Sarah Bernhardt : art de diva au Petit Palais
Sarah Bernhardt : art de diva au Petit Palais . À l’occasion du centenaire de la mort du Monstre sacré, l’exposition retrace la carrière de la Divine à travers 400 œuvres et dévoile une comédienne extravagante mais également artiste, exploratrice et très bonne communicante.
Sarah Bernhardt l’ultra mondaine commene sa carrière comme demi-mondaine. « La police recensait alors les courtisanes sur un registre. Il y est noté notamment que la jeune Sarah (qui travaillait en famille avec sa mère et sa tante), avait reçu de l’argent de deux députés » note Annick Lemoine commissaire générale de l’exposition. Mais ce n’est pas un député qui orienta la future diva vers le théâtre. C’est un duc. En l’occurrence le duc de Morny, demi-frère de Napoléon III. Rien de surprenant d’ailleurs. Au 19ème siècle les actrices étaient souvent des courtisanes. « La famille était hostile à l’entrée de Sarah au Conservatoire, elle voulait la marier » précise la commissaire.
De la courtisane à la diva
On connait la suite. L’exposition « Sarah Bernhardt Et la femme créa la star » la retrace à travers 400 œuvres : portraits, films, photo, costumes, affiches …
À l’entrée, une très jeune Sarah Bernhardt drapée de blanc signée Nadar dialogue avec un mur regroupant les rôles de la Divine. Dans cette scénographie la comédienne semble contempler ce qui sera son incroyable carrière.
Une carrière de comédienne lancée en 1869 dans le Passant de François Coppée où elle joue un travesti. Un autre Nadar la représente dans la pantomine « Le Pierrot assassin ». Elle incarnera aussi Hamlet. Alors que l’Antiquité faisait interpréter les rôles de femmes par des hommes, au 19ème siècle, les femmes se travestissent sur scène. Virginie Déjazet s’était d’ailleurs « spécialisée » dans le travestissement. Donc ici comme pour les tournées internationales Sarah Bernhardt n’innove pas, elle amplifie, c’est son côte femme d’affaires et petit génie de la com.
Si Sarah Bernhardt est lancée par Le passant, elle triomphe dans le rôle de la reine dans Ruy Blas de Victor Hugo en 1872. En jouera ensuite aussi bien le répertoire classique (Racine, Shakespeare) que les auteurs contemporains. Elle est l’ami et l’interprète des plus grands. Hugo bien sûr qui la surnomme la Divine mais aussi Edmond Rostand qui lui offre l’Aiglon, Alexandre Dumas fils qui lui donne son rôle phare, celui où elle excelle dans l’agonie, à savoir La Dame aux camélias, mais aussi Victorien Sardou (Théodora, Tosca).
La grande galerie : lithographies de Mucha, bijoux et costumes somptueux
La grande galerie regroupe les objets emblématiques de la carrière de la Divine. On découvre ainsi les affiches et lithographies d’Alfons Mucha qu’elle soutient, des photos, des caricatures … On contemple également les costumes de scène et les bijoux de ses grands rôles. En premier lieu l’ensemble costume-bijoux de Cléopâtre, la couronne de la reine de Ruy Blas et la coiffe de Théodora. Mais aussi le châle et le corset d’Hernani, la jupe de Froufrou ou encore le sublime manteau de scène brodé de fils d’or et de soie de Théodora.
Diva extravagante et ange du bizarre
Edmond Rostand écrit connaître la Sarah comédienne et travailleuse acharnée pas « celle des cercueils et des alligators ». Car comme toute diva Sarah Bernhardt fait dans l’excentrique et le bizarre. On la raille, on guette ses frasques, on les consigne. L’exposition montre ainsi une « fresque » sur un voyage improvisé au dessus de Paris en nacelle et une caricature de la comédienne en chimère.
« Le goût pour l’étrange se manifeste à travers un chapeau chauve-souris, un cercueil où elle s’allongeait pour dormir, ou encore le champagne dont elle régalait ses alligators » note Annick Lemoine. La commissaire générale mentionne également un petit singe qu’elle promenait en société. L’exposition affiche photos et caricatures de sa ménagerie, son bibis « vampire » reflet du goût pour l’étrange en vogue à l’époque à travers le symbolisme. Aujourd’hui ces bizarreries et excentricités paraissent assez palotes. Y aurait-il du Sarah Bernhardt dans le penchant des rappeurs US pour les créatures exotiques ?
Sarah Bernhardt intime et artiste
L’exposition veut mettre en lumière une femme frondeuse, engagée. Mais ce parti-pris se double d’un autre. Mademoiselle Tempête, l’actrice qui se se fait renvoyer de la Comédie Française, est aussi « une artiste parmi les artistes ».
La scénographie recrée des espaces de vie et de création : un atelier salon sous verrière décoré de boiseries et de plantes où reposent les œuvres sur un immense tapis d’orient.
Sarah Bernhardt vit entourée d’artistes. Gustave Doré, Jules Bastien-Lepage ou encore Alfred Stevens. Elle inspire les symbolistes comme les représentant de l’Art nouveau. À la fin du 19ème siècle la diva est partout et on se l’arrache. Mais ses faveurs restent à Georges Clairin et Louise Abbéma (Déjeuner dans la serre, Lac du bois de Boulogne, … ) Le tableau iconique de Georges Clairin (voir photo principale) la représentant dans un somptueux déshabillé blanc règne sur l’ensemble de l’espace atelier salon.
Mais dans cet espace atelier on découvre surtout les œuvres de la comédienne. Car, on le sait moins, la diva était également sculptrice et peintre. On remarque une sculpture représentant deux mains enlacées, celle de l’artiste et de Louise Abbéma son amante.
Et une tête, qui repose sur un lit de fleurs. « C’est le portrait funéraire sur un lit de pavots et de roses du seul homme qu’elle épousa, Jacques Damala, acteur grec morphinomane » précise Annick Lemoine. On s’arrête également sur Le fou et la Mort, hommage à Victor Hugo et à la fascination de la comédienne pour l’au-delà.
Autre espace, la chambre qui, dans son obscurité contraste avec la lumière du salon d’art. C’est le monde de Sarah Bernhardt intime et excentrique. Nadar l’incarne alanguie sur des fourrures exotiques au milieu de plantes et de multiples bibelots.
L’exploratrice actrice
Être une diva de la scène et une sculptrice reconnue c’est bien. Mais pour Sarah Bernhardt ce n’est pas assez. Elle imagine des décors hollywoodiens pour les théâtres qu’elle dirige. Femme d’affaires elle joue de son image pour vendre des biscuits ou des cosmétiques. Certes les artistes de la Renaissance étaient déjà des auto-entrepreneurs. Mais Sarah Bernhardt a quelque chose de plus. pour Annick Lemoine elle « utilise sa notoriété pour vendre, c’est une sorte de pré-instagrameuse ».
Ainsi en période de ruine elle ne fait pas que de la pub. Elle voyage. L’exposition retrace ses expéditions aux États-Unis ou en Amérique Latine. Elle affrète ainsi un train (le Pullman) à son nom pour se rendre à Dallas où en l’absente de théâtre elle monte un barnum. Un succès énorme. Une salle interactive propose de la suivre en tant que journaliste et de relater l’événement. Addictif ! La voyageuse a toutefois son havre, son port d’attache. Un coup de foudre nommé Belle-Île où elle s’installe avec son fils, ses petites-filles et son cercle d’amis jusqu’à une nouvelle faillite qui l’oblige à vendre.
Sarah Bernhardt va aussi s’investir dans le cinéma muet. Elle explore les territoires comme les innovations. Grand succès également même si le public américain ne parle pas français. Le jeu de l’actrice est si expressif – voire exagéré- que l’audience capte l’essentiel.
Et bien évidemment il y a sa voix d’or (Victor Hugo). Que l’on peut écouter sur des bornes. Aujourd’hui elle fait sourire. Trop déclamatoire, trop datée. Mais elle bouleversait les foules au 19ème siècle. Beyonce ou de Brad Pitt seront-ils kitsch dans un siècle ?
INFOS
Sarah Bernhardt Et la femme créa la star
Petit Palais Avenue Winston-Churchill – 75008 Paris
https://www.petitpalais.paris.fr/
Du 14 avril 2023 au 27 août 2023
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