Silsila l’expo qui regarde migrations et héritages
Silsila l’expo qui regarde migrations et héritages .L’institut des cultures d’Islam (ICI) tisse une chaine artistique croisant parcours personnels et mémoire.
« Silsila répond avec nuance et délicatesse aux discours de polarisation des pensées entendus pendant la présidentielle » déclare Bérénice Saliou, commissaire de l’exposition Silsila à l’Institut des cultures d’Islam (ICI). Car Silsila, qui signifie chaine en arabe, renvoie à l’idée de lien entre les destinées et les événements. En bref à la notion d’une humanité universelle. Une universalité riche de parcours singuliers. De fait les propositions artistiques s’avèrent très intimes. D’une part en témoignant d’itinéraires personnels d’immigration et d’autre part en montrant comment se métissent les héritages. Au centre : la mémoire et la transmission. De fait des thèmes actuels que l’on retrouve un peu partout. Rien original a prori. Des surprises pourtant. Parfois ludiques, parfois poignantes. Et aussi des traitements inédits de l’abstraction.
L’exposition s’organise autour de quatre axes et réunit des artistes émergents ou confirmés vivant en France et s’intéressant aux cultures d’islam. Berenice Saliou y discerne « un questionnement de l’histoire de l’art et une empreinte très féminine« .
Migrations : poésie abstraite
Pourtant l’exposition débute par deux oeuvres de créateurs.
Dialogues Himat M Ali
Les strates colorées explosent chez Himat M Ali. Ses Dialogues se veulent une collaboration avec le grand poète arabe contemporain Adonis. En arrière-plan les vers de l’ouvrage Chants de Mihyar le Damascène. « Ma patrie c’est mon travail » résume laconiquement ce grand arpenteur de la terre, d’Irak au Japon.
Deus sive Natura, 2020 Katayoûn Rouhi
Deus sive Natura, 2020 Katayoûn Rouhii
Abstraction plus figurative chez Katâyoun Rouhi. Où est la maison de mon ami raconte l’enfance du créateur en Iran et celle de sa fille en France. Un imaginaire au surréalisme stylisé où des enfants solitaires portant parfois des masques côtoient des arbres en forme de calligraphie.
Mathématique : symboles, rituels et héritages
Les mathématiques et l’astronomie arabo-musulmanes ont joué un rôle central durant tout le Moyen Âge. Cet héritage est repris en un détournement symbolique. Notamment par Rachid Boutarka qui revisite les formes géométriques d’un tapis traditionnel pour peindre « un univers organique et sensuel » Par ailleurs la commissaire de l’exposition Silsila estime que l’artiste «pose la question du décoratif, de l’ornement et lui donne une dimension biographique ».
L’épouse, 2016 © Ymane Fakhir
De son côté Ymane Fakhir accroche une veuve en majesté sur un mur. Tandis que sur l’autre elle compte. La créatrice compose un tableau fait de calculs iliustrant la Loi coranique sur l’héritage. Chaque code couleur correspond aux parts de l’héritage que laisse un homme mort sans enfants. Plus précisément 1/4 de l’héritage ira à l’épouse 1/6 à la sœur et le reste aux 5 frères et sœurs. Dans ses 6 scénographies Ymane Fakhir a transformé en « équation mathématique » la loi du 14e siècle, celle de l’époque des clans au Maroc.
Talisman de la Basmala, série La poétique de l’éther II2019 Haythem Zakaria
Chez Heythem Zacharia la géométrie joue avec l’ésotérisme. Au deuxième étage de l’exposition Silsila il expose ses talismans carrés magiques. Pour Bérénice Saliou « Il s’agit de carrés magiques mathématiques sur lequel l’artiste a collé des mots pour travailler la puissance des lettres arabes »
Silsila : empreintes féminines
L’exposition qui s’étend sur l’ensemble des deux bâtiments de l’Institut des cultures d’islam est largement ponctuée d’empreintes féminines.
Le parterre de tapis d’Ouassila Arras rend hommage à sa mère tisseuse mais parle aussi de son histoire d’adaptation. « J’ai voulu susciter l’interrogation. Dois-je avancer ou dois-je rester sur place. Comme un invité se demande puis-je poser un pied sur le tapis ou pas » explique l’artiste.
Autoportraits Dalila Dalléas Bouzar
D’autres créatrices laissent leur empreinte singulière. Du détournement de la pratique du henné en un monochrome noir à celui de l’autoportrait. Avec un résultat spectaculaire chez Dalila Dalleas Bouzar qui se représente le corps couvert de peintures guerrières pour dénoncer la patriarcat et les violences faites aux femmes.
Chaîne humaine et histoire de l’art
Silsila, la chaîne humaine, humaniste, l’idée d’une humanité universelle aux parcours singuliers s’inscrit également dans une interprétation de l’histoire de l’art.
Retable Délices du temps, 2021 Maya-Inès Touam
Par exemple Maya-Inès Touam reprend l’idée du retable pour en faire un triptyque en forme d’itinéraires migratoires. La créatrice y sème des objets glanés dans les pays traversés de l’Afrique sub-saharienne jusqu’en France.
Les Orientales M barka Amor
De son coté M barka Amor détourne les images d’une « intégration ratée ». En bref des images de marques de semoule, harissa ou henné. Elle tapisse une pièce entière de l’ICI avec ses dessins stylisés traversés de coulées de couleurs. La pièce renvoie peut-être à l’appartement de son enfance à Lyon. « Il y avait l’appartement avec ses produits et sa décoration du pays. Et puis dehors, le reste, la France ».
Rayan Yasmineh Le songe de Gilmanesh
Enfin Rayan Yasmineh, encore étudiant au Beaux-Arts de Paris, revisite l’iconographie orientaliste et les miniatures persanes. Ainsi il peint Sirus, célèbre empereur de la Perse ancienne. Et son modèle n’est autre que son grand frère. Le portait est entouré de fleurs. « Parce que l’odeur du lys, de la terre aide à se souvenir ».
INFOS
Silsila : le voyage des regards- Institut des cultures d’Islam du 31 mars au 31 juillet 2022 https://www.institut-cultures-islam.org/
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