Louvre l’épopée des rois de Napata en 5 oeuvres d’art

Louvre l’épopée des rois de Napata en 5 oeuvres d’art L’exposition Pharaon des Deux Terres raconte à travers plus de 200 pièces la conquête de l’Egypte par les souverains noirs du Soudan.

Dans le hall Napoleon du Louvre, le pharaon Taharqa accueille en colosse. Il s’agit en effet de donner directement le ton d’une aventure colossale. Car à partIr du VIIIe siècle avant J-C, les souverains du royaume de Nubie partent à la conquête de l’Égypte sémitique et réunifient le royaume des Deux Terres (Basse et Haute Egypte). Leur règne dure une cinquantaine d’années. Il est émaillé de batailles mémorables mais favorise aussi un foisonnement culturel et artistique remarquable.

Louvre Pharaon des Deux Terres : la gloire des pharaons noirs

« Nous avons voulu organiser l’exposition comme une chanson de geste, à l’image de celle de Roland de Ronceveaux ou d’Hannibal  » explique Vincent Rondot Directeur du département des Antiquités.

Cette épopée des rois de Napata commence au cœur de l’Afrique, dans le royaume Kouch (Soudan) avec le roi Piânkhy. En face de la statue du plus célèbre des pharaons de la 25e dynastie – Taharqa descendant de Piânkhy- la stèle de triomphe et plus de 156 lignes de hiéroglyphes serrés racontent la vallée du Nil et ses combats. Au terme du parcours des photos troublantes illustrent la fin du règne des pharaons noirs avec des statuts brisées à l’abandon dans la sombre nuit égyptienne émaillée d’étoiles. Etrange impression d’intemporalité.

Parti de Napata, la capitale du royaume Kouch, située près de la « Montagne Pure » du Djebel Barkal, Piânkhy commence par écraser les roitelets qui règnent mollement dans cette Égypte où la splendeur des fils de Ramses s’est éteinte. Ensuite il progresse gagnant bataille après bataille, balayant toute résistance. Il s’empare de Memphis la capitale économique et stratégique. Ses descendants conquièrent Thèbes le centre théologique de la vallée. En 663 avant J-C le saccage de Thèbes par kes Assyriens marque la fin de cette gloire nubienne. La cour et le clergé se replient sur Napata qui sera à son tour mise à sac en 593 avant J-C. C’est donc à Napata que débute et se termine l’épopée des pharaons noirs.

L’exposition raconte cette période aussi courte que peu connue du grand public sur 1000 m2 et en 205 oeuvres provenants de 28 prêteurs internationaux.

L’épopée des rois de Napata en 5 chefs-d’oeuvres

L’exposition révèle des pièces remarquables. Des stèles et des statues monumentales en granite. Mais aussi des statuettes en bronze et or et des amulettes. Ou encore des objets dans certains sont sortis de fouille ces dernières années.

Parmi les pièces remarquables : Taharqa face au dieu faucon Hémen à qui il fait une offrande. C’est d’ailleurs l’oeuvre retenue pour l’affiche de l’exposition.

Art et acculturation : le bélier du dieu Amon et l’étui de la Divine adoratrice Chépénoupet

« Il est important d’insister sur ce que l’on appelle l’acculturation. Les Gallo-Romains ont adopté et adapté la culture romaine. On croisait toges et coiffes romaines dans la Gaule conquise » estime Vincent Rondot commissaire de l’exposition. « De même, les rois Kouch qui avait été soumis aux pharaons ont adopté le même Panthéon. Ils étaient des adorateurs de la vallée du Nil » En bref les divinités originelles avaient cédé la place aux dieux des hautes terres.

Le bélier du dieu Amon qui protège le pharaon Aménophis III. La statue de granite a été sculptée en 1400 avant J-C. Elle se trouvait initialement dans le Temple de Soleb. Dans l’exposition elle est mise en regard avec une gravure du temple.

« Aménophis III est le symbole de la conquête des pharaons égyptiens. Or le roi Piânkhy va faire « déménager » le bélier de Soleb jusqu’au Djebel Barkal. En clair le même roi qui en 721 avant J-C va conquérir le Nord de l’Egypte installe le symbole de la puissance du l’ancien occupant au coeur du Sud  » s’étonne Vincent Rondot. Explication ? Selon le directeur des Antiquités égyptiennes du musée du Louvre  « La puissance théologique de l’ancien vainqueur est nécessaire à celle du nouveau ». Pas de remise en question de la culture et de religion de l’occupant. « Les Kouch sont plus Pharaon que Pharaon » résume le curateur.

Les rois nabatéens vont également intégrer la stratégie politique de leurs prédécesseurs. L’énigmatique étui de Chépénoupet en témoigne.

L’ étui de Chépénoupet la Divine adoratrice. Pour mémoire les pharaons régnaient à Memphis mais avaient besoin d’un relais à Thèbes pour préserver leur puissance. En conséquence les Égyptiens avaient mis en place un système de délégation. Et il avait pour nom les Divines adoratrices. En bref la fille ainée du pharaon était envoyée à Thèbes. La grande prêtresse d’Amon l’adoptait jusqu’à ce qu’elle lui succède et devienne à son tour une Divine adoratrice.

Chépénoupet, fille du roi Piânkhy s’inscrit donc étonnamment dans la lignée des anciens maîtres du Sud.

Les rois Kouchites croient comme les Égyptiens que le dieu Amon est né à Thèbes. Et, comme leurs anciens colonisateurs, que la Divine adoratrice est investie du pouvoir du pharaon. D’où son association au Sphinx.
Toutefois l’oeuvre qui attire le plus l’attention ici est un étui énigmatique.

Celui de Chépénoupet. Car il renferme une plaque en ivoire d’éléphant impossible à retirer ainsi que des hiéroglyphes indéchiffrables. Mais en lui-même l’objet est déjà magnifique, incrusté sur un côté d’argent sur l’autre d’or.

Le goût de l’archaïque : le sphinx de Taharqa

Si les rois kouchites n’inventent pas un art propre, ils vont néanmoins revoir l’esthétique égyptienne en revenant à un style plus dépouillé.

Vincent Rondot prend l’exemple de la musculature du pharaon Taharqa élégante et plus confirme aux « canons classiques ».
Mais le commissaire se réfère surtout au sphinx du pharaon.

Ce petit sphinx en granite gris représente le roi Taharqa avec le corps et les pattes d’un lion et une tête humaine. La sculpture illustre la sobriété du goût kouchite. Elle intrigue également Vincent Rondot avec sa coiffe aux deux cobras. Symbole des Deux Terres ? Ou bien Royauté kouchite ? Mystère !

La menace assyrienne : la triade d’Osarkon et les rois de Doukki Gel

La menace assyrienne est présente dès l’origine. D’une part les souverains ne peuvent accepter un empire si vaste. D’autre part les Deux Terres sont tentantes pour un royaume sans cesse en expansion.

La trade montre la menace originelle. Les statuts brisées la victoire finale des Assyriens.

Du haut de ses 9 cm la triade d’Osarkon fascine. Ce bijou extraordinaire avec de l’or et du lapis lazuli renvoie directement au panthéon égyptien. Chef-d’oeuvre des collections du Louvre il met en scène Osiris. Isis et Horus qui sera le premier Pharaon. La trade est façonnée entre 874 et 850 avant J-C. Donc avant le règne napatéen. Vincent Rondot choisit cette petite merveille car elle dit déjà la menace assyrienne.

Les sept rois de Doukki Gel incarnent de leur côté la rage destructrice et définitive des Assyriens. Lors de son expédition destructrice à Napata, Psammétique II met la ville à sac. Les statues brisées des rois sont soigneusement cachés entre deux temples d’Amon. En 2003 des archéologues découvrent les fragments et entament leur restauration.

Vincent Rondot préfère ne pas faire venir les statuts du Soudan. Il opte pour une reconstitution en 3D et une impression à l’aide de sable, quartz, résine et plâtre. Les statuts des rois sont partiellement couvertes de feuilles d’or et vêtues à « la mode napatéenne ». L’un des pharaons porte la coiffe blanche et rouge symbole des Deux Terres.

Un témoignage de leur grandeur méconnue au coeur du Louvre.

INFOS

Pharaon des deux terres L’épopée africaine des rois de la Napata -Louvre- du 28 avril au 25 juillet 2022 https://www.louvre.fr/

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