Yoann Iacono romance les vies de Maïakovski
Yoann Iacono romance les vies de Maïakovski .En s’imaginant en fils du poète russe, l’auteur du Stradivarius de Goebbels livre un roman qui croise investigation, quête filiale, art et histoire de la révolution des soviets.
Vladimir Vladimirovich Maïakovski, né en 1893 à Baghdati (Georgie) dans les confins de la Russie tsariste, est toujours symbole de refus, de résistance et de création. La liberté, la création rébellion peut-être à l’image d’extinction rébellion. Car pour Maïkovski il y avait urgence. À créer et à se rebeller. Yoann Iacono témoigne de cette actualité en rapportant l’arrestation du dissident Artiom Kamardine après lecture d’un poème hostile à l’invasion de la Russie en Ukraine au pied de la statue de Maïakovski à Moscou.
Art et politique
Si la naissance du poète légendaire s’ancre dans une sorte de Russie éternelle entre neige et forêts, sa mort annonce toutefois un autre ancrage, cette fois-ci dans la dictature de Staline. Celle d’un modernisme autoritaire et sanglant. Entre les deux, la vie de Vladimir Vladimirovich Maïakovski incarne les espoirs de la Révolution, les rêves de l’art pour tous, les inventions arty-graphiques de l’agit prop. Bref, la rupture symbolisée par le progrès et son mouvement, le futurisme.
Dandy torturé en quête d’amour et de reconnaissance
L’auteur dresse dans ce court roman le portait un homme aux multiples facettes, un dandy torturé en éternelle quête d’amour et de reconnaissance.
Une fragilité qui contraste avec un physique de géant des steppes, un aplomb de sophiste et une grande maîtrise rhétorique.
Yoann Iacono se fait dramaturge en suivant la gloire et la descende aux enfers du poète, écrivain, graphiste, performeur et idéologue artistique. Le destin de ce fils de forestier, le fils de la glaise et des pins devenue étoile des arts et des lettres a évidemment de quoi inspirer. Mais l’auteur suggère que la fin était déjà prévisible avec le décès du père. Une mort éclair par infection qui laissera des séquelles. Parmi celles-ci une phobie des miasmes. Un toc donc. Et surtout un besoin d’amour en forme de tonneau des Danaïdes. L’auteur suggère également que Maïakovski, sorte de transfuge des classes souffrait d’un besoin de reconnaissance. Une nécessité vitale qui a contribué à son suicide.
Le fils perdu enquête sur le fils éploré
Yoann Iacono joue une astucieuse carte en se mettant dans la peau d’un fils perdu de Maïakovski. Un fils perdu, non reconnu, mais pas paumé du tout. L’auteur croise fiction et documents, correspondances, carnets. Notamment ceux d’Elsa Triolet amie fidèle et sœur de Lili Brik amour absolu de Vladimir Vladimirovich Maïakovski. Amour absolu qui n’empêchait pas une valse de femmes. Le poète aimait être aimé comme il aimait jouer. Et tout claquer en cadeaux ruineux et en vêtements de luxe. Il y avait du Byron chez Maïakovski le dandy.
L’enquête du fils caché du poète russe met à jour des documents impliquant les services secrets français et russes de l’époque. L’auteur imagine l’Est de Staline et l’Ouest pré Front populaire se disputant Maïakovski. Car le poète supplantait alors les Anciens : Pouchkine, Dostoiesvski, Gorki … Il était l’étoile du futur avec son mouvement, un futurisme soviétique glorifiant le progrès. Une étoile noire qui s’est compromise avec le léninisme puis le stalinisme avant de les rejeter. Et d’être broyé par la solitude et une révolution qui mange ses enfants.
Le romanesque de Yoann Iacono ouvre le monde d’un géant aux « vies secrètes ». La vitalité qui s’en dégage donnera envie de s’interroger sur le processus créatif du poète. Tandis que la mise en écho de l’histoire de Maïakovski et de la révolution des soviets rappelle les interactions entre art et politique.
INFOS
Les vies secrètes de Vladimir
Yoann Iacono
Éditions Istya & Cie / Skateline https://www.slatkine.com/fr
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