Art Nicolas Daubanes feu et poudre aux Invalides

Art Nicolas Daubanes feu et poudre aux Invalides. Fresques de la Commune, prisons en sucre brûlé et paysages de mémoire s’invitent dans les salles 1870-1945. Découverte d’une trentaine de pièces contemporaines au milieu des œuvres du musée de l’armée.

Nicolas Daubanes « peint » avec une disqueuse. Des étincelles jaillissent, des milliers de particules de fer, d’acier ou même de météorite viennent se déposer sur le papier, le verre ou le béton. Le feu laisse une trace, la poudre devient pigment, la cendre se fait mémoire. Chez ce plasticien, la matière raconte toujours la violence, la résistance et le temps qui passe.

Hôtel de Ville 1871

C’est donc tout naturellement que ce Prométhée de l’art investit aujourd’hui le Musée de l’armée – Hôtel national des Invalides, dans les salles dédiées à la période 1870-1945. Une exposition monographique ambitieuse qui dialogue avec l’Histoire de France, de la Commune de Paris à la Libération. Une proposition qui se prolonge jusqu’au Panthéon.

Quatre thèmes structurent le parcours : l’insurrection (la Commune de Paris), le paysage comme vecteur de mémoire, l’enfermement et la répression (prisons, camps), et enfin la résistance.

Insurrection et mémoire

Ministère des Finances 1871 détail


Dès l’entrée, deux immenses fresques réalisées à la poudre accueillent ainsi le visiteur. L’Hôtel de Ville de Paris et le Ministère des Finances, tous deux incendiés pendant la Semaine sanglante de 1871. Des milliers de grains noirs, scintillants, dessinent les façades en ruine avec une précision presque photographique. L’image est à la fois magnifique et tragique. Comme souvent, la beauté du geste technique cohabite avec la violence de l’événement commémoré. Ces deux pièces, parmi les plus anciennes du corpus présenté, portrent déjà la signature Daubanes. Plus précisément, faire surgir le souvenir par la matière même de la destruction.

La guerre de Crimée

Les paysages de l’artiste ne sont jamais innocents. La guerre de Crimée ? Une série de routes disparaissant sous la neige et zébrées de traces noires plus ou plus denses. Les stries sont aléatoires. C’est la technique qui décide. Ailleurs, une autre série de dessins à la poudre de fer oxydée évoque les terres martyrisées : camps, zones de combats, lieux d’exécution. La rouille qui apparaît lentement avec le temps fait corps avec le sujet – la mémoire qui s’effrite et pourtant persiste. C’est par le paysage que Nicolas Daubannes s’attache aux camps de concentration. C’est avec la rouille dans les arbres qu’il incarne le bagne de Cayenne ou la mutinerie (factice!) de Fontevraud.

Camp des Hautes Guyane

La poudre des canons et des limes

L’artiste, qui a longtemps travaillé avec des détenus (notamment à la prison de Fresnes ou dans les maisons d’arrêt du Sud), expose plusieurs pièces nées de ces rencontres. Des portraits de prisonniers réalisés à la lime métallique sur plaques d’aluminium ou encore des maquettes de cellules en sucre brûlé qui finissent par s’effondrer. Et puis il y cette phrase minimaliste « Nichts zu sagen » (« Rien à déclarer »), prononcée par Klaus Barbie à la fin de son procès et gravée à la poudre sur un miroir sans tain.

L’enfermement n’est jamais seulement physique ; il est aussi mental, politique, historique. Face à la répression, Nicolas Daubanes célèbre alors les gestes minuscules de liberté. Minuscules ou surprenants. Une truite (clin d’œil à Courbet et à son célèbre tableau peint en prison), un autoportrait spectral de Goya en fin de vie, ou encore « Peinture de guerre ». Une œuvre intrinsèquement brute. En fait, un mur de béton armé teint en rouge par du sucre caramélisé – matière fragile qui évoque à la fois le sang et la douceur interdite.

La puissance des matériaux

Peinture de guerre

La constante de l’artiste est le rapport aux matériaux. La base et la condition de son œuvre. Il les travaille dans son atelier de Perpignan avant de les exposer à travers le monde. Aujourd’hui à Paris, entre le musée des Invalides et le Panthéon. Demain à Karlsruhe (Allemagne). Les photos prises dans son atelier le montrent dans une combinaison de protection, chalumeau à la main. L’artiste ressemble à un sidérurgiste. Ce qui d’ailleurs lui convient car le plasticien revendique une autre constante. La lutte des classes et l’attachement au monde ouvrier.

Matérialité extrême, poésie politique, beauté âpre : tout Daubanes est là. Entre les vitrines d’uniformes et les canons du Musée de l’armée, ses œuvres murmurent la violence passée et la possibilité toujours vive de se souvenir et de résister. On pense à Anselm Kiefer ou encore à Gerhard Richter.

Photo principale La mutinerie de Fontevraud, incendie de l’abbatiale

Exposition Nicolas Daubanes. Un artiste contemporain au musée de l’armée.

🗓️du 8 novembre 2025 au 17 mai 2026
📍Musée de l’armée Invalides

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