Expo Paysages mouvants au Jeu de Paume

Expo Paysages mouvants au Jeu de Paume. Un voyage artistique au cœur de la douleur et des mémoires du monde porté par des images fabuleuses qui ouvrent de nouveaux imaginaires. Hypnotique !
Après Fata Morgana en 2022, le Jeu de Paume poursuit son exploration des métamorphoses de l’image contemporaine. Paysages mouvants réunit les œuvres souvent inédites de 15 artistes de la scène artistique actuelle. Car 14 sont en effet spécialement produites pour l’événement.
Chaque salle est une immersion dans un milieu à travers images et installations, l’ensemble accompagné par une narration qui mobilise les sens. Celle imaginée par la scénariste Loo Hui Phang.
La douleur du monde

En ouverture la glace et le feu. Towards No Earthly Pole – Conway (2019) lance les hostilités avec ses glaciers noircis. Julian Charrière expose aussi An Invitation to Disappear, un appel posant la question de la monoculture qui impacte profondément les écosystèmes. Clichés de feux de forêts dans les jungle à l’appui.
Tandis que les Racines Andrea d’Olga Mantovani interroge notre rapport aux forêts primaires avec des pellicules Kodak périmées et d’autres révélant des paysages aux nuances de violet et de rouge.

De son côté, Léonard Pongo avec son paysage de calques, de couches, de projections rappelle que les forêts du Congo doivent plutôt être vues comme une source de vie que comme une corne d’abondance à piller.
Beautés toxiques

Paysages mouvants expose parfois des espaces ravagés à la beauté stupéfiante après un traitement technique. Ce qui rappelle les débats sur l’esthétique de la guerre.

Richard Pak retrace ainsi le destin tragique de Nauru, île de Micronésie dévastée par l’exploitation du phosphate. Il traite ses images à l’acide phosphoriques afin de « répondre » à ces agressions. Le rendu, notamment Soleil vert, est d’une beauté impressionnante, comme un soleil irradiant un trou noir. D’autres photos de la série L’Île naufragée déclinent ces bulles fatales dans un saisissant ballet de cercles violet où semblent flotter des filaments de chair et de feu. Le contraste avec la réalité n’en est que plus dramatique.
Espaces mouvants de migrations

De l’île au désert avec le très poétique « Une éclaircie fabuleuse » et ses nuées au dessus du Sahara. Yo-Yo Gonthier cartographie les migrations, la marche des hommes dans les paysages. « Il faut être là où des éclaircies peuvent apparaitre car ces éclaircies sont des rencontres » raconte l’artiste plasticien qui a conçu un ballon, une structure volante de 8 mètres de long.

Pour Prune Phi, la rizière est aussi un paysage de mémoire passant de génération en génération. Avec .com elle retrace un chemin d’exil du Vietnam jusqu’au restaurant de son grand-père dans le sud de la France. Elle recherche aussi dans la rizière les traces du déplacement du riz jusqu’à sa culture en Camargue.
Mathieu Pernot photographie les traces laissées par le passage des réfugiés dans la forêt de Calais, ainsi que les oliviers mutilés du camp de Moria, à Lesbos, dont les branches sont utilisées par les réfugiés pour faire du feu. Pour le photographe l’astronomie, la botanique, l’anatomie, la cartographie, sont d’autres moyens de raconter les migrations.
L’exposition montre aussi les éléments d’un récit polyphonique. Erwan Cheikh Albassatne établit des arbres phylogénétiques d’espèces arborées méditerranéennes, ayant évolué et migré au fil du temps en regard du travail de Mathieu Pernot sur les migrants en Méditerranée.
C’est presque un cliché, l’échange de savoirs comme le commerce peut adoucir les mœurs.
Paradis artificiels et nouveaux récits

« Chaque projet se saisit des espaces naturels aux prises avec des stéréotypes – la jungle, l’oasis, le ciel, le désert, la forêt – pour en proposer un nouvel imaginaire » explique Jeanne Mercier, commissaire de l’exposition.
Planéta de Julien Lombardi donne à voir les clichés féériques autant que fantomatiques du désert de Sonora au Mexique, terrain de simulation pour les missions Apollo dans les années 60. Dans cet éden d’astronaute, le photographe construit un contre récit de la conquête spatiale en interrogeant les frontières terre-cosmos.
Le parcours questionne le façonnement de notre regard au fil des siècles avec en fil rouge le palmier.
Laila Hida interroge ainsi la fabrication d’imaginaires à partir de la représentation de l’oasis et de sa mythification dans la peinture, la littérature de voyage, puis le cinéma. Le Voyage du Phoenix s’inspire de l’itinéraire du palmier dattier Phoenix dactylifera. À la fin du XIXe siècle, en pleine vague orientaliste, il est transplanté d’Afrique du Nord vers la Riviera française puis vers la Californie.

Toujours le palmier mais en version arabo-futuriste cette fois-ci avec Mounir Ayache et the Scylla/Charybdis Temporal Rift Paradox. L’artiste s’inspire des versions arabes du mythe de Charybde et Scylla, la série animée Ulysse 31 et la figure de Léon l’Africain, explorateur et diplomate nord-africain du XVIe siècle. L’installation est faite de bras robotisés, d’images 3D, de draperies aux fils d’or et d’écrans LED.
Pour terminer une dystopie et un conte. L’installation d’Edgar Cleijne et Ellen Gallagher plante un paradis perdu dans une forêt submergée et imagine une sécession des animaux.
À l’opposé Eliza Levy propose dans Les Hospitaliers un paysage que l’on habite : un espace-conte multisensoriel pour faire ressurgir de nos mémoires les mondes enfouies.

INFOS
Paysages mouvants
Du 07 février au 23 mars 2025
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