L’allégement des vernis Paul Saint Bris décape l’art et la Joconde
L’allégement des vernis Paul Saint Bris décape l’art et la Joconde en imaginant une Mona Lisa claquante de couleurs. Son livre distille une petite philosophie du temps qui passe à l’aune de l’art, une poésie cocasse qui balaie la « saudade » des protagonistes.
En 2018 Beyoncé et le rappeur Jay-Z, alias les Carters, tournent au Louvre le clip de leur duo, « Apeshit ». Depuis le site du musée les montrent posant devant la Joconde et propose un parcours sur les traces des Carters.
L’art de la mise en scène délirante et poétique
Paul Saint Bris s’inspire de cet épisode ultra people au début de son premier roman, L’allégement des vernis. Et en fait un moment de grand délire. Car voici Queen Be entourée de ses amazones entrant dans une transe païenne devant le sourire éternellement zen et énigmatique de la dame florentine. Suit alors un enchainement, une saccade de micro drames déclenchée par l’hermine de la diva RnB qui joue les idoles, mord Aurélien, le directeur du département des peintures du Louvre, avant de disparaître à jamais dans les ombres du musée. Affolement et consternation ! Comment apaiser l’iconique chanteuse américaine aux 32 Grammy Awards et aux millions de followers ?
Paul Saint Bris a indéniablement le sens de la mise en scène délirante et poétique. Plus loin il orchestre par exemple un ballet de technicien de surfaces. Et voici apparaître Homéro. Pâle créature de « deuxième ligne » le jour, hidalgo ou Nijinski selon les goûts, la nuit. Un pur moment de délectation ! Vous ne regarderez plus jamais les auto laveuses, ni d’ailleurs les petites mains de la propreté, comme avant.
Sous la plume de Paul Saint-bris, le « plus beau musée du monde » devient un monde parallèle peuplé d’œuvres et de créateurs qui sortent des cadres pour jouer une partition freestyle.
Marketing : Mona Lisa is very bankable
Mais il y a aussi le staff. Et le staff c’est en premier lieu Daphné, responsable de la communication au sourire hypnotique et au génie marketing. Le Louvre et ses chefs-d’œuvre c’est bien mais il faut faire rentrer les devises. Et pour cela frapper un grand coup.
La communication doit faire dans la disruption, voire l’iconoclasme. Avant tout l’iconoclasme. Daphné va donc proposer de décaper la Joconde, de lifter Lisa Gherardini, qui a tout de même plus de six siècles, en allégeant ses vernis. L’annonce devrait faire exploser les réseaux, le buzz devrait être gigantesque. Encore s’agit-il de ne pas perdre le contrôle. On ne touche pas à un mythe sans couvrir ses arrières.
Afin de calmer les autorités poussiéreuses, l’équipe marketing du Louvre va faire appel à un autre mythe. De la restauration cette fois-ci. Nom : Gaetano. Le toscan, spécialiste du maître de la Renaissance, devra déterminer le dosage de vernis à enlever pour révéler la dame peinte par Vinci. Mission hautement risquée et délicate. On pense au débat sur le travail de la restauratrice Dianne Modestini sur le Salvator Mundi. The Lost Leonardo, le tableau le plus cher du monde (450 millions de dollars en 2017), était-il encore – s’il l’a jamais été- un Vinci ou bien une oeuvre de la restauratrice ?
Petite philosophie du temps qui passe et de l’art qui reste
Paul Saint Bris a indéniablement enquêté sur les arcanes de la gestion de musées et de l’industrie de l’art. Et il a la critique aussi drôle que mordante. Il n’a pas non négligé les techniques de restauration ce qui fait entrer le lecteur dans un monde pas forcément connu du grand public.
« L’allégement des vernis » s’inscrit également dans une dimension psychologique et sociale. Aurélien, le personnage principal est une bonne pâte bien trop pétrie. Par une hiérarchie qui le tient comme portion congrue. Par une compagne qui rayonne et s’éloigne de ce conjoint dépassé. Alors quand Gaetano, le restaurateur star, livre sa Joconde allégée de ses vernis Aurélien prend une décision radicale.
Ce premier roman loin d’être passéiste est un réjouissant regard sur les habitudes et la tradition autant qu’une recherche d’authenticité.
INFOS
L’allégement des vernis
Paul Saint Bris
Éditions Philippe Rey http://www.philippe-rey.fr/
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