Livre Courir la pédo-thérapie d’Andrea Marcolongo
Livre Courir la pédo-thérapie d’Andrea Marcolongo. Un essai érudit aussi réjouissant que torturé cavalant de la Grèce à notre modernité cocasse
Andrea Marcolongo, helléniste sédentaire un rien fêtarde, se met subitement à la course. Une urgence qui a pour but officiel de gagner le Marathon d’Athènes.
490 av. J.-C. Phidippidès (ou Philippidès) s’écroule à Marathon en criant la victoire d’Athènes contre les Perses. Il aurait parcouru 41,8 km. Depuis trois ans, Andrea Marcolongo s’entraine pour tenter de finir les 42,195 km de la fameuse course athénienne. Alors plus forte que la légende Andrea ? Non, l’autrice italienne ne souffre indéniablement pas d’hybris. Elle coure et consigne dans un livre ce qui la pousse à le faire. Et ce n’est pas simple!
D’abord elle ne sait pas. Et l’admet volontiers. Un bon début. Très philosophie antique. Ensuite, elle reconnait fuir ses angoisses de mort. Toujours très Ve et IVe siècles avant J.C. Car « philosopher c’est (notamment) apprendre à mourir » des Stoïques aux plus épanouissants disciples d’Épicure. Mais Andrea Marcolongo a surtout peur de vieillir, comme d’ailleurs la plupart des humains des classes moyennes et supérieures. Les autres essaient de survivre. C’est déjà beaucoup. Alors elle coure. Elle fuit, fait taire les pensées qui galopent dans sa tête et trouve la paix. Courir est une sorte de pédo-thérapie. Douloureuse. L’autrice se bat contre elle-même, la douleur et la paresse.
Courir une frénésie moderne
Reflet d’une quête très personnelle, « Courir de Marathon à Athènes les ailes aux pieds » relie aussi la course à l’époque. L’auteur ne ne revendique pas féministe. En revanche, à travers la course, elle se vit plus intensément comme femme. Des hormones, au look rose et flashy des tenues pensées par les hommes en passant par le désir de maternité. Andrea Marcolongo rappelle également que les Olympiades antiques étaient réservées aux hommes à l’exception de jeux spécifiques ou encore de Sparte. La cité incitait en effet les femmes comme les hommes à courir afin de donner naissance à de petits citoyens en grande forme. Ailleurs, les femmes qui concouraient risquaient une condamnation à mort. Afin d’éviter les fraudes (et pour des questions pratiques) les athlètes étaient nus.
L’autrice épingle également la puissance du marketing. Celui qui fait porter des vêtements de sport à des gens de plus en plus sédentaires. Une contradiction cocasse qui est désormais ancrée dans le quotidien et n’étonne personne.
Elle en profite aussi pour railler le marché du bien-être et surtout celui des produits pour sportifs. Ce qui l’amène à de très belles pages sur l’écologie et le bio. Érudition, bon sens et célébration de la vie.
Courir petit précis d’amour et de philosophie
Avec Andrea Marcolongo on révise (ou découvre) quelques concepts qui pourraient éclairer notre quotidien. La gloire « kleos » (des réseaux sociaux ?, le « kairos », le moment à saisir tel qu’il est vendu dans les manuels de développement personnel, l' »hubris », la démesure (des politiques ?) …
On découvre ou retrouve avec gourmandise les classiques. Timée, Banquet, République de Platon. Mais aussi la Gymnastique de Philostrate, les prescriptions de Galien. Ou encore les récits d’Hérodote et d’Homère.
Andrea Marcolongo a pendant très longtemps voulu penser grec. Le nez dans les livres et dictionnaires. En courant le Marathon d’Athènes ressentira-t-elle cette pensée au fond de ses cellules asphyxiées ? Ou quand elle attendra le « mur », un stade où le corps et la tête surtout disent non ?
Avec ses hésitations, son questionnement existentiel, son auto dérision et son regard sur l’époque, « Courir » est aussi profond, attachant qu’instructif.
INFOS
Courir de Marathon à Athènes les ailes aux pieds
Andrea Marcolongo
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