Drawing Lab Suzanne Husky et l’épopée du castor

Drawing Lab Suzanne Husky et l’épopée du castor . La dessinatrice a remporté le prix Drawing Now 2023. Une récompense qui a couronné la technique, l’engagement environnemental et l’imagination. Trois qualités qui explosent dans l’exposition Le temps profond des rivières.

Le castor 🦫, ingénieur en hydrologie depuis 8 millions d’années, « nourrit » et entretient les rivières au lieu de les « récurer » et de détruire le biodiversité.

Suzanne Husky, lauréate du prix Drawing Lab Paris, lui rend hommage dans son exposition « Le temps profond des rivières ». Une expo surprenante et délicate qui nous plonge dans l’histoire de la terre, de l’homme, des mythologies à travers une fresque et des dessins qui mêlent avec brio les techniques.

L’épopée du castor : l’urgence climatique sur papier

La pièce maitresse est sans conteste l’épopée du castor façon tapisserie de Bayeux. Sur 8 mètres de long, un rouleau de papier dessiné retrace non pas l’assaut de de l’Angleterre par le duc de Normandie ni la conquête de la nature par l’homme mais les hauts faits du « génie » des marécages en matière de préservation de la santé des rivières. Un temps profond pour un travail immémorial ou presque. Une alliance humain-castor perdue au fil de l’industrialisation et du productivisme à marche forcée.

Fragment de la fresque sur l’épopée du castor

L’épopée castorienne parle du retour au travail du castor au mésolitique, des différents moments où le gros rongeur à été sacré -notamment sous les traits d’Anahita la déesse perse des eaux-, des vastes zones humides où il officie en bon technicien écolo constructeur de digues. Ce récit illustré naturaliste et allégorique bouillonne d’énergie et de créativité.

Aquarelles, récits graphiques, dessins scientifiques

Aquarelle sans titre Grand Father beaver and the tree of life 2021

Suzanne Husky présente par ailleurs des aquarelles sur papier et des dessins à vocation scientifique. « Il a fallu faire des dessins qui montrent le travail du castor dans les milieux humides pour les présenter aux agriculteurs, aux forestiers, aux exploitants des rivières » explique l’artiste. « Ce genre de matériel n’existait pas ». Pourtant les castors, eux, ont existé dans tout l’hémisphère occidental.

L’artiste s’entoure de spécialistes : techniciens et chercheurs. Elle collabore en particulier avec le philosophe Baptiste Morizot qui co-signe une partie des œuvres.

La géographie du castor a été supplantée par le paysage de l’homme fait de rivières transformées en canaux droits et d’écosystèmes uniformes. En conséquence « Les eaux circulent de plus en plus vite, se déversent de plus en plus rapidement dans la mer aggravant ainsi les sécheresses ».

Aquarelle sur papier L’effet castor 2023 co-pensé avec Baptiste Morizot coyrtesy galerie Alain Gutharc

En regardant les récits graphiques de Suzanne Husky et ses « tracts militants » on se dit que la bonne réponse aux sécheresses serait plutôt du côté des castors que des méga bassines.

Prix Drawing Now

Créée en 2007, Drawing Now Art Fair est la première foire d’art contemporain exclusivement dédiée au dessin en Europe. Elle se tient en mars au Carreau du Temple dans le 3^e arrondissement à Paris

Suzanne Husky Courtesy galerie Alain Gutharc

Lauréate du lauréate du Prix Drawing Now 2023, Suzanne Husky dispose de sa propre exposition au Drawing Lab, espace d’expérimentations autour du dessin contemporain. Le prix comprend une dotation de 15 000 euros. D’une part un chèque de 5000 euros pour l’artiste. D’autre part 10 000 euros d’aide à la production pour une exposition de 3 mois ainsi que l’édition d’un catalogue monographique.

Suzanne Husky est franco-américaine. Elle vit et travaille à Gajac (Gironde) et à San Francisco (États-Unis). Formée au paysagisme et à l’agroécologie elle est par ailleurs diplômée de l’école des Beaux-Arts de Bordeaux. Ses thèmes de prédilection mêlent les relations entre le vivant (humain, plantes, animaux, terre). Mais aussi les créations du monde pré capitaliste : artisanats, contes, folklores. Elle interroge enfin les formes de dominations sur le vivant. Elle est représentée par la Galerie Alain Gutharc. L’artiste fait partie des lauréates du prix COAL qui met en avant les artistes engagés en écologie. La commissaire de l’exposition, Lauranne Germond, est co-fondatrice de l’association.