Vallée du silicium Damasio questionne le futur
Vallée du silicium Damasio questionne le futur . L’écrivain cherche un autre monde fait de liens et de récits qui remplacent les mythes d’Apple et de Google, de Facebook et de Neurolink. Une nouvelle frontière moins techno, moins IA et plus humaine.
Dans son dernier ouvrage, Vallée du silicium, Alain Damasio, auteur de science-fiction à succès, explore la Silicon Valley pour en faire une critique pleine de fougue où pointent parfois le doute ou l’enthousiasme quand il croise l’orfèvre d’une techno humaniste. Une coexistence avec les machines intelligentes serait-elle envisageable ? Comme avec les animaux. La coexistence d’intelligences apaisées ? Un élan qu’il questionne d’ailleurs une fois retombée l’euphorie née du vin et d’une conversation brillante avec un « Trouvère » dans l’ancien quartier hippy de San Francisco.
Damasio : les liens du corps contre la Tech
L’une des clefs de l’argumentaire critique est la notion de lien. Alain Damasio veut des liens pour faire humanité, des liens ouverts, ou encore, selon la formule consacrée, « des liens qui libèrent ». À l’inverse des liens de la technosphère qui enfermeraient l’individu sur lui-même. Étape ultime d’un capitalisme incarné par la Vallée du silicium, initialement libertaire.
L’écrivain chemine du Ring design d’Apple à Tenderloin, le lieu de toutes les relégations. Là où les cohabitent junkies et très précaires chauffeurs d’Uber. Là aussi où une fresque fait du lien, crée, par la méditation d’une artiste, un autre monde où vit une communauté plus solidaire, plus sobre et terrienne, et évidemment pleine d’altérité. Loin des créations Utra tech. Damasio adore !
L’écrivain s’insurge contre un corps canapé augmenté de prothèses qui le limitent au lieu de l’élever. Metavers, chatbot, du frigo connecté aux IA de compagnie, la techno emprisonne, diminue plutôt qu’elle ne libère. Il identifie trois corps pour montrer et briser l’emprise. Le corps organique primordial, le corps techno augmenté, le raccorps, et le corps libéré ou l’accorps. Jeux de mots certes un peu facile. Qui s’ajoutent à d’autres. Alain Damasio parfois se regarderait-il écrire ? Mais le constat est juste et mis en épitaphe. Le corps comme « la matérialité du monde est une mélancolie désormais ».
La vallée du silicium : au delà de la mythologie gafam
La bataille de Damasio contre le silicium passe alors par un récit qui combat les mythes de la Silicon Valley comme ceux du capitalisme. Le but est de créer des mythes plus « attractifs ». De se transformer en mythopoète.
Celui qui par son écriture « Donne envie non seulement de se bouger et d’amener un monde vivant, à l’existence, mais fasse aussi bruisser le désir des liens dans son tissage (…) nous fasse éprouver le goût que prend le cosmos sur nos lèvres quand les étoiles pleuvent, nous fasse sentir ce que ça fait d’être cousu à même un collectif, fils à fils, à même la liberté des autres qui devient sienne. Capital et consommation, les deux têtes de l’hydre rabattent ces désirs en besoin de cash (…) pour ensuite les dégrader (…) ces besoins en pulsions d’achat (…). Le tout, sous une logique strictement individuelle, dans la solitude du scroll et du porno. Si j’ose le jeu de lettres, le connectif a coupé net la double aile du collectif pour lui greffer à la place de sa double haine – de soi et des autres. » (p212)
Alain Damasio convoque parfois des personnages de romans comme Arnaud (Les Furtifs), parfois en crée d’autres. Toujours issus de la science fiction puisque c’est son domaine et qu’il est question du futur de l’humanité. Il invoque également des sommités. Baudrillard et sa dissolution du réel via les écrans a rang de prophète. Nietzsche, lui, a creusé la fontaine du super humain. Deleuze est aussi une référence comme Ivan Illich.
Le leurre de l’outil neutre
L’occasion de critiquer l’idée d’une technologie neutre. Damasio fait mouche. La technologie est tributaire de son efficacité, de son impact, comme des financements. Ensuite elle induit des effets inattendus (deepfakes, explosion de SMS, géolocalisation …). Enfin elle « porte en elle notre rapport au monde ». « Nous sommes libres de nos usages de la machine, libres même de ne pas utiliser, parfois. Mais c’est une liberté en situation, déjà située, un libre arbitre qui s’exerce à l’intérieur d’un monde transformé et repotentialisé par la machine où il devient impossible de se comporter comme si elle n’existait pas. » Damasio cite la voiture qui a inventé l’autoroute et l’IA en train de créer le jumeau numérique et l’auto-discussion.
Le futur un art de vivre avec la la Tech ?
Afin de promouvoir une démocratie de l’information certains, comme Arthur Grimont, tentent notamment d’apprivoiser les algorithmes. De contrer le facile, l’illusoire, le négatif, bref les « basses pulsions ». Un simple coup d’œil sur les réseaux sociaux montre que le résultat n’est pas encore vraiment là. Les mythopoètes de Damasio sauront-il mieux transcender peurs primordiales et besoins fictifs ? La force d’un récit contre l’attrait d’un autre. Quelle magie gagnera ? Celle nous dit Damasio d’un art de vivre avec les IA. Le mélange d’une gestion de l’économie de l’attention et de la puissance des récits face aux algorithmes.
Parfois petit manuel des effets (connus) de la techno, parfois agaçant avec des jeux de mots vaseux et ses références répétées, Vallée du Silicium est toutefois un essai à lire et à méditer pour imaginer un futur plus libre et humain.
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Vallée du silicium
Alain Damasio
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