La Fondation du doute célèbre l’Ego art de Ben

La Fondation du doute célèbre l’Ego art de Ben et les 60 ans de Fluxus. Au menu : un recueil d’aphorismes, des expos notamment sur l’ego indestructible ainsi qu’un nouveau parcours de plus de 400 oeuvres. Le tout à Blois, près du Château royal et de l’égo de 7 rois et de 10 reines de France.

En sortant de la gare de Blois impossible de la rater. Affiches sur les arrêts de bus, bannières sur les lampadaires, « mosaïques » sur les murs, la Fondation du doute est mieux signalée que le terminus SNCF. Autant que le château. C’est dire ! Car le monument, historique depuis 1845, célèbre pour sa diversité de styles, témoin du destin de 7 rois et de 10 reines de France, est le fleuron de la ville. Un arrêt presque obligatoire de la Loire à vélo (ou pas). On croise d’ailleurs des Anglais en VAE, des Italiens nez sur une appli dédiée, des scolaires qui s’éparpillent.

Mais cette signalétique dévorante l’est peut-être à dessein. Pour nous happer direct ou nous bonne escorter. On s’interroge, on doute. Considérés dans leur version aphorisme, les mots-panneaux de circulation font peut-être intrinsèquement partie de la démarche de BEN, pape de la Fondation. D’ailleurs la première chose que donne à voir l’ancien couvent est un Mur de mots. Des centaines de slogans organisés selon les codes couleurs de BEN, le sale gosse du clan des Niçois avec Arman et Klein.

L’Ego art de Ben

BEN accueille en cabotinant. As usual. Rien ne va ! Sa jambe est de plus en plus folle et ses neurones partent en vrille. De surcroit personne ne l’écoute. Pour l’exposition inaugurale de la réouverture de la Fondation du doute il avait demandé des lits et pas de blabla. Il n’a pas eu de lits mais des tables rondes pour débattre essentiellement de l’égo. « À quoi ça sert ? À rien ! » bougonne-t-il, sourire en coin, au pied du l’escalier monumental Denis Papin, autre lieu emblématique de Blois. Plus tard, lors de la présentation de la conférence sur l’Ego indestructible, il se félicite, avec la même ambigüité malicieuse, de la présence de philosophes et « personnalités » de premier ordre.

Pour mémoire BEN a un parcours artistique foisonnant. Né Benjamin Vautier à Naples en 1935, BEN se fait connaître à la fin des année 50 et ne se laissera jamais oublier. Il multiplie les performances. Les plus célèbres de ces Gestes restant la traversée du port de Nice habillé et chapeauté, la dégustation de pâtes en pleine rue à une table ou encore l’attente à un bus.

Ces Gestes reflètent l’idée que tout et art, quotidien inclus, très inclus. L’art est dans la rue. L’art est la vie. Et au centre règne l’Ego. « L’Ego est l’ADN de l’oeuvre” nous déclarait en 2020, sa fille, Eva Vautier. A 85 ans, la mort de l’égo et ses déclinaisons dont l’égo et la mort sont au coeur des réflexions du surdoué du happening. Il vient d’ailleurs de publier un recueil d’aphorismes qui prolonge ses thèses sur l’égo et la survie. Nom « L’Ego est indestructible ».

Fluxus : 60 ans d’art foisonnant

BEN est par ailleurs l’une des figures majeures du mouvement Fluxus en France. Officiellement le mouvement, lancé par le Lituanien George Maciunas, voit le jour en 1952. Précisément quand John Cage compose 4’33 ». Mais comme tout est fluctuant chez Fluxus une autre date de création est arrêtée. À savoir celle du concert Neo Dada de Nam June Paik à Wiesbaden (Allemagne) en septembre 1962. Mais au fait Fluxus signifie quoi exactement ? « Il y a des centaines de définitions  » répond BEN goguenard « Il y a même eu une dispute initiée par Yoko Ono sur ce thème ». Ce qui reste toutefois est le flux et la profusion.

En bref Fluxus en un mouvement international de créateurs – musiciens, plasticiens, designers, vidéastes, auteurs- qui s’inscrit dans la mouvance dadaïste, remet en question les catégories artistiques tout en interrogeant l’art. Fluxus accorde autant d’importance à la littérature qu’à la musique, surtout à celle de John Cage inspirée par le zen et les postures de Marcel Duchamp. Le happening et les détournements ou récupérations plus ou moins cocasses occupent également une place centrale. Objectif : l’art festif, accessible au grand public à travers la créativité. On peut ainsi retenir le Eat Art ou encore le MAIL art, ancêtre des fake news la nocivité en moins.

Fondation du doute : antinomie et désordre créatif

La Fondation du doute fête les 60 du mouvement Fluxus à travers Flux events, dont les ateliers d’étendards qui balisent Blois, et nouveau parcours d’expositions.

Elle peut être vue comme l’une des innombrables facétie de Ben, son créateur.

Car par définition le doute suggère, par le questionnement qu’il contient intrinsèquement, une dynamique, un mouvement, un élan. Bref l’inverse de quelque chose de figé comme une fondation. Sauf peut-être si la fondation vise à dynamiter l’acquis et s’inscrire dans la créativité mouvante. Alors suivant ce cheminement intellectuel le doute pourrait paradoxalement matcher avec son lieu. C’est-à-dire la maison du doute créatif, « du désordre qui change le monde » dixit BEN.

Situé à Blois à 10 mn de la gare, l’établissement est installé dans un ancien couvent des Minimes (1619). Après la Révolution, l’édifice religieux devient centre d’enseignement pour jeunes filles (1908) avant l’implantation du Conservatoire et de l’École des Beaux-Arts puis de la Fondation du doute en 2013 portée par la ville de Blois. Aujourd’hui la Fondation refuse le nom de musée ou encore de centre d’art. En revanche elle s’affirme comme un centre artistique hybride, participatif. On y voit les œuvres de toute une génération d’artistes ayant marqué l’histoire de l’art de la deuxième moitié du XXe siècle. Ainsi Wolf Vostell, George Brecht ou encore Robert Filliou, Ben Patterson et Allan Kaprow. BEN voulait « un étage consacré à Fluxus et un autre à tout ce qui art vivant, doute, création, à tout ce qui est dérangeant (…) dont les racines contiennent Duchamp et John Cage ».

Expositions et événements au menu de la réouverture de la Fondation du doute

Entre virgule et parenthèse déroutée, un chemin rouge conduit devant le Mur des mots. À savoir 313 plaques émaillées reprenant les tableaux-écritures de BEN. On pense aux 4’33 minutes de Cage. Un artiste numérologique ne niche peut-être dans l’inconscient déjà très encombré du Niçois d’adoption.

Côté expositions, un rez-de-chaussée et un étage de 400 m2. Pour sa réouverture la Fondation présente environ 400 oeuvres – 1 oeuvre par m2 donc -. Volontaire ? Oui, non, on doute ! Elles proviennent majoritairement de la collection personnelle de BEN mais aussi de prêts d’autres collectionneurs comme Gino di Maggio ou Catarina Gualco. On y remarque notamment les pièces Eat art de Daniel Spoerri (tableaux-piège), les pianos John Cage, les portières de Wolf Vostell, la chaise coupée de Goeffrey Hendricks ou encore le Bouddha devant miroir de Nam June Paik.

Chaise coupée – Geoffrey Hendricks
Fandango -Wolf Vostell
Bouddha – Nam June Paik
Tableau-piège Daniel Spoerri -Eat art

Le bouddha au miroir, une oeuvre déconcertante qui questionne l’égo et renvoie directement aux débats du Pavillon d’Exposition. Au programme des réflexions prévues dans cet ancien cloître figure en effet une table ronde, on le répète, autour de l’Ego indestructible. Le public peut parallèlement glisser dans des urnes transparentes des réponses aux questions de BEN. Ou encore envoyer des cartes postales de la Fondation du doute. Clin d’oeil au Mail art pré réseaux sociaux.

Fluxus Tour : Foucault et le cimetière de l’égo

Wolfgang Natlacen – départ de la Fondation du doute pour au Flux tour qui mène au cimetière de Blois et à l’enterrement (?) de l’ego

Pour prolonger la réflexion sur la survie de l’égo il y a aussi l’art-jeu ou flux tour de Wolfgang Natlacen, artiste inspiré par les marges foucaultiennes. « Les hétérotopies, ces lieux hors du temps qui ne sont pas des utopies » précise le fan des stades de foot. Un groupe part de la Fondation pour rejoindre à pied le cimetière en suivant l’artiste qui pousse une brouette pleine de pots de sauge. Puis chacun plante son pot dans la terre de la tombe. C’est la tombe de Ben ose-t-on ? Non non répond le performeur en se signant presque. C’est en fait un certificat pour une concession de l’égo.

Ouf ! Pour se remettre de ses émotions rendez-vous au Fluxus Café pour déguster des choses sucrés chaudes ou froides mais non alcoolisées. Tout en regardant bien entendu les aphorismes de BEN. Le goût de l’ego ?

INFOS

Fondation du doute Exposition 60e anniversaire de Fluxus – du 24 septembre au 27 novembre

Entrée monumentale  » Mur de Ben »

14 rue de la Paix 41000 Blois

T- + 33 (0)2 54 55 37 48

https://www.fondationdudoute.fr/

Y ALLER EN TRAIN

De Paris gare d’Austerlitz, ligne Paris/Tours, Arrêt en gare de Blois (10 minutes à pied de la Fondation du doute)

BILLETS

Plein tarif 7,50 euros, tarif réduit 5,5O euros, tarif jeune 3,50 euros

VISITER

Château de Blois de Blois https://www.chateaudeblois.fr/

Blois et Chambord / Office de tourisme https://www.bloischambord.com/

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