Beau livre Colette la rebelle aux sens grands ouverts

Beau livre Colette la rebelle aux sens grands ouverts. Le catalogue de l’exposition « Les mondes de Colette » à la BnF célèbre une femme qui a tout osé : sentir, écrire, aimer, vieillir, désirer sans jamais demander la permission. En cinq chapitres (et près de 150 documents) qui claquent comme des talons sur la scène du Moulin Rouge.
Souvenirs sensibles
Tout d’abord Laurence Le Bras nous ramène à Saint-Sauveur-en-Puisaye. On sent alors l’humus, la rose fanée, le poil du chat. Manuscrits bleus, photos d’enfance, lettres de Sido : tout est là pour rappeler que Colette n’écrit pas la nature, mais qu’elle la dévore. Dès la première page, le ton est donné : ici, on regarde, on touche, on respire. C’est une ethnographie des sens, avant l’heure et sans le jargon.
Le Monde
Puis Julien Dimerman nous plonge dans les coulisses du music-hall. L’Envers du music-hall devient indéniablement un tableau vivant : danseuses éreintées, régisseurs tyranniques, odeur de poudre de riz et de sueur. Colette observe ce petit peuple avec une tendresse féroce. Le catalogue reproduit programmes, photos de scène, articles de presse : on entend presque les trois coups.
S’écrire
Émilie Bouvard démonte ensuite la machine. Les Claudine signées Willy ? Volées. Les contrats ? Infâmes. Les lettres d’amour et de rupture ? Déchirantes. On suit la naissance d’une voix qui refuse de se taire. L’autofiction ? Colette l’a inventée en 1900, en rongeant son frein et en griffonnant sur du papier bleu.
Le temps
Émilie Bouvard regarde aussi Colette vieillir. La Naissance du jour, Chéri, les chroniques du Palais-Royal : elle parle rides et désir sans détour. Les portraits de 1900 à 1950 défilent dans le catalogue comme un film au ralenti. Le temps passe ? Mais elle elle le fixe droit dans les yeux.
La Chair
Enfin, Julien Dimerman boucle la boucle avec le corps en liberté. Le baiser à Missy sur la scène du Moulin Rouge, le costume de faune, les photos nue à cinquante ans, le salon de beauté ouvert en 1932 : Colette fait de la chair une arme politique. Queer sans doute avant l’heure, libre avant les grandes déclarations, elle pulvérise les codes avec une élégance désarmante.
Créations contemporaines (toiles de Giulia Andreani, costume réinterprété par Aurore Thibout, extraits de Tournée de Mathieu Amalric) rappellent que Colette n’est pas un souvenir : elle est une détonation toujours active.
On peut feuilleter le catalogue en diagonale et ne retenir que les chats et les roses. Ou on peut plonger dedans, visiter l’exposition, et se prendre en pleine figure la violence douce d’une femme qui a tout osé : sentir, écrire, aimer, vieillir, désirer, sans jamais demander la permission.
Colette n’a pas respecté les codes.
Elle les a réinventés.
Et nous, on en sort un peu plus vivants, un peu plus audacieux.
Comme elle.
INFOS
Les mondes de Colette
Collectif publié sous la direction d’Émilie Bouvardd, Julien Dimerman et Laurence Le Bras
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