Beaux Livres Liminal art et angoisse
Beaux Livres Liminal art et angoisse. Au-delà de l’urbex une esthétique sur les frontières flottantes du quotidien signée Alt236.
Sur les réseaux sociaux, les images de lieux abandonnés et de déserts urbains fascinent. L’Urbex, l’exploration urbaine (Urban exploration), couvre les bâtiments de banlieue parisienne, les centres commerciaux périurbains comme les châteaux occitans. Pas très urbains d’ailleurs mais l’appellation est inclusive comme l’époque. Cette sorte de tourisme de l’abandon dérive parfois vers le morbide dans la course aux clicks de certains youtubeurs.
Liminal l’angoisse et le vide
Liminal s’attache aussi aux « lieux du quotidien inquiétants, délaissés et presque surréalistes ». Et le sous titre affiche : les nouveaux espaces de l’angoisse. Mais l’auteur, Alt236, créateur de la chaine YouTube éponyme, loin de donner dans la course aux clicks, cherche à identifier un nouvel art. Et surtout, plus que l’Urbex, Liminal s’inscrit dans le #liminalspace, un hashtag qui cumulait plus de 16 millions de vues sur TikTok en 2021 selon l’éditeur, Hoëbeke-Galiimard.
Anthropologie urbaine
Mais d’où vient ce terme ? Pour le dictionnaire Le Robert est liminal ce « qui est au niveau du seuil de perception, qui est tout juste perceptible ». Alt236, ex prof d’arts plastiques, se réfère de son côté à deux anthropologues. L’un, Arnold van Gennep, parle de rituel de passage qui met un individu au seuil, à la frontière de la société. L’autre, Marc Augé, s’attache aux non-lieux et aux espaces transitoirement saturés. À l’appui, des photos d’aéroport, d’école ou encore de métro vides. Et qui dit vide dit danger. Une émotion qui peut se nicher dans la psyché en général. Ici, une angoisse née de lieux familiers sans présence humaine alors même que leur fonction est de servir l’humain. Ces zones abandonnées par l’homme questionnent sur la survie et la vacuité. On pense à l’irrésistible Ovni littéraire Absolutely Nothing de Girgio Vasta, vaste exploration des déserts américains et de ses lieux les plus populaires qui dissèque les peurs dans une approche gonzo déjantée.
Dans cette première partie Alt236 parle également d’architecture. Et de son impact émotionnel. C’est la fameuse familière étrangeté qui se transforme en inquiétantes étrangetés. Il y a notamment l’angoisse face à la démence de projets pensés par les dictatures : nazie avec Germania ou communiste version URSS ou Corée du Nord. Alt236 explore l’architecture brutaliste des mangas aux jeux vidéo de Moshe Linke. La couverture du livre présente une sorte de banlieue fantôme faite de pavillons clonés et vides. C’est le décor de Vivarium le film de Lorcan Finnegan où le rêve de la classe moyenne vire à l’horreur.
Le livre se divise en quatre chapitres. Une porte vers l’angoisse, esthétiques liminales, vers un univers étendu et enfin, un nouveau regard.
Esthétiques brutalistes et surréalistes
Après l’architecture brutaliste l’auteur évoque le surréalisme pour décrire cette esthétique du seuil. Des places vides de Giorgio de Chirico aux molles déformations de Salvador Dali en passant par les perspectives déformées ou infinies de Dorothea Tanning et les paysages paisiblement inquiétants de René Magritte. Onirisme, inconscient.
Alt236 traque les lieux du rêve au cinéma (Twin Peaks, Vivarium …) comme les images de l’esthétique nostalgiacore ou anemonia (nostalgie suscitée par un lieu banal que, parfois, l’on n’a pas connu) de fils Reddit ou de jeux comme Anemonia polis.
L’ensemble est richement illustré, le travail de documentation précis pour un résultat qui nous incite à nous mettre en mode pause pour regarder le quotidien à moins que celui-ci nous saisisse au détour d’une rue déserte. Attention donc aux vertiges.
Quatrième de couverture
De Reddit aux jeux vidéo, en passant par le cinéma, la photographie et la peinture, l’esthétique liée aux espaces liminaux fascine autant qu’elle dérange. Des effets d’échos et de résonance tout à fait sidérants se produisent dans la mémoire et l’imagination de ceux qui les regardent. Les longs couloirs de Shining, les backrooms, les niveaux de Mario 64, le lotissement anxiogène du film Vivarium, les peintures de René Magritte … L’histoire de l’art récente regorge d’exemples parfois inattendus ».
INFOS
Liminal – Les nouveaux espaces de l’angoisse
Alt 236
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