La Mode fait du Sport au MAD

La Mode fait du Sport au MAD . Une exposition qui présente 450 pièces et transforme la nef en stade en hommage aux JO 2024 et aux créations issues d’autres podiums, ceux des couturiers. Interview de la commissaire Sophie Lemaheu.

Léonore Cottrant : L’exposition s’ouvre sur des statues antiques et une victoire de Samothrace règne sur la nef. Un goût de l’antique en rapport avec l’Olympiade culturelle ?

Sophie Lemaheu : Indéniablement car l’exposition figure dans la programmation. Nous avons donc choisi une mise en scène qui rend hommage à l’Olympisme et à ses champions. L’Olympisme apporte quelque chose de dynamique, de joyeux, d’enthousiasmant. C’est notamment la raison pour laquelle on trouve une piste d’athlétisme pour courir dans la nef et des anneaux fluo en suspension. Le public peut ainsi avoir un peu l’impression de se trouver dans un stade. Il peut également toucher certains tissus ce qui ajoute du feeling.

À l’entrée les statues font référence aux corps nus et en mouvement des athlètes de l’Antiquité. La victoire de Samothrace est couverte d’un tissu de 7 mètres de long fait de maillots en patchwork afin de célébrer la réunion et la solidarité. Cette Goddess of Victory est le résultat d’une collaboration entre Nike et Koché pour la coupe du monde féminine de football de 2019.

La mode dans le sport impacte le corps et la société

Marie-Antoinette montant à califourchon

– Mode et Sport d’un podium à l’autre présente presque exclusivement des vêtements de femme. Un parti-pris féministe ?

– Avant tout il faut rappeler que les vêtements du quotidien étaient généralement jetés. On ne conservait que des vêtements de femme et de cérémonie, plus précieux. Nous exposons quelques maillots dont un des Old Blacks. Ils font figure d’exception. Ensuite, c’est vrai, le sport a fait beaucoup pour libérer le corps des femmes. Par exemple la brassière va remplacer le corset.

Mais surtout le sport fait écho aux évolution sociétales comme il les influence. Longtemps, la femme a été reléguée aux sports statiques comme le tir à l’arc. Le corps féminin ne devait pas être en mouvement. Bien sûr il y a des exceptions. Le tableau de Marie Antoinette à califourchon sur un cheval et montrant sa culotte en est une belle illustration.

Mlle Lengten, joueuse de tennis à Winbledon 1924 @BnF

Au XIXè siècle les chosent bougent. Le vélo devient un outil d’émancipation avec des culottes bouffantes et des bloomers. L’apparition du courant hygéniste accentue encore le changement. Le sport très élitiste et ses vêtements raffinés perdent du terrain au profit de la gymnastique et des sports collectifs. L’exposition montre ainsi des photos de joueuses de football et de rugby au début du XXè siècle. Alice Millat, nageuse, hockeyeuse et rameuse, porte des tenues inimaginables hors du terrain. D’autres femmes s’inspirent de ses looks. C’est un recul de la pudeur.

Époques charnières du duo mode et sport

René Lacoste en tournoi

– Selon vous quelles sont les époques charnières de cette alchimie sport-mode-société ?

– Tout d’abord le XIXè siècle, oui j’insiste et le début du XXè. Avec la codification des sports collectifs, l’uniformisation des règles du tennis, du golf etc. Lacoste était à la fois un sportif, un ami des champions de tennis est un entrepreneur textile. La légende veux qu’il ait coupé les manches de ses hauts pour pouvoir mieux jouer, mais c’est une légende. Les polos existaient déjà. Il reste cependant le logo. Le survêtement apparaît dans les années 30, les jupes qui raccourcissent dans les années 20 concomitamment au développement du tennis. Les guerres et l’entre deux-guerre quand les femmes ont du travailler marquent aussi une émancipation à travers le vêtement.

Sonia Rykiel

Ensuite les années 80, moment où les vêtements de sport se diffusent largement dans la rue. Un nouvel idéal corporel apparaît parallèlement au développement de la société de consommation et de l’individualisme. La vitrine c’est l’aérobic. L’exposition présente une vidéo de Véronique et Davina, stars du fitness. Côté couleur, le fluo domine. Cardin, dans les années 70, avait déjà mis le fluo sur ses robes de soirée. Le sportswear va s’emparer de la créativité de ce grand précurseur. Et bien sûr il y a le confort. Celui du molleton. Les défilés Sonia Rykiel poussent le sportswear et le hip hop en fait son uniforme. Évidemment aussi le confort des sneakers. On en voit quelques unes sur un mur de l’exposition.

Des matières : du tweed au maillot de bain LZR par Speedo

– Un petit focus sur les matières ?

– Tout d’abord le tweed. Au XIXe siècle il était tissé puis passait par une étape de feutrage pour garantir l’imperméabilisation. Ensuite, le jersey à la maille fine pour les tee-shirts et l’outdoor façon Chanel. Ou encore le lycra qui représente une révolution dans le domaine des fibres. Un gain de longévité par rapport au caoutchouc. Et également un grand plus en matière d’imperméabilité. Le K-Way en est le symbole.

L’exposition montre un maillot speedo à l’origine de scandales dus à une pluie de records lors de compétitions de natation en 2008. On a parlé de dopage technologique car la matière permettait un vrai gain de flotabilité.

Les créateurs et le sport

Collaboration Adidas Gucci

-Quels créateurs mettez-vous à l’honneur ?

– Les couturiers se sont rapidement inspirés du sport. Gabrielle Chanel bien entendu mais aussi Patou, Lanvin, Schiaparelli figurent parmi les pionnier de l’entre-deux guerre. Chez les créateurs contemporains peu échappent à l’appel du sportswear. Que ce que ce soit dans le recours aux matières -alvéoles, tissus imperméabilisés etc- ou dans la reprise des formes, du motif. Par exemple le polygone du maillot de foot. L’exposition montre une vidéo de Jean-Paul Gaultier qui se déroule sur un ring. Et la nef s’organise en podiums où l’on voit les pièces de défilés des plus grands couturiers.

Dior SS 22 @Ludwig Bonnet

Mais je tiens à souligner l’importance des équipementiers. On a en tête Vuitton. Cependant dans les années 2 000 les partenariats se multiplient. Adidas et Balanciaga, Nike et Jacquemus, Adidas et Y3 etc.

Deux tenues préférées

Alexander McQueen pour Aimee Mullins

– Vos pièces préférées ?

– Impossible à dire. Bon je dirais une robe de tennis de 1910 avec ses drôles de manches un peu gigot et surtout le prêt de la maison Alexander MC Queen. Un ensemble « prothèse-corset » qui a été porté par l’athlète américaine de handisport Aimee Mullins lors d’un défilé en 1998.

(1) Les corps des athlètes étaient aussi des corps armés. Car on faisait du sport pour s’entrainer à la guerre

INFOS

Mode et sport d’un podium à l’autre

MAD – musée des Arts décoratifs

https://madparis.fr/

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