Expo mode les transparences d’Yves Saint-Laurent

Expo mode les transparences d’Yves Saint-Laurent .Portées par une scénographie aérienne, une quarantaine de pièces dansent avec l’art de Goya ou de Man Ray tandis que dentelles, tulle, organdi jouent entre ombre et lumière.

Yves Saint-Laurent : transparences, le pouvoir des matières est le deuxième volet d’une réflexion entamée à l’été 2023 à la Cité de la dentelle et de la mode de Calais.

Transparences au pluriel. C’est ce qu’a voulu Elsa Janssen, directrice du musée Yves Saint-Laurent. Car le traitement du voilé-dévoilé par le créateur est pluriel. On le découvre à travers des pièces iconiques comme la robe du soir noire ceinturée de plumes d’autruche de 1968, le smoking blouse-bermuda, la tenue « Je suis belle » aux seins rebrodés ou encore les impressions de la robe de 1966 qui voilent les seins et le bassin.

Des transparences sur un corps vénéré. Comme le résume « Rien n’est plus beau qu’un corps nu », axiome célébrissime du couturier. « Yves Saint-Laurent crée à partir du corps de ses mannequins « cabine », dessine à partir de ses corps des corps combatifs qui font écho au mouvement de libération de la femme des années 60″ déclare Elsa Janssen lors de la conférence de presse. Donc attention aux malentendus. « La femme dont rêve Yves Saint-Laurent est tout sauf transparente » prévient Anne Dressen, conseillère artistique de l’exposition. « Le seul corps nu de l’exposition est celui d’Yves Saint-Laurent, qui posa pour le lancement de son parfum devant l’objectif de Jeanlou Sieff. On trouve le cliché en ouverture du parcours ».

Mousseline et dentelles : transparences ajourées

Ces transparences se déclinent en matières. « Légèreté de la mousseline qui évoque la danse, organza qui renvoie à l’architecture, tulle qui se superpose, dentelle qui fait référence aux artisans » poursuit la Directrice.

Transparences oniriques

Toute exposition de mode doit relever un challenge : éviter l’effet penderie. Surtout si l’un des mottos est le mouvement des matières.

La scénographe Pauline Marchetti a joué deux cartes. Celle de l’onirisme et celle de la technique. Qui d’ailleurs se rejoignent. On remarque ainsi deux corners où la mise en scène est porteuse d’imaginaires. Dans le premier spot un jeu de lumière entre un manteau de dentelle noire et son ombre portée. Dialogue entre artisanat d’art et soupçon de mystère surréaliste. Dans le second, une robe blanche en organdi semble habitée par la lumière intérieure de son écrin. Elle révèle ses reliefs et ses coutures. On voit tout, tout en ayant le sentiment de regarder une robe qui se voile de rêve, se floute d’irréel. Magie du rétro-éclairage.

Robe en organdi 2001

Côté technique Pauline Marchetti a imaginé des cintres ultra légers qui d’une part préservent les précieux vêtements et d’autre part permettent de les voir sous toutes leurs facettes. Un sol en miroir complète cette mise en transparences. L’accrochage présente notamment le robe translucide à la ceinture de plumes d’autruches et la robe du soir PE 200O portée par Noémie Lenoir. Mais le mouvement recherché est ailleurs. Dans le film des frères Lumière où Loïe Fuller fait voler ses voiles dans une danse fluide et serpentine qui semble infinie.

Podium avec vues sur toutes les facettes des robes

Man Ray, Goya, Picabia … un parcours arty

Pas de Mondrian dans ce parcours en cinq temps, comme une valse. Mais des créateurs de la transparence et de la superposition du translucide.

Man Ray : négatifs et transparences

Tout d’abord Man May. La robe violon au large dos nu est d’ailleurs une transposition couture du cliché. Ou presque. La dentelle noire des bas, des masques, des chapeaux ou encore des gants serait selon Anne Dressen un écho aux « négatifs » du photographe. À côté d’un assemblage d’accessoires on reconnait une main voilée d’un tissu transparent.

Tout près du manteau de dentelle, une série d’Anne Bourse dont les motifs rappelleraient les recherches picturales d’Yves Saint-Laurent.

Tableaux d’Anne Bourse

En face du podium qui présente un bal de modèles en dentelle noire, des croquis de Goya. Anne Dressen insiste sur l’influence du maitre. Une chose est certaine. Ce Goya est celui des portraits de cour, des collerettes, pas celui des monstres. Même si Yves Saint-Laurent avait les siens.

Les mariées exposées sont blanches, rouges, noires, avec parfois des mondes de voiles et des bijoux, dont le célèbre accroche-cœur. On hésite entre une sorcière de Macbeth pour la version noire. Mais cette mariée, qui ne sera pas blanche mais pimpante de couleurs, est plutôt une référence à Picabia, à ses surimpressions comme à ses rébus.

Le Studio d’Yves Saint-Laurent

Enfin il y a dans ce parcours le « saint des saints » : le studio où Yves Saint-Laurent travaillait et faisait défiler ses mannequins préférés. Une porte, un tracé, un miroir. Et un œil. Celui du couturier. Autour de cette armature des livres, des photos d’ami(e)s comme Catherine Deneuve et des matériaux.

Ici à vous d’imaginer les bruits, les mots, les recommencements, les patiences pour qu’émergent ces transparences qui habillent et suggèrent.

INFOS

Photo principale : Robe du soir portée par Danielle Luquet de Saint-Germain, collection haute-couture automne-hiver 1968

Musée Yves Saint-Laurent Paris

5, avenue Marceau

75116 Paris – France

Exposition Yves Saint-Laurent : transparences, le pouvoir des matières du 9 février 2024 au 25 août 2024

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