Roman Armand Cléry et la terre des égorgés
Roman Armand Cléry et la terre des égorgés. Un polar historique qui décrypte les peurs, du loup et des sorcières, dans la France exsangue de la fin du Premier Empire. Aussi érudit que captivant.
1814, Napoléon a abdiqué, les Bourbons ont repris leur place sur le trône. Le peuple vit dans la faim et le deuil de centaines de milliers de soldats. Sur les rives de la Loire et dans la plaine de Beauce comme ailleurs. Un étrange brouillard tombe alors sur la région. Une brume propice aux apparitions diaboliques. Des nimbes qui reflètent aussi l’époque troublée.
Un climat de terreur dans une France exsangue
» C’était un de ces brouillards opaques et froids étalé au ras du sol en longues langues humides, silencieux et triste, blanc comme un linceul jeté sur la solitude des lieux, où le spectral le disputait à quelque chose de sale et rebutant qu’on n’aurait su exprimer (…) Par des temps pareils, le brouillard semblait une vaste chape insaisissable et inquiétante, une monstruosité de la nature, capable d’engendrer n’importe quelle créature redoutable » (p.14).
Il y a tout d’abord l’attaque du père Euripide. Le chansonnier libidineux est retrouvé égorgé par un animal que l’on estime être un très grand loup. Au pays, ou presque, de la Bête du Gévaudan les esprits s’agitent. D’autant plus qu’une Rousselaine, une six-doigts, une sorcière, habite près du lieu de l’attaque.
« Sorcières et artistes sont des parias à qui la société laisse un lopin sans valeur pour mieux les éloigner tout en sachant où il logent » (p.16).
Les nimbes enveloppent les paysages tandis que les attaques se multiplient. D’immenses mâchoires broient et déchiquettent soldats, paysans, femmes et enfants. Est-ce de nouveau le temps du loup?
Dans le roman d’Armand Cléry, le brouillard est un élément essentiel à la création d’atmosphère. Il en devient presque un personnage. Après le brouillard viendront les frimas, puis les neiges, les pluies et enfin le vent. La terre des égorgés est un livre ancré dans la nature et le climat.
Un thriller ancré dans l’histoire
Il l’est aussi dans l’histoire. Celle des régimes et celles des croyances. Qui se croisent. Ce qu’Armand Cléry illustre parfaitement. Quand les temps sont rudes on accusent les parias. Ici les loups et les « sorcières ». Les peurs ancestrales reviennent : la femme hors cadre et la Bête. Le roman met en scène un Savonare de la Loire qui promet l’enfer aux paysans désespérés et les incite à combattre la Lubricia. En bref la femme, la sorcière qui séduit, pervertit les âmes et pourrit les récoltes.
L’abbé complote pour une restauration beaucoup plus radicale que celle de Louis XVIII. Certains militaires rêvent eux aussi au retour d’un messie, mais empereur celui-là.
La terre des égorgés est une fresque historique qui convoque la famille royale, le préfet Talleyrand, des officiers bonapartistes, un aristocrate voyageur et misanthrope, un jeune naturaliste et une sorte de Madame Bovary orléanaise.
La fresque historique se double d’une intrigue amoureuse. Adolphe de Mézières aime Carolange. Mais la belle dame du château lui préfère un officier. Quel rôle va-t-elle jouer dans le complot contre le régime ? Domine-t-elle les mystérieuses « filles » de son oncle, un savant qui a ramené de Tasmanie des animaux étranges mises au secret dans un recoin de la demeure.
Armand Cléry mêle habilement les genres, installe un climat de peur en jouant sur les éléments et la psyché, déploie une galerie de personnages pour l’essentiel convaincants, maitrise l’intrigue qui chemine jusqu’au mystère final.
Idéal pour frissonner pendant les vacances !
INFOS
La terre des égorgés
Armand Cléry
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