Musée animal Carlos Fonseca et l’art du camouflage

Musée animal Carlos Fonseca et l’art du camouflage .Un roman puzzle déroutant qui nous balade des galeries new-yorkaises aux jungles du Costa Rica, entre millénarisme, critique sociale et traité sur les fake news. Le feu et la dissimulation constituent les fils d’Ariane de ce dédale, récit magistral où se brouillent nos regards et s’aiguisent nos pensées.

Si Musée animal était un thriller – et d’une certaine manière il en est un- il ne serait pas noir mais kaki camouflage. En effet quel rapport entre les protagonistes : un papillon, une styliste hype, un ex top model, un photographe reclus ? Des obsessions, des insomnies, des paysages de feu, et surtout le camouflage. Comme protection, arme artistico-politique. Comme dialectique du subterfuge aussi. Masquer pour dévoiler.

Tout commence par une nuit d’insomnie habituelle pour le narrateur, conservateur d’un musée d’histoire naturelle du New Jersey. Des insomnies qui lui font voir comment un tableau d’Edward Hopper regarde à l’intérieur ou comment une voisine, dissimulée derrière sa fenêtre, guette 5 heures pour allumer la machine à café. Ce début est le coup de fil d’une célèbre styliste de mode new-yorkaise qui lui propose de créer une exposition autour du camouflage. Giovanna Luxembourg comme le naturaliste sont fascinés par les mondes du camouflage : subterfuges animal, masques des hommes … Nom de l’exposition : musée animal.

C’est un article sur le papillon qui a attiré l’attention de la jeune créatrice. Les variations du lépidoptère en Quincunx, sorte de code en cinq points. Souvenir d’une lecture sur le dessin divin pour l’un. Plongée dans les jungles où ses parents l’abandonnèrent pour suivre un prophète pour l’autre.

Enquête kaki

Après des rencontres irrégulières et des disparitions dans les forêts mexicaines du Commandant Marcos, la styliste disparait totalement. Sept ans plus tard le narrateur reçoit son héritage testament : 7 chemises manille. Il mettra une nuit à les ouvrir. Et beaucoup plus à reconstituer le puzzle de l’histoire de Giovanna Luxembourg.

Musée animal a une dimension policière : une enquête quête. Le narrateur enquête, la styliste enquête, Tancrédo, l’ami journaliste du narrateur, enquête, la police enquête sur la mère de la styliste, la mère de la styliste enquête sur l’art du faux et les communautés anarchistes, le père de styliste enquête sur les feux qui embrasent le monde. Le point commun de ses recherches est la disparition et la dissimulation. Le roman n’est pas noir mais kaki. La couleur du camouflage. Alors, il multiplie les emprunts au monde animal : le caméléon symbole de l’art de l’invisibilité ou encore la mante religieuse qui se confond parfaitement avec l’environnement pour mieux tuer.

Lors de leur dernière rencontre le narrateur et la styliste complètent un puzzle aux couleurs délicates à côté d’une aquarium aux poissons tropicaux qui zèbrent la nuit de leurs motifs vibrants. Le puzzle et l’animal : deux thèmes récurrents du livre.

Mieux, les parents de la styliste, une top model des années 70 et un photographe de mode, vont changer radicalement d’identité sociale. De couple glamour et ultra peoplisé ils passent à l’anonymat. Pourquoi ?

Millénarisme et fake news

Le narrateur reçoit l’appel de la styliste à l’aube du XXI e siècle. Les parents de Giovanna disparaissent en suivant un prophète qui doit les mener à l’enfant élu. Carlos Foseca documente le millénarisme et en sort ce qui s’apparente à une fable. Au centre, une manipulation qui entend dénoncer combien l’ennemi est dangereux. L’ennemi c’est-à-dire est un monde d’apôtres de la peur et de vérités alternatives : les fakes news.

Au centre de cette intox Virginia McCallister. La mère de la styliste est la descendante de William Tecumseh Sherman, général des terres brûlées de la guerre de Sécession avec en acmé l’incendie d’Atlanta. L’héritière, lasse des illusions du monde hollywoodien, va entamer une quête spirituelle hallucinée. Elle entraine sa fille, la petite Giovanna, et son mari, Yoav Toledano photographe israélien en quête du Grand Sud, son illusion personnelle. Il croisera les villages miniers en feu qui le happeront. Un miroir du feu des McCallister. Mais avant il chronique le pèlerinage où des enfants, exploités par des narco trafiquants ou affiliés, sont présentés comme des élus, des guides ultimes avant le grand basculement. Ils portent des masques blancs. Illusion, dissimulation toujours. Ou spectacle à l’attention des occidentaux paumés, papillons qui se bruleront aux feux du millénarisme. Celui du Temple du peuple à Jonestown ou encore celui du Temple solaire. Deux apocalypses qui firent 900 morts dans la jungle de Guyana et 74 dans le Vercors.

Virginia McCallister va prendre un autre chemin. La disparition au service d’un grand dessin. Une gigantesque intox qu’elle mettra des années à construire. Tapie sous un faux nom dans une sorte de tour de Babel tropical elle consigne et archives tout ce qui a trait au faux en art. Virginia McCallister va initier les fake news.

Structure en puzzle vision en abime

Musée animal est un roman du mouvement ponctué de haltes insomniaques. Le sommeil le rêve y sont bannis parce que peut être tout est déjà illusion. Ce n’est pas la Maya de la mythologie indoue mais le miroir de nos sociétés. Une mise en abîme sous forme de puzzle, une odyssée du faux.

INFOS

Musée animal

Carlos Fonseca

Editions Christian Bourgeois https://bourgoisediteur.fr/

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