Un chat au Japon : haïkus de Kobayashi Issa

Un chat au Japon : haïkus de Kobayashi Issa . Un beau livre d’art sur le poète qui a sorti le chat du champ des amours surannés pour en faire un héros de fable, un symbole romantique et un compagnon. Le tout illustré par des oeuvres (encres, xylographies, photographies) aussi étonnantes que malicieuses. Un régal !

Aujourd’hui ils sont omniprésents sur les réseaux sociaux. Ils habitent aussi la littérature nippone, celle notamment d’Haruki Murakami (« Kafka sur le rivage », « Abandonner un chat »). Ils, ce sont les chats. Les plus petits des félins fascinent. Et ont fasciné. Sacrés dans l’Égypte ancienne, les chats captivent, faisaient fi des siècles et les cultures. Dans « Les fleurs du mal » Baudelaire leur a consacré une ode. « Viens, mon beau chat, sur mon cœur amoureux ; Retiens les griffes de ta patte, Et laisse-moi plonger dans tes beaux yeux ». Toutefois le pays qui, peut-être, les idolâtre le plus est le Japon. Ce qui ne fut pas toujours le cas.

Aux Éditions de la Martinière Caroline Gibert a eu la bonne idée de faire publier « Un chat au Japon : haïkus de Kobayashi Issa ». Ce beau livre au format moyen et à la couverture comme tissée compile une centaine d’haÏkus de Kobayashi Issa. Les poèmes sont illustrés d’oeuvres d’artistes, de Hokusai à Fusake. L’ouvrage montre comment le chat est passé de signe extérieur d’aristocratie à source d’inspiration des « romantiques » nippons.

Le chat au Japon : de l’aristocratie au romantisme

Kobayashi Issa (1763-1828) est le premier à dépasser les haïkus sur les « amours des chats » très en vogue dans l’aristocratie de l’époque. Il livre une oeuvre abondante (330 haïkus félins dont seulement une centaine sur le thème conventionnel) mais trop précoce.

Dans sa préface Seegan Mabesoone, docteur en littéraire compare à l’université de Waseda à Tokyo, rappelle ainsi deux faits majeurs. « Il faut attendre la fin de l’époque d’Edo, une génération après la mort d’Issa, pour que certains récits populaires s’emparent enfin des chats comme sujet principal ». Mais également qu’Issa n’avait pas le bon profil. En bref, dans le Japon du 18 ème siècle, aucune chance pour qu’un paysan devienne un lettré reconnu. Employé comme domestique, Issa n’a jamais vraiment fait carrière. Il est reparti dans sa ville d’origine – Kashiwara à 25 km de Nagano- s’est marié, a eu quatre enfants qu’il a perdu. Un bad karma qui ne l’a cependant pas empêché de devenir le référence ultime de ses successeurs.

Selon Seegan Mabesoone la restauration Meiji marque l’avénement de « la poésie féline ». C’est cependant un roman, le cultissime « Je suis un chat » (1905) de Soseki Natsume, qui popularise le genre. Sous l’égide du romantisme. En effet le chat incarne ses trois crédos : amour de la liberté, individualisme, fidélité aux sentiments. Plus près de nous Tota Kanedo pacifiste et militant anti nucléaire déclara aussi son amour aux chats. Et comme Soseki il admira Kobayashi Issa, le grand précurseur considéré comme l’un des trois principaux maîtres de hakaï japonais avec Matsuo Basho et Yosa Butson.

Kobayashi Issa et encres, xylographies, photographies pour un hommage au chat

Issa reste indéniablement le premier à mettre en vers des chats moquant les humains comme dans les fables. De même qu’il les humanisa et salua leur splendide indépendance.

Le livre montre ces multiples aspects à travers des illustrations variées : (encres, xylographies, photographies). Et si les « amours des chats » occupent une belle place,  » Mont chat débordé, Entre deux vols de nourriture, part faire l’amour », les autres occupations de la gent féline y sont légion.

En couverture un chat qui dort. Celui de Foujita, figure éminente du clan des Montparno.

Les encres croquent les chats qui guettent les souris, baillent, courent après les papillons, défient rosiers et pivoines, reçoivent des caresses comme étrennes.

Côté xylographie on retient le fascinant « Chat dans une ruelle » de Saito Kiyoshi en regard du haïku « Partout au village, on me regarde de travers -Mon chat est un voleur ». Ou encore la surprenante composition de Utagawa Yoshifuji qui dessine un chat à l’aide de chats de différentes tailles à la manière d’un Arcimboldo.

Mais ce qui étonne le plus est la présence de photographies qui emprunte à de multiples champs artistiques. « KawaÏ » comme celle de Robert Alexander qui illustre « Petit jardin-mon chat me revient dans sa parure de printemps ». « Animé » comme la magnétique « Just before dusk » de Nadia Anemiche montrant, en noir et blanc, un chat seul sur une palissade au milieu de centaines d’oiseaux. Arty comme le « chat dans un sanctuaire inari » de Ernst Hass.

Et pour la fin ce petit morceau de bonheur « Juste un bout de couette, Et la plante de mes pieds, collée à mon chat » illustré par une sculpture bois et laque.

Un chat au Japon : haïkus de Kobayashi Issa

Éditions de la Martinière https://www.editionsdelamartiniere.fr/

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