Black Friday : Green Friday ou l’art de la riposte

Black Friday : Green Friday ou l’art de la riposte . 2/3 des Français déclarent vouloir acheter dans le cadre du Black Friday alors que 30 % disent vouloir zapper ces jours de grande consommation. Mais les lignes bougent légèrement en faveur du Green Friday. Entretien avec deux représentants de collectifs anti surconsommation, Altermundi et Max Havelaar, entre action coup de poings et ateliers anti fast fashion.

Sale temps pour le pouvoir d’achat. En moyenne 6% d’inflation, voire le double sur l’alimentation. Alors le Black Friday et ses remises choc font figure de grandes tentations dans le désert.

Crise du pouvoir d’achat et tentation des « bonnes affaires »

Difficile de résister même si les canicules, les feux, les inondations, la question des droits humains génèrent des prises de conscience. Difficile de résister surtout pour les jeunes et les couches moins que moyennes. En revanche les CSP plus se montrent plus rétifs à cette consommation anti éthique à fort impact climatique.

Plus précisément, toujours selon le sondage Harris Interactive pour la Fevad (Fédération du e-commerce et de la vente à distance) et réalisé début novembre sur 1 033 personnes représentatives des Français âgés de 15 ans et plus, 2/3 des Français déclarent vouloir acheter dans le cadre du Black Friday alors que 30 % disent vouloir zapper ces jours de grande consommation. Le sondage révèle que les articles les plus recherchés sont les vêtements (fast fashion) avec un penchant pour les cadeaux de Noël.

Toutefois l’étude commandé par la MAIF-Green Friday montre que la côte du collectif (1) monte. « 35% de la population déclare en avoir déjà entendu parler (en hausse de 6 points par rapport à 2019). Par ailleurs, 16% des Français déclarent avoir déjà assisté ou participé à un événement organisé par le collectif dans le cadre du Green Friday ».

D’autre part, certains sites comme EBAY ont décidé de boycotter les journées de super promo du Black Friday.

Afin d’aller un peu plus loin nous avons interrogé deux acteurs anti Black Friday qui ont choisi l’un la pédagogie dans des ateliers dédiés l’autre l’action coup de poing .

Entretien.

Consommation kamikaze

Entrée en matière avec la Consommation kamikaze. Hum qu’est-ce-que c’est ?

Thibaut Ringô Directeur général d’Altermundi et membre fondateur du Green Friday : Réponse en quelques chiffres

90% des français.es trouvent que l’on vit dans une société qui nous pousse à acheter sans cesse.

Une personne achète aujourd’hui 60% d’habits en plus qu’il y a 15 ans, tandis que chaque article acheté est gardé deux fois moins longtemps.

10 000 litres d’eau sont nécessaires pour produire un jean
5 millions de tonnes de vêtements sont mises sur le marché en Europe chaque
et 4 millions sont jetés

*88%* des Français changent leur téléphone portable alors qu’il fonctionne encore. Il faut extraire 70KG de matières premières pour fabriquer un smartphone de 70g et 13h par jour sont imposés aux travailleurs chinois qui produisent nos smartphones.

La surconsommation et la surproduction liées à une opération comme le black Friday sont extrêmement néfastes pour notre planète : épuisement des ressources, conditions de travail bafouées, destruction de la biodiversité…
La liste est longue !

Consommer mieux

Dans un contexte de sale temps pour le pouvoir d’achat le Black Friday n’est-il pas une opportunité de faire des cadeaux de Noël, de remplacer sa machine à laver ou de s’offrir un pull bref de faire un achat impossible autrement ?

Thibaut Ringô : Pour résoudre le problème de pouvoir d’achat, les acteurs du Green Friday
invite à *consommer moins mais mieux. *

Pour cela on peut choisir une consommation responsable mais on peut aussi réparer, acheter de seconde main ou tout simplement ne pas acheter si ce n’est pas vraiment nécessaire.

Margot Jaymond, chargée de plaidoyer de Max Havelaar : Pour beaucoup, le Black Friday est en effet l’un des seuls moments de l’année où ils peuvent se procurer des produits dont ils ont besoin, notamment ceux qui coûtent très cher le reste de l’année, comme l’électronique et l’électroménager. Avec l’inflation actuelle, on imagine que ce phénomène pourrait s’accroître cette année.

Mais aujourd’hui, ce qu’on a dénoncé, c’est les stratégies marketing agressives des marques de prêt-à-porter qui nous assomment de promos « limitées » et « exclusives » pour créer un faux sentiment d’urgence et nous inciter à acheter des choses dont nous n’avons pas besoin. Ce qui est important c’est de réfléchir à ce qui se cache derrière ces réductions, et se poser les bonnes questions : est-ce que j’ai besoin de ce vêtement ? Est-ce que je le porterais plusieurs fois ou va-t-il dormir dans mon placard ? Est-ce que je peux le trouver en seconde main ou réparer une pièce similaire que j’ai déjà 

Le Black Friday et les jeunes

Les sondages montrent que 2/3 des Français , dont beaucoup de jeunes, sont favorables au Black Friday et que les « opposants » sont plutôt des CSP +. Comment réagissez-vous à ces données notamment à l’affection des jeunes pour le Black Friday ?

Thibaut Ringô Ces données sont en effet marquantes, elles montrent que notre travail de
sensibilisation est nécessaire pour faire comprendre au consommateur l’impact de son achat sur l’Homme et la planète.

Beaucoup de jeunes sont addict à la fast fashion. Essayons de comprendre qu’il est préférable d’acheter un t-shirt en coton bio fabriqué en France à 30€ qui durera plusieurs années plutôt que d’acheter des T Shirts jetables à 5€.

Margot Jaymond On vit dans une société de consommation depuis les années 80, donc nous sommes tou.te.s habitué.e.s à avoir accès facilement et rapidement aux biens qu’on souhaite consommer, ces chiffres ne sont donc pas étonnants. Les jeunes notamment sont extrêmement exposés aux stratégies des marques de fast-fashion et d’ultra-fashion, puisqu’ils en sont la cible principale. Shein par exemple vise principalement la génération Z, des pré-adolescent.e.s et des adolescent.e.s au petit porte-monnaie. Ils n’ont pas encore toutes les clés en main pour analyser leurs achats, et ils sont perméables aux tendances et aux publicités. 

Mais les choses changent, et il faut mettre ces chiffres au regard d’autres études qui montrent que les ventes du Black Friday reculent chaque année petit à petit. C’est dû à plusieurs facteurs mais l’un d’entre eux pourrait bien être la prise de conscience des consommateur.rice.s qui les poussent à prendre des décisions d’achat qui tiennent compte des impacts sociaux et environnementaux de la mode. 

Eco anxiété et surconsommation

N’y a-t-il pas une contradiction entre l’eco anxiété, la prise de conscience des enjeux climatiques et humains et la surconsommation incarnée par le Black Friday ? Si oui comment l’expliquez-vous ?

Thibaut Ringô : C’est un vrai paradoxe. Il est nécessaire d’avoir une approche positive et
non culpabilisante pour inciter le consommateur à agir autremen
t. Nous souhaitons lui faire prendre conscience du *pouvoir de son achat*. Si nous boycottons des opérations comme le Black Friday, les marques et les entreprises prendront conscience qu’il faut changer notre mode de fonctionnement.

Margot Jaymond : ll y a évidemment une contradiction entre la prise de conscience croissante de l’urgence climatique et sociale dans laquelle nous sommes actuellement, et la surconsommation, et cette dissonance est même sûrement l’une des causes de l’éco-anxiété : on est conscient que le système doit changer, mais on consomme au sein de ce système chaque jour. 

S’il y a une responsabilité individuelle, c’est loin d’être la seule. Ce n’est pas seulement aux consommateur.rice.s de se poser ces questions, c’est aux marques et aux entreprises de prendre leurs responsabilités et de changer leur modèle de production. C’est pour ça qu’on porte aujourd’hui et toute l’année la campagne Good Clothes, Fair Pay, qui demande à l’Union européenne de passer une loi pour obliger les marques de vêtements à s’assurer que les personnes qui fabriquent nos vêtements soient payées un salaire qui leur permette de vivre dans des conditions décentes. Si on sort de la surproduction imposée par les marques qui veulent dégager le plus de profit possible, on sort de la surconsommation, on réduit l’impact climatique de la mode, et on sait, en tant que consommateur.rice, ce qui se cache derrière ce qu’on achète. 

Action coup de poing ou ateliers de sensibilisation

Max Havelaar a opté pour un coup d’éclat dans le quartier des Halles. Pourquoi avez-vous choisi la sensibilisation via des ateliers rue de Rennes à Paris ?

Thibaut Ringô Nous avons invité le label SloWeAre à la boutique Altermundi rue de Rennes pour un atelier de sensibilisation à la mode éthique. Eloïse la fondatrice du label a ainsi expliqué à nos clients comment analyser la composition et les conditions de fabrication des vêtements. Le consommateur doit se poser cette question au quotidien. Ne pas céder à l’achat facile. Plus globalement nous avons organisé des ateliers de sensibilisation au développement durable dans toutes nos boutiques dans lesquelles nous agissons avec une pédagogie bienveillante au quotidien. Nous sommes convaincus qu’en reconnectant le consommateur au producteur, nous pourrons faire évoluer les choses.

Distribution de coupons good clothes fair play dans le quartier des Halles

Altermundi a opté pour une sensibilisation via des ateliers rue de Rennes à Paris. Pourquoi avez-vous choisi un coup d’éclat dans le quartier des Halles ?

Margot Jaymond : Nous avons choisi de nous mobiliser dans le quartier des Halles, car comme la rue de Rennes, c’est un quartier très symbolique en termes de consommation. Entre le Forum des Halles et la rue de Rivoli, c’est des dizaines d’enseignes de fast fashion qui se suivent.Et c’est aussi un quartier dans lequel on se retrouve pour faire nos achats. L’idée de notre action était d’échanger avec les passant.e.s et les consommateur.rice.s pour les interpeller sur ce qui se cache derrière les réductions et les promos d’aujourd’hui. Objectif : les amener à réfléchir à leurs habitudes de consommation et d’interpeller l’UE pour qu’elle oblige les entreprises à prendre leurs responsabilités. Il y a avait donc du sens à se mobiliser dans ce lieu. 

(1) Créé il y a 6 ans le Green Friday regroupe 560 enseignes qui se militent ensemble pour sensibiliser à la nécessité de “consommer mieux, consommer moins”.

INFOS

Green Friday : https://greenfriday.fr/

Max Havelaar France : https://maxhavelaarfrance.org/

Étude Harris-interactive pour la Fevad (Fédération du e-commerce et de la vente à distance) https://harris-interactive.fr/opinion_polls/black-friday-et-achats-de-noel-face-a-la-crise-comment-vont-se-comporter-les-cyberacheteurs/

Altermundi http://www.altermundi.com/

Étude MAIF-Green Friday https://greenfriday.fr/wp-content/uploads/2022/11/CPGreenfridayXmaif.pdf

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