Loch noir polar écolo et intime

Loch noir polar écolo et intime. Peter May plonge dans les abysses des Hébrides -ombres de l’enfance, secrets enfouis, écocides rageurs- autour du meurtre d’une activiste environnementale dont le fils du héros est le suspect numéro 1.

À Glasgow, Fin Macleod visionne les pires horreurs du dark net pour une unité criminalistique. Généreuse ou un brin cynique, elle lui offre les services d’une psychologue. Succès mitigé. L’ancien inspecteur, déjà épuisé par l’étendue des noirceurs humaines, va pourtant devoir puiser dans ses ressources de limier. Son fils est en effet le principal suspect d’un féminicide. Celui de son élève tout juste majeure, Caitlin Black, retrouvée violée et assassinée dans le loch noir. À Lewis, une ile au nord-ouest de l’Écosse riche, ou lourde, de souvenirs. Une matrice mémorielle. C’est en effet dans ses brumes, ses genets, ses tempêtes et les cris du Râle des genêts que Fin Macleod a grandi, a rencontré Marsaili, sa femme, avec qui il a eu un fils, Fionnlag. Fin Macleod revient donc à Lewis pour contre-enquêter. Un retour vers le passé qui regorge de secrets, de violences, de douleurs encore sourdes.

Polar d’atmosphère

L’enquête de Fin Macleod convoque les traumas. La mort de ses parents dans un accident de voiture, la noyade d’un ami lors d’une expédition de vol de saumons, les rapports complexes avec Marsaili. Hier comme aujourd’hui Fin Macleod évolue dans un huit-clos aux plages obscures. Et, aujourd’hui comme hier, les protagonistes des drames s’affrontent. Notamment Fin Macleod et Alasdair, hier à la tête du gang des voleurs de saumons. Aujourd’hui PDG d’une juteuse exploitation internationale de pêche. Quel rôle a-t-il joué dans la mort du commanditaire des vols de poissons il y a plus de trente ans ? Aujourd’hui quel rapport avait son fils Éòghann avec sa sœur, Caitlin, la jeune femme assassinée? L’énigme sera-t-elle cette fois résolue ?

L’écrivain structure son polar aux fins ressorts psychologiques en l’inscrivant dans des temporalités différentes. L’auteur orchestre allers-retours entre passé et présent. Le présent s’écrit à la troisième personne tandis que le passé a l’impact de la première. Le roman mêle action et mémoire dans ces deux présences au temps.

Le tout dans une nature aussi rude que majestueuse. Odeur de tourbe et d’embruns, lande violette, cris du vent qui attaque les falaises … Particularité : « profusion » d’églises. Car si la nature forge les esprits, il sont aussi travaillés par un calvinisme qui surveille l’observance du sabbat et la présence aux messes quotidiennes. Reste la paix du cimetière donnant sur la mer.

Écocide en rose

L’enquête s’inscrit dans l’actualité, celle de la surexploitation des saumons. « L’Écosse est le troisième producteur mondial de saumon atlantique d’élevage exportant vers plus de 50 pays dont la France » indique un rapport du CIWF. Des saumons tournent sans fin dans des cages surpeuplées. Il sont infestés par des poux de mer, des parasites qui se nourrissent de la peau, du sang et du mucus des poissons. Des bateaux vivriers les nettoient notamment avec des bains chimiques qui s’avèrent extrêmement douloureuses et souvent inefficaces.

Peter May s’appuie sur les rapports d’ONG pour dénoncer cet écocide rose. Car les méga élevages de saumons, au delà de la maltraitante animal, perturbent l’environnement. « Leurs déchets nuisent à la vie sous-marine (mauvaise qualité de l’eau, prolifération d’algues nuisibles)(CIWF). Des médicaments et produits chimiques (antibiotiques, insecticides) rejetés dans l’environnement impactent la santé des poissons mais aussi des oiseaux et les mammifères.

Fin Macleod visite les grands élevages de saumons avec son ami d’enfance Alasdair. Il rencontre également un lanceur d’alerte qui plonge et filme par drone secondé par Cailtlin Black, la jeune femme assassinée qui animait une chaine YouTube. Bref, Peter May reprend dans le polar les méthodes d’enquête des ONG.

Peter May pointe également la prolifération des méduses et l’échouage des baleines.

Loch noir comme un testament ?

Peter May, scénariste de télévision et romancier britannique, est né à Glasgow en 1959. Loch noir est le quatrième tome de sa trilogie écossaise qui comprend L’Île des chasseurs d’oiseaux (2009), L’Homme de Lewis (2011), Le Braconnier du lac perdu (2012). On retrouve ou l’on découvre avec plaisir Fin Macleod dans une enquête qui mêle question sociale et sphère privée. Encore faut-il passer la barrière du gaélique et s’orienter dans un labyrinthe de personnages. Mais le rythme appâte. Effréné vers la fin il évoque une urgence. Celui d’un testament qui augure la fin de la trilogie écossaise ou celle d’un monde qui coule ?

INFOS

Loch Noir

Peter May

Éditions du Rouergue

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