Yōkai : les fantômes arty du Japon
Yōkai : les fantômes arty du Japon . Ou plutôt les esprits et les créatures surnaturels. Terrifiants ou cocasses mais toujours artistiques ils peuplent l’imaginaire nippon. Yumoto Koichi les rassemble dans un beau livre de 500 pages.
L’État du Connecticut vient d’exonérer 9 femmes et 2 hommes condamnés à mort pour sorcellerie au milieu du XVIIe siècle. Une réhabilitation qui « prolonge » la décision du tribunal du Massachusetts de gracier en 2022 la dernière des quelques 400 sorcières de Salem. Et qui s’inscrit dans l’esprit du projet de loi déposé au parlement écossais visant à effacer le nom de près de 4 000 personnes accusées de sorcellerie.
La sorcellerie on connait bien en Occident. Une manière souvent patriarcale d’écarter les femmes déviantes. Mais, outre les sorcières, nous avons aussi toute une foule de créatures magiques et familières issues du paganisme. Elles se retrouvent dans de nombreux contes et peuplent notre inconscient.
Yōkai : un beau livre de plus de 500 pages sur les créatures surnaturelles du Japon
Le Japon a aussi ses esprits et créatures surnaturels : les yōkai. Si l’Occident connait, à travers les films, les fantômes chinois les yōkai lui sont peu familiers. Pourtant ils s’inspirent des mêmes peurs, des mêmes passions, des mêmes rêves. Le fond est là mais les représentations diffèrent. Affaire de culture.
Yumoto Koichi, ancien conservateur du Kawasaki City Museum, a totalement craqué pour ces êtres qui peuplent l’imaginaire populaire. Il leur a consacré un beau livre de 520 pages nourri à 90% d’illustrations. L’ouvrage est un bel objet de près de 2 kilos qui couvre quatre siècles de création artistique depuis la période d’Edo (1616-1867). Il fait alterner une courte présentation de la catégorie de yōkai et ses représentations générales -la plupart du temps sur un roulant d’estampe. L’auteur fait également des focus sur les yōkai particuliers. L’ensemble est présenté sous forme d’estampes, peintures, rouleaux illustrés, cartes et affiches.
Un monde de monstres arty
La traduction de yōkai est monstre. Un terme que Yumoto Koichi trouve réducteur. Il limite le yōkai à quelque chose de malfaisant alors qu’il peut apporter chance et prospérité. Surtout, pour le collectionneur, le yōkai est synonyme de diversité.
Les yōkai font indéniablement partie de la culture populaire nippone. Le folklore en regorge.
« Imaginez que vous entrez dans le monde des yōkai … Voici que vous risquez de rencontrer un abura-akago, un être aux traits enfantins qui adore lécher l’huile de votre lampe dans l’obscurité la plus complète ; un effrayant kamikiri bien décidé à couper les cheveux des femmes qui vont aux toilettes pendant la nuit ; ou encore un akaname dont le plus grand plaisir est de manger la crasse de la baignoire » écrit l’ancien conservateur.
Le yōkai emprunte à l’humain, à l’animal au végétal. Et même aux objets du quotidien. On se régale de la sirène échevelée au corps de dragon qui tire la langue. Comme du cyclope à la corne de licorne. On s’interroge sur la créature couverte de taches noires drapée dans un kimono et une toile d’araignée. Alors que la femme aux bras poilus et griffus se peignant les dents en noir nous renseignent sur les rites de beauté. Ou encore que le gros chat blanc à qui une sorcière rousse offre deux pommes nous séduit par le raffinement de sa tenue. D’autres créatures encore pullulent dans des fresques d’apocalypse.
Toutes ces entités oscillent entre un monde à la Jérome Bosh nippon et un Halloween arty. On se régale de ce déploiement d’imagination et de dextérité.
Infos
Créatures et esprits surnaturels du Japon
Yumoto Koichi
Éditions de la Martinière https://www.editionsdelamartiniere.fr/
Related article Yōkai : les fantômes arty du Japon
Un chat au Japon : haïkus de Kobayashi Issa https://finelife.tv/fr/2023/05/25/un-chat-au-japon-haikus-de-kobayashi-issa/