Expo Paris noir au centre Pompidou

Expo Paris noir au centre Pompidou. Une plongée dans un demi siècle d’histoire d’art et de luttes à travers les esthétiques de 150 artistes africains, caribéens, afro-américains et afro-descendants.

Pour sa dernière exposition avant la fermeture, le Centre Pompidou propose une immersion dans le Paris noir de 1950 à 2000 à travers 150 artistes. Une sélection de créateurs « africains, africains-américains et caribéens à Paris, de 1947, l’année de la création de la revue anticoloniale Présence Africaine, jusqu’aux années 1990, qui voient la chute du régime de l’apartheid et la diffusion de la Revue noire » écrit Alicia Knock. Un travail imposant dirigé par la commissaire et relayé par certaines galeries. Zwirner avec Raymond Saunders ou encore Frank Bowling chez Hauser & Wirth.

Paris capitale d’arts hybridés

Au début du parcours Paris, « capitale des arts » s’attache aux artistes venus se former. Avec quelques surprises. « Les artistes redécouvrent l’art africain par le biais d’œuvres modernes occidentales, dont le cubisme de Pablo Picasso, largement influencé par l’art africain » rappelle la commissaire.

Marian Anderson Beauford Dalaney 1965

Les premières salles questionnent notamment l’histoire de l’art avec des œuvres qui résonnent et s’hybrident avec le surréalisme, l’expressionnisme abstrait. Dans Purple Rain (1990) Mary Lovelace O’Neal « crée un paysage expressionniste agissant comme un puissant auto-portrait symbolisant son autodétermination ». De son côté, Sam Gillian déplie une « Cape » sur laquelle il verse de l’acrylique avant de la froisser. L’impressionnisme est aussi très présent. Avec par exemple Bob Thompson et sa Pêche miraculeuse (1961) évoquant Matisse. Ou Ed Clark et Vétheuil (1968). Ou encore les jaunes vibrants de Beauford Delaney avec Lumière jaune tourbillonnante (1962).

Ed Clark Vétheuil 1968

Classicisme et mythologie

Les artistes mêlent aussi art classique et mythologie. Bob Thompson toujours avec le Triomphe de Bacchus (1964) qui revisite les pastorales de Poussin. « Thompson explore les dimensions sociales et politiques contemporaine tout en puisant dans l’héritage de l’art occidental » note la commissaire.

Le triomphe de Bacchus Bob Thompson 1964

On remarque aussi le flamboyant Délire et Paix (1954) de Georges Coran qui croise classicisme et mythologie martiniquaise. Ou encore Léda et le cygne (1958) de Roland Dorcély avec ses incroyables lignes sinueuses.

Délire et Paix Georges Coran 1954

Paris et les luttes

Gérald Sekoto autoportait 1947

À Paris, intellectuels, artistes, musiciens se croisent. La capitale se fait l’écho des luttes qui se succèdent. Décolonisation, droits civiques, montée du racisme. L’exposition montre photos et vidéos des grands leaders afro-américains : Angela Davis, Malcom X, James Baldwin (également portraitisé par Beauford Delaney).

On peut voir le glissement des perceptions à travers des clichés d’artistes des années 50 qui venaient à Paris attirés par l’effervescence d’une capitale réputée un peu plus tolérante que les métropoles américaines. Et d’autres photos montrant des agressions racistes des années 70-80. L’auto-portrait de Gerard Sekoto (1947) en couverture de l’exposition Paris Noir, concentre peut-être les inquiétudes et les espoirs des combats à venir.

Tandis que Telemaque pointe les stéréotypes à travers My Darling Clementine (1963), un auto-portrait en cow-boy noir. Bill Hutson symbolise, lui, les lynchages avec The Nigger Tree III (1969) et son arbre à la fois racine et mort.

The Tree nigger III Bill Hutson 1963

Négritude, panafricanisme et mouvements transatlantiques

L’exposition consacre aussi des espaces aux voix majeures de l’intelligentsia caribéenne comme Aimé Césaire et encore Édouard Glissant. Au centre, « une matrice circulaire reprend le motif de l’Atlantique noir, océan devenu disque, métonymie de la Caraïbe et du « Tout-Monde » ». Une formule formule empruntée au poète martiniquais, Édouard Glissant comme métaphore de l’espace parisien. Quant à Suzanne Césaire, elle rayonne au milieu de l’immensité bleue de l’installation de Valérie John (image principale).

La lutte c’est également le « marronnage ». La figure de l’esclave qui se révolte, s’évade des plantations aux Antilles, aux Caraïbes, parfois en Amérique Latine.

D’une manière générale Paris noir explore les « expressions plastiques de la négritude, du panafricanisme et des mouvements transatlantiques ». Dont l’axe Paris, Dakar, Lagos.

Vue de l’exposition

Quatre installations originales de Valérie John, Nathalie Leroy Fiévee, Jay Ramier et Shuck One, rythment le parcours en portant des regards contemporains sur cette mémoire.

Paris et les circulations

Paris est une ville qui vibre au rythme des luttes, des arts et des sons. L’exposition consacre donc une section au jazz.

Satchmo Guido Llinás 1971

Le Jazz « qui met toutes les esthétiques ensemble » inspire Guido Llinás avec Satchmo (1971) une œuvre tout en bleu blues tandis que Hart Leroy Bibbs distille Le bean et le Newk (1983), une version plastique et poétique du jazz. Dans un autre style, on retient la Marian Anderson (1965), contralto et militante des droits civiques dans les jaunes iridescents de Beauford Delaney.

Shuck One Re-generation 2025

Paris noir s’attache aussi aux mémoires des passages, des luttes, des créations à travers des cartes. « L’exposition déploie une cartographie inachevée du Paris noir (…) avec ses lieux de formation (École nationale supérieure des beaux-arts, École nationale supérieure des arts décoratifs), comme de production de savoirs noirs (Présence africaine, Revue noire), sans oublier une histoire pluridisciplinaire de la vie nocturne parisienne, qui voit le passage de la Rive gauche dans les années 1950 à la Rive droite dans les années 1980. La compagnie Les Griots, le Théâtre noir, la Galerie Black New Arts, l’initiative Cinéma du monde ».

Hip Hop, graff, street art, les empreintes et les sons marquent toujours les murs de la capitale.

INFOS

Centre Pompidou

Jusqu’au 30 juin 2025
11h – 21h, tous les lundis, mercredis, vendredis, samedis, dimanches
11h – 23h, tous les jeudis

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