Lincoln Highway Amor Towles livre son odyssée de la route
Lincoln Highway Amor Towles livre son odyssée de la route .Un roman choral habité par des personnages à l’humanité fragile et héroïque qui nous mènent des plaines rednecks aux sublimes montagnes des Adirondacks en passant par les fractures du paysage new-yorkais. Une aventure mentale autant que roady. Un régal de sensibilité.
Où faut-il commencer une histoire demande Billy Watson 8 ans. Mais par le milieu répond son mentor, le Professeur Abacus Abernathe auteur d’une sorte de Reader’s Digest des plus grands aventuriers. Aventurier il l’est sans le vouloir. Par une sorte de fatum. Comme son frère Emmett, les ex co-détenus de celui-ci et les hommes et femmes qu’ils croisent pendant leur odyssée. Un périple qui doit les conduire du Nebraska en Californie le long de la Lincoln Highway à bord d’une blue Studebaker. Mais comme dans toute odyssée l’imprévu est maître et le merveilleux s’infiltre partout comme un parfum dangereux et initiatique. Il s’en suit un roman d’apprentissage en forme de poupée russe avec des histoires qui s’emboitent, se répondent et des personnages qui frôlent l’abime ou l’hadès.
Nebraska 1954 : après 15 mois de prison pour meurtre accidentel Emmett Watson retourne à la ferme de son père ruiné. La banque a déjà mis la main sur le domaine. Inutile donc de s’attarder. L’avenir est ailleurs pour Emmet et Billy. Ailleurs c’est à dire au bout de le Lincoln Highway la première autoroute américaine, celle qui, construite dans les années 20, traverse les États-Unis d’Est en Ouest. Environ 5000 km au compteur. Soit beaucoup moins que la voiture consciencieusement retapée par Emmett qui ne s’est jamais vu fermier. Ailleurs c’est pour Billy la Californie d’où son postées les cartes postales de sa mère. Ailleurs c’est là où la population explose et où, pour Emmett, il semble judicieux de jouer la carte de l’immobilier. Cap donc vers l’Ouest avec comme pécule les 2 000 dollars rescapés de la banqueroute paternelle.
Lincoln Highway : roman choral aux personnages à l’humanité héroïque
Meurtris et foutraques, ou solides et déterminés les personnages d’Amor Towles constituent un roman choral où chacun livre sa version très personnelle de l’odyssée. Dans le premier cercle d’Emmett et Billy, il y a Sally et son féminisme des Plaines. Très singulier avec ses marmelades de fraises et ses lits au cordeau. Elle est le seul personnage féminin directement influent. Les autres le sont en creux.
Ainsi la mère fugueuse des frères Watson joue un rôle clef, celui de Terre promise ou du moins de but de l’aventure. De son côté Soeur Agnès, qui a en partie élevé Duchess, co-détenu d’Emmett, a rang de figure morale. Son enseignement sera aussi moteur d’action via une application free style de la morale chrétienne. Enfin Sarah, soeur de Woolly le lunaire, autre compagnon de geôle d’Emmett, apporte une succession de pauses éthérées dans le tumulte des événements. Sarah c’est aussi la femme bienveillante qui s’ennuie. Un portrait de la condition féminine dans les milieux huppés des années 50.
Outre Sally le fermière rebelle du Nebraska, le premier cercle compte Duchess et Wooly. Le premier, fils d’un acteur de dernière zone, le second, rejeton d’une lignée qui remonte aux Pères fondateurs de l’Amérique. Le grand écart sur l’échiquier social. Avec Duchess Amor Towles portraitise les bas fonds avec Woolly le monde des WASP.
Le second cercle des frères Watson dessine une spirale du merveilleux. Il y a d’abord et surtout Ulysse le noir GI abandonné par sa femme qui, comme Ulysse de l’Odyssée homérique, cherche son rivage. Il le trouvera peut-être avec le professeur Abacus Abernathe, le conteur qui fuit son bureau au sommet d’un gratte-ciel new-yorkais en hobo.
Des villes et des paysages très Americana sur la route de ce roman odyssée
Tous les protagonistes sont d’ailleurs plus ou moins sont des Hobos. Des vagabonds à l’humanité héroïque qui tracent leur route en train, en Studebaker, en Cadillac ou en Pick up.
Emmett et Billy quittent le Nebraska pour la Californie, leur Ithaque yankee. Mais Duchess et Woolly ont des affaires à régler et la ligne droite de la Lincoln Highway se transformer en sinusoïdale. La road novel passe alors des paysages Rednecks aux feux des camps secrets et clandestins que les vagabonds des trains montent dans les interstices des gares. Là où les hobos trouvent refuge entre deux voyages. Là également où l’on aperçoit la skyline new-yorkaise. Avec Duchess on découvre les hôtels crasseux, les cirques lupanars, les bars délabrés de la grande pomme. En revanche Woolly chemine dans les parcs où trônent une statue de Lincoln, ou encore dans les magasins et les salons de thé chics de la Cinquième avenue.
Woolly qui tangue et n’appartient déjà plus à ce monde entraine ses compagnons de voyage dans les sublimes Adirondacks. Là où, enfant, il a passé des vacances heureuses. Et où maintenant la maison est trop grande, trop vide mais ouverte sur des paysages somptueux de montagnes, de lacs et d’arbres centenaires. Chacun y trouvera finalement sa voie sinon sa lumière.
INFOS
Lincoln Highway
Amor Towles
Éditions Fayard août 2022 https://www.fayard.fr/
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