Exposition Raphaëlle Peria la nature et l’oubli

Exposition Raphaëlle Peria la nature et l’oubli. Des paysages blancs où veillent des arbres aux sous-bois cuivrés, le monde de l’artiste est une paix méditative où les souvenirs émergent, récréés, comme des branches de coraux morts. Un travail hypnotique réalisé à la pointe et au scalpel.

Dans le cadre de Paris Gallery Weekend, la galerie Papillon expose « Si j’étais un arbre, je serais toi», la dernière proposition de Raphaëlle Peria, une artiste qui fait son chemin. Lauréate avec Fanny Robin du Prix BMW Art Makers 2025, la Picarde passera par les rencontres photographiques d’Arles avant de s’installer de septembre 2025 à juillet 2026 à la Casa de Velázquez (Madrid), résidence prestigieuse dédiée à la création artistique et à la recherche. L’opportunité sans doute de cultiver son don pour la création d’atmosphères envoutantes dans un environnement en danger. En 2020 son solo show sur le coral bleaching alertait déjà sur une nature qui glisse dans la mort. Une nature qu’il faut convoquer par la mémoire, ranimer par les souvenirs. Entretien.

De rerum natura

Léonore Cottrant : Pourquoi ce centrage sur la nature et les arbres en particulier ? Une intimité particulière ?

Raphaëlle Peria : J’ai grandi dans la nature en pleine campagne au milieu des arbres de Picardie. Ce monde a toujours fait partie de moi. Je pense que les arbres veillent sur nous et qu’il surveillent nos souvenirs, les gardent face à l’évolution du paysage. Alors partout où je vais, je les photographie. Je le fais depuis 10 ans.

La recherche de l’arbre parfait ?

Exactement, je cherche l’arbre parfait. Celui que l’on dessine enfant. Une boule, deux traits, l’un vertical, l’autre horizontal. C’est celui de « Les arbres, les fleurs, continuent de grandir sans toi » (photo principale).

On ne rit pas d’un arbre brisé, 2025

Plus loin il y a « On ne rit pas d’un arbre brisé« , un arbre ancien dans un sous-bois roux qui évoque un conte de fée. La mythologie vous inspire-t-elle ?

Oui, c’est vrai que cette œuvre pourrait-être l’illustration d’un livre de légendes. Mais je travaille surtout la relation, la dualité humain-nature. Toutefois mon premier projet portait sur Éphèse, le site mythique et ses arbres au milieu des statues dédiées à la déesse Artémis (NDR Marinus Asiaticus, 2017). Il y était déjà question de l’effacement de la mémoire et de son resurgissement dans les photos. Le côté doré est le résultat de l’impression sur un papier peint qui imite la feuille d’or.

Et le point de départ de ce travail était un livre.

Oui j’ai rencontré le livre de Robert Harrison, Forêts où il écrit « « Incandescence des arbres. Feu de mémoire ».

Peindre le silence et l’oubli

Le chancre du nénuphar #2, 2025

Quelles sont vos sources d’inspiration. Les livres notamment ?

Puis ce sont mes principales sources d’inspiration. Car je lis beaucoup. En particulier Murakami et Jón Kalman Stefánsson. De la poésie aussi. Chez Murakami il y a ce flottement entre les mondes, cette dimension du souvenir qui m’habitent. Il y a aussi une paix, une dimension méditative qui m’inspirent. Le vide, le silence, la nature.

Ce qui se voit dans la série des paysages d’hiver où vous semblez peindre le silence, la paix. Mais il y a aussi des fleurs qui évoquent les nymphéas de Monet et les pivoines de Cy Twombly (« Le chancre du nénuphar« ).

J’aime beaucoup Cy Twombly et j’ai aussi exposé dans le cadre de Normandie Impressionniste (NDR Vogue au creux des valleuses » au Musée Michel Ciry de Varengeville-sur-Mer joue avec le reflet des arbres et le ciel dans la mare).

Monochrome #1, 2024

Mais le blanc domine …

Oui car le blanc, la couleur de l’oubli, est au cœur de mon travail. Les souvenirs s’effacent, disparaissent. Mon travail sur le corail blanc renvoyait au danger qui menace la biodiversité en écho aux couleurs qui disparaissent. Plus généralement quand je prends une photo je la mets de côté. Je l’oublie. Puis je la retravaille afin de mettre en avant ce que j’ai effacé de ma mémoire et qui réapparait.

Dans l’exposition il y a beaucoup d’œuvres au blanc mais aussi des photos avec des couleurs. Pourquoi cette coexistence ?

Cela illustre les deux temps de mon travail. Je cherche le blanc depuis 10 ans car j’avais une puissante envie de monochrome. J’avais besoin d’accéder au blanc total afin d’amener la couleur dans le paysage. Ce que je fais donc ici.

La couleur c’est un certain optimisme.

Peut-être. En août 2021 des feux de forêts survenus ont ravagé de 80 % de la Réserve naturelle nationale de la Plaine des Maures à Aix en Provence. J’ai peint la nature qui se régénère, brin après brin.

Entre pointe et scalpel

Si la pluie s’était arrêtée #3, 2025

Un effet presque presque pointilliste. Justement parlez-nous de votre technique;

Je prend des photos, ensuite je fais un tirage sur un papier que je choisis. Puis je gratte le papier. Je sculpte une nouvelle image avec différents instruments qui creusent le papier et/ou le soulèvent. J’ai commencé avec 10 outils aujourd’hui j’en ai 40. Je travaille avec des outils de chirurgien, de dentiste comme le scalpel et la fraise et avec des instruments de graveur comme la pointe sèche. D’autre part je traite la couleur pour que le blanc apparaisse.

Avec son arbre cinétique qui s’avance et ses paysages de silence, la mémoire du monde version Raphaëlle Peria reste indéniablement gravée dans l’esprit de celui qui regarde.

INFOS

Raphaëlle Peria Si j’étais un arbre, je serais toi

Galerie Papillon

13 rue Chapon 75003 Paris

du 23 mai au 17 juillet 2025

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