Livre La pouponnière d’Himmler le ventre du nazisme
Livre La pouponnière d’Himmler le ventre du nazisme . Caroline de Mulder explore la vie d’un Lebensborn, une maternité SS, à travers un récit d’entomologiste glaçant porté par des femmes.
1944, dans une Allemagne où la déroute se profile, le Lebensborn de Heim Hochland à Steinhöring (Bavière) respire la vie et l’aisance. La « maison mère » des pouponnières d’Himmler déborde de blancheur, celle des peaux, des couches et du lait. De blondeur aussi, celle des cheveux et du bois. Le monde a faim mais, dans la fabrique des guerriers, la nourriture abonde. Le IIIe Reich déchire le temps des nations mais instaure un rythme immuable dans ses maternités. Ab 5:00-6:00 allaiter, Ab 6:00-6-30 ranger la chambre … Ab 8:00-9:00 allaiter …
Le ventre du nazisme
Caroline de Mulder ausculte la vie de la mère des pouponnières d’Himmler. Entre 1935 et 1945 en Allemagne et à travers l’Europe, le régime hitlérien a créé des centres de purification de la race. De reproduction et de développement du bon sang. Il existait d’ailleurs un Lebensborn (fontaine de vie) en France à Lamorlaye (Oise). Les femmes de type nordique épouses de SS ou enceintes d’officiers du régime y menaient leur grossesse et y accouchaient. Les enfants étaient parfois placés dans des familles adoptives. Notamment ceux qui avaient été enlevés en Norvège, en Belgique, dans le Nord de la France … et surtout et Pologne.
À la manière d’une entomologiste Caroline de Mulder décrit l’idéologie nazie à l’œuvre jour après jour. La sélection des femmes, le vol des enfants qui répondent aux critères ethniques de l’aryanité, l’eugénisme, le rôle de la femme réduite à la reproduction et aux tâches ménagères, le plan de fabrication des futurs combattants du Reich. De ce cocon, ce ventre géant, doit sortir la mort pour la gloire du Reich. Elle observe aussi la vie des camps, le peuple qui gronde et l’aveuglement des personnels.
Des personnages puissants au bord de l’abime
La romancière s’appuie sur des personnages puissants à la psyché complexe. Des êtres en souffrance. Déchirés par l’humiliation, la faim ou le doute. Tout d’abord Renée, une jeune française tondue qui a rejoint la pouponnière en 1944 mais ne trouve plus sa place nulle part. Ensuite Helga l’infirmière modèle qui va sortir du déni. Un accouchement tardif et dévastateur. Enfin Marek un résistant polonais esclave dans un camp de travail proche du Lebensborn de Heim Hochland. Chaque personnage raconte sa réalité, son quotidien de douleurs. Avec Marek on ressent la faim, la soif, la fatigue et les blessures de la chair. Renée incarne l’exil, l’humiliation. Son désespoir nous gagne et nous habite. L’humanité d’Helga se brise dans l’endoctrinement puis se réveille dans un abime.
Récit de femmes
Ces personnages portent un récit au féminin. C’est Helga qui rapporte ainsi dans son journal la visite d’Heinrich Himmler. Elle également qui consigne le quotidien de la maternité et la montée des périls pour les résidentes. Le IIIe Reich s’effondre. Que vont devenir les mères de seigneurs de la guerre ? Elle enfin qui note ses doutes sur le régime, sa culpabilité croissante. Renée raconte la haine aveugle des foules. Le conservatisme des mœurs aussi. La recherche de coupables enfin. Des femmes plutôt que des profiteurs de guerre ou des résistants de dernière minute. Renée c’est aussi celle qui donne, avec de la nourriture, un plus de vie à Marek, le prisonnier polonais qui se terre dans le ventre de la terre, près du gynécée
Symbolisme : les couleurs du gynécée
Le livre de Caroline de Mulder, humain et documenté, s’aventure parfois dans le symbolisme. Les couleurs sont très présentes. Le blanc on l’a vu. Mais aussi le vert des forêts, refuge et piège pour Marek comme pour les femmes. Et le rouge. Celui des cheveux de Renée, une trainée traîtresse dans le regard des villageois. Surtout le vert cerclé d’une flamme rouge de ses yeux. Un feu qui s’abat sur le monde avec Hitler, un feu de riposte des Alliés. Un feu qui ravage l’esprit de Renée comme les archives de la pouponnière d’Himmler.
Les Lebensborn ont enflammé les imaginaires. La littérature s’en est inspirée. Caroline de Mulder livre sa version des ventres du nazisme dans un roman glaçant entre document et exploration des psychés.
INFOS
La pouponnière d’Himmler
Caroline de Mulder
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