Scarlett le roman coulisses d’Autant en emporte le vent
Scarlett le roman coulisses d’Autant en emporte le vent .François-Guillaume Lorrain regarde le film culte au travers du féminisme, des droits civiques. Il ausculte Hollywood, ses studios et ses acteurs. Et dresse un portrait sensible de Vivien Leigh comme de Hattie McDaniel.
Autant en emporte le vent, monument du cinéma hollywoodien et livre culte, est condamné par certains. Il donnerait une image d’Épinal du Sud esclavagiste et caricaturait les Afro-Américains. C’est vrai. Mais au delà, il y a une formidable histoire que François-Guillaume Lorrain «contextualise». D’une part en partant avec sensibilité à la recherche des personnages. D’autre part en décortiquant l’époque et son cinéma.
Les coulisses d’Hollywood
D’emblée il plante le décor. Celle des producteurs hollywoodiens qui ont fait le cinéma du début du XX e siècle. Et en faisant le cinéma ont, comme le marketing, construit le rêve américain.
« Dans les années 30 le cinéma se trouvait encore dans les mains de quelques studios et de leurs fondateurs, des Juifs polonais, russes. hongrois, autrichiens qui s’appelaient Jack Warner, Sam Goldwyn, William Fox, Adolph Zubor » écrit l’auteur. « Leurs usages relevaient parfois d’un système de troc. Par contrats, ils possédaient des acteurs et des actrices qu’ils s’échangeaient à l’occasion d’un film »
David O’Selznick producteur visionnaire d’Autant en emporte le vent va faire de ses studios des usines. Pour adapter le roman de plus de 1000 pages de Margaret Mitchell il commande des centaines de décors et de costumes. Les acteurs sont pléthore. Finalement le producteur camé et insomniaque est happé par la machine d’Autant en emporte le vent. Il finit ruiné.
La folie Scarlett
« Selznick nourrissait aussi l’ambition de percer le secret qui avait présidé à sa création » (celle d’Autant en emporte le vent ) écrit François-Guillaume Lorrain. Mais grave erreur, néglige le casting.
Il se rattrape tardivement en auditionnant toutes les stars de l’époque. L’évidence Vivien Leigh apparait in extremis. Comme un miracle ou un destin à la fin du tournage de l’incendie d’Atlanta. Vivien Leigh ses yeux verts et ses cils noirs recourbés au bout comme dans le roman de Margaret Mitchell.
Dans son livre, l’auteur se penche à la fois sur la folie Scarlett et la démence de Vivien Leigh.
Scarlett : icône féministe ?
« Surtout c’est une femme d’une liberté folle qui rumine des pensées inavouables » fait dire François-Guillaume Lorrain à Irène l’épouse de Selznick. «Scarlett c’est un homme» affirme un autre protagoniste. En effet la girouette minaudeuse épuise trois maris et se relève une femme d’affaires avisée. La passion pour le pâle Hashley l’habite et l’égare. Quand elle comprend qu’elle aime Rhett Butler elle l’a perdu. Mais toujours combative elle part à sa reconquête. Un tel personnage détonne dans l’Amérique des années 30. Une Amérique où les femmes ont un rôle social et sexuel très codé. Scarlett et Viviane Leigh ont peut-être conforté la soif d’émancipation qui couvait déjà.
La folie de Vivien Leigh
Dernière la gloire, la face sombre. En effet l’écrivain semble suggérer un continuum de folie chez Vivien Leigh. De la comptine pour enfants Little Bo-Bee qui lui vaut une ovation de la bonne société de Darjeeling à la démence qui la fait errer en robe du soir. Il s’interroge. L’intensité du jeu de l’actrice dans Autant en emporte le vent augure-t-elle de sa folie ? Une folie qui s’affirme avec «Une chatte sur un toit brûlant » et ruine son mariage avec Laurence Olivier.
Guerres : sécession, WW2 et droits civiques
François Guillaume construit son roman autour de guerres. Tout d’abord la guerre de Sécession, le nord de l’Amérique combattant le Sud des plantations et de l’esclavagisme. Il décrit le Sud, ses cornouilliers et ses habitants nostalgiques. Une fracture sociale toujours ouverte.
Puis la WW2. Ou plutôt il met en parallèle l’écriture du livre de Margaret Mitchell et le film de David Selznick avec la montée du nazisme en Allemagne et le second conflit mondial.
Enfin il ancre sa Scarlett dans le mouvement des droits civiques.
À l’époque pas d’état d’âme. Les producteurs Juifs exploitent les Afro-Àmericains tout en jouant la carte de la solidarité entre minorités. Business as usual.
Hattie McDaniel comme les autres acteurs Noirs est sous-payée, cantonnée aux utilitées. Les rôles ? Rien en dehors de la caricature. Quant aux salles de spectacle où les artistes peuvent montrer des performances de leur choix, elles sont rarissimes. Hattie va au Five Points Theater.
Hattie c’est la nounou de Scarlett. Le chaperon gardien des convenances. L’exact contraire de Scarlett la frondeuse. Les mitants des droits civiques reprochent à l’actrice son rôle confortant les stéréotypes sur les Afro-Américains. Elle même activiste devra justifier son choix.
François-Guillaume Lorrain dresse un portrait inédit de la première actrice noire oscarisée dans un second rôle.
Référence au féminisme et aux droits civiques, Scarlett peut paraître rébarbatif. Pas du tout. Le roman est réjouissant et bouillonne d’anecdotes. Par exemple celles sur Clark Gabble. Il accepte le rôle de Rhett Butler avec grande réticence le jugeant mufle et porte un chauffe-pénis sur ordre de sa femme. Ou encore les ruses de Hattie McDaniel pour éviter de prononcer un « Nigger »
En définitive Scarlett est un livre très humain sur les coulisses d’une industrie féroce qui fabrique un film paradoxalement réactionnaire dans son propos et libérateur à travers son actrice vedette.
INFOS
Scarlett – François-Guillaume Lorrain – 20 €
Editions Flammarion 2022 https://editions.flammarion.com/
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