordait la toile avant de l’insérer dans un support.

Katharina Grosse Splinter

De son côté l’Allemande Katharina Grosse exploite de multiples médiums pour inonder de couleurs ses œuvres. À la Fondation Louis Vuitton elle investit la Galerie 10 qu’elle bombarde au pistolet pulvérisateur. Un acharnement, une énergie qui peut évoquer les expérimentations d’Hans Hartung, pape de l’abstraction lyrique. Le paysage architectural qu’elle dessine ne rappelle certes pas des nuées stellaires de l’Allemand mais un bouillonnement sanguin qui coule comme une avalanche, se répand comme une marée noire de couleurs. Il y a une jubilation chez Hans Hartung. Chez Katarina Grosse on pourrait plutôt percevoir une colère. Hartung sortait de guerres, Grosse pourrait y entrer (climat, civilisation …)

Couleur en fugue

Cette extension du corps va jusqu’à l’envahissement de l’architecture et la rupture avec le support.
Suzanne Pagé, la commissaire générale, y voit une référence à la fugue. Ode à la liberté à la fois musique et échappée. La Fondation Louis Vuitton organise régulièrement des Master class ou des concerts. Par conséquent la musique y a toute sa place estime la directrice artistique. Quant aux notions de liberté, de débordement, elles découlent de la conception du bâtiment telle que l’a voulue l’architecte Franck Gerhy.
La FLV a déjà commandé deux œuvres. Ellsworth Kelly a ainsi imaginé pour l’Auditorium une installation permanente où cinq panneaux monochrome «s’essaiment telles des notes de musique ». De son côté Ólafur Ellasson a conçu un chemin fait d’un halo jaune dans le Grotto.

Cette fois-ci c’est au tour de Katharina Grosse. L’artiste a livré Canyon, une sculpture en pétales-rubans de 15 m de long pesant 3,5 tonnes. L’œuvre va habiter de haut en bas l’espace vide du centre.

Mise en écho de l’architecture et de la couleur

De fait au dernier étage du bâtiment l’exposition La couleur en fugue est une mise en écoute et en écho de la couleur et de l’architecture.

Certaines installations sont modulables et évoquent un art en kit. Elles rappellent les expérimentations du mouvement Supports/Surfaces. Même si encore une fois les organisateurs s’accrochent au Color Field Painting.

Sam Gilliam Drape paintings

Ainsi, les drapés de Sam Gilliam à travers un jeu de noeuds d’adaptent à tous les espace. Les Drape paintings (1968-…) sont des toiles (lin, coton) imbibées de peinture sur les deux faces puis pliées, froissées tordues et ensuite dépliées pour un résultat aléatoire. Une surprise !

De même les supports de toile cirée de Niele Toroni permettent au Suisse monomaniaque de déployer ses empreintes invariables en fonction de la dimension du mur. C’est le lieu qui décide.

Un peu plus de perversion en revanche chez les tondi noir et blanc de Steven Parrino qui migrent de leur support initial et les sculptures roses ou argentées posées au sol. Les oeuvres de l’artiste semblent jouer les invités sages et observateurs. Jusqu’au moment peut-être de percer les murs.

D’autres artistes investissent l’ensemble de l’espace alloué.

Katharina Grosse a colonisé l’ensemble de la salle 10 avec avec en masterpiece Splinter, une sculpture composée d’une vingtaine de triangles en contreplaqué emboîtés sur une structure autoportante. La salle est bombardée de couleurs. On marche sur la peinture chaude et lourde avec un début d’angoisse tellurique.

Megan Rooney With Sun

À l’autre bout de ce dernier étage, la salle 8. C’est là que Megan Rooney a gravé Wilth Sun, une installation aux relents apolliniens. Ainsi des taches solaires ou des turbulences picturales frappent ou caressent les fragments muraux comme autant de tableaux abstraits. Pendant plusieurs semaines l’artiste a arpenté le sol, s’est confrontée à la lumière zénithale et a integré la bande son du lieu – oiseaux compris-. Quant à ses instruments : pinceaux, ponceuse … et nacelle.

Les deux installations performance dialoguent. L’une tout en force et en rage, l’autre tout en détermination délicate. Mais chacune orchestre une chorégraphie de confrontation avec la matière architecturale et les éléments. La couleur en étendard !

INFOS

La couleur en fugue – Fondation Louis Vuitton du 4 mai au 29 août 2022 https://www.fondationlouisvuitton.fr/fr

Related article Fondation Louis Vuitton La couleur en fugue met en écho architecture et couleur

Hans Hartung MAM Abstraction jubilation https://finelife.tv/fr/2020/07/10/hans-hartung-mam-abstraction-jubilation/

Prix Jean-François Prat : lauréats Florian Krewer Marine Wallon https://finelife.tv/fr/2022/04/20/prix-jean-francois-prat-laureats-florian-krewer-et-marine-wallon/

Basquiat Warhol l’art collab à la Fondation Louis Vuitton https://finelife.tv/fr/2023/08/20/basquiat-warhol-lart-collab-a-la-fondation-louis-vuitton/

Ecce Rothko l’émotion en cubes et couleurs