Basquiat Warhol l’art collab à la Fondation Louis Vuitton
Basquiat Warhol l’art collab à la Fondation Louis Vuitton .L’exposition « À quatre mains » présente 80 toiles sur les 160 issues de la collaboration entre les deux icônes ainsi que des espaces habités par les créateurs de l’époque. En collab ou non avec Basquiat. Sur quatre étages on célèbre le culte du Radiant Child et du roi du pop art dans une Fondation cathédrale.
Retour de Basquiat à la Fondation Louis Vuitton (FLV). En duo plus serré que la la première fois. En 2018 il cohabitait avec Egon Schiele. Et attirait selon la FLV près de 700 000 visiteurs. Cette fois-ci il s’intrique à Warhol. L’exposition va sans doute battre des records. Au menu 80 toiles parmi les 160 de la partition initiée par le marchand d’art Bruno Bischofberger. S’y ajoutent des œuvres individuelles ainsi que des « corners » comme celui dédié à Keith Haring, autre phénomène des 80es. Au total près de 300 œuvres et documents entendent restituer le dynamisme de la scène Dowtown de l’époque et surtout célébrer deux de ses idoles.
De l’art de la collab
Bruno Bischofberger conseiller spécial insiste sur la genèse et les raisons de cette production à quatre mains. Le galeriste suisse était à la fois le marchand d’Andy Warhol et celui de Jean-Michel Basquiat. Ce dernier avait tenté d’approcher la diva en lui vendant cartes postales et tee-shirt. Succès très mitigé. Tout change quand Bruno Bischofberger décide d’une collaboration entre le « vieux maître » et des talents émergents. À savoir Basquiat et le très surprenant Francesco Clemente.
« Los Cabezas » : événement fondateur
Une intention c’est bien, un événement fondateur c’est mieux. Lors d’un dîner organisé à la Factory en 1982 Basquiat s’éclipse et fait apporter moins de deux heures plus tard un tableau tiré d’un polaroïd où il pose tignasse hérissée et air moqueur à côte d’un Andy Warhol main sur le menton et cheveux paille. Bluffé par la rapidité et un brin envieux -« Je suis jaloux, il est plus rapide que moi » – Warhol adoube son jeune compagnon en art. Le tableau iconique « Los Cabezas » (Deux grosses têtes) figure évidemment dans l’exposition.
La collaboration : un geste artistique (et marketing)
Mais pourquoi collaborer ? La collaboration était dans l’air du temps selon le marchand d’art. Il cite ainsi un tableau peint conjointement par Enzo Cucchi et Sandro Chia. Mais il y existait aussi des antécédents : les cadavres exquis des surréalistes et la collaboration conceptuelle dans le mouvement post moderne. Bruno Bischofberger cite notamment l’influence du Caravage chez Julien Schnabel. Enfin pourquoi le monde de l’art plastique échapperait-il au faire ensemble alors que dans l’univers musical c’est une pratique courante voire nécessaire ? Basquiat était le candidat idéal puisqu’il graffait déjà en duo avec sous le pseudo de SAMO (Always the Same Old shit). Alors quel résultat pour cette collaboration Basquiat X Warhol ? Selon Keith Haring citant William Burroughs l’émergence d’un » troisième esprit » à savoir la fusion de deux esprits qui aboutit à la création d’un troisième.
On peut par ailleurs penser que réunir une idole et un créateur magnétique était aussi un bon calcul marketing. Depuis la pratique s’est élargie : les créateurs s’allient couramment à une marque. C’est la X stratégie. On remarque sur l’affiche que l’étoile noire de Basquiat a été remplacée par le X que l’empire du luxe de Bernard Arnault, fondateur de la la Fondation Louis Vuitton, utilise généreusement. Next time un Bitcoin ?
Paquebot cathédrale et grands formats fresques
L’exposition débute par des portraits réciproques. On remarque notamment de superbes Basquiat en David par Warhol.
Elle se poursuit par une première collaboration initiée par Bruno Bischofberger. Celle de Jean-Michel Basquiat, Francesco Clemente et Andy Warhol. Une quinzaine d’œuvres qui seront exposées en octobre 1984 dans la galerie zurichoise du marchand d’art. Le modus operandi consistait à faire passer les tableaux d’atelier en atelier. La signature artistique est aisément repérable : sérigraphies warholiennes, écritures et collages de Basquiat et la touche si particulière de Clemente entre onirisme et fascination pour les corps déformés.
Des grands formats fresques
Après la collaboration initiale, il continuent à créer. En duo cette fois-ci. Une partition à quatre mains qu’ils jouent environ deux ans, entre 1984 et 1985. L’exposition présente notamment Olympic Rings où Basquiat afro-africanise la toile de Warhol sur les jeux olympiques d’été de Los Angeles en 1984. Ou encore la série autour du logo de la Paramount. « Cohabitent alors divers signes, symboles et strates, des lettres, des chiffres, des listes, et même une carte de Chine selon la logique de brouillage propre à Bastia » écrit Suzanne Pagé commissaire générale et directrice générale de la Fondation Louis Vuitton.
Ensuite on entre dans le gros du sujet, dans la matière même qui s’étale, surgit ou se cache dans le fourmillement de détails des grands formats.
Basquiat vient du street art. Il maitrise l’art de la recup avec des installations de street brutes faites de portes, poutres et bric broc de la rue autant que l’art rupestre moderne, le graffiti sur les murs des villes.
Warhol pense écrans de cinéma et grandes bannières publicitaires.
« African Masqs » emplit l’espace avec ses 30 mètres de long.
Didier Buchard, commissaire de l’exposition cite Basquiat parlant de sa collaboration avec Warhol. « Il commençait la plupart des peintures. Il mettait quelque chose de très concret ou de très reconnaissable, comme une manchette de journal ou le logo d’un produit, et puis je le défigurais en quelque sorte et puis j’essayais de le faire retravailler dessus un peu, et puis je retravaillais dessus davantage ».
Le travail du duo est mis en sourdine après l’exposition de 1985 à la galerie Shafrazi. Le New-York Times journal écrit en effet que Jean-Michel Basquiat est devenu la mascotte d’Andy Warhol qui relance ainsi sa carrière déclinante. L’artiste est blessé. Il prend ses distances.
On se perd dans le temple
On se perd dans cette cathédrale des grands formats, de XXL reflet des personnalités king size. La profusion créée notamment par les séries nous écrase, on est asphyxié par un brouillard caniculaire de détails. Certaines toiles donnent l’impression de ne donner à voir que du Basquiat, dans d’autres en revanche Warhol parait donner le ton. Collaboration brouillée. Surtout, l’exposition semble célébrer un culte dans le paquebot de Gerhy transformé en temple.
Par ailleurs que va retenir le public ? Certes les thèmes de la consommation de masse, de l’American way of life, du racisme, de la violence sociale, des corps souffrants explorés par Warhol et Basquiat sont connus. Mais les séries et les séries à l’intérieur des séries comme celles qui tournent autour de natures mortes (fruits, légumes, animaux …) requiert plus d’explications.
Respirations
Bref, on respire dans les corners dédiés. Celui de Keith Haring, celui qui montre la scène underground des 80es avec notamment un scooter et un blouson designés. Mais aussi devant un film où les deux icônes complices cabotinent avec une spontanéité plaisante bien que sans doute calculée.
Enfin on médite devant une installation qui ne sera montrée qu’après la mort d’Andy Warhol durant une opération de la vésicule biliaires le 22 février 1987 et après celle de Jean-Michel Basquiat le 12 août 1988.
Ten punching balls aligne des sacs d’entrainement sur lesquels Warhol peint le visage du Christ d’après la Cène de Léonard de Vinci. Basquiat y ajoute JUDGE et sa couronne. Référence aux boxeurs héros Américains comme les jazzmen pour Basquiat. Et témoignage de la violence envers la communauté afro-améréricaine. Un Black Lives Matter avant l’heure.
INFOS
Basquiat X Warhol À quatre mains
Jusqu’au 28 août 2023
Fondation Louis Vuitton https://www.fondationlouisvuitton.fr/
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