Le fils du père le roman procès de Victor del Arbol
Le fils du père le roman procès de Victor del Arbol .Un livre brut, violent, viscéral qui fouille le destin des violences, celles d’une famille et de l’histoire espagnole. Un uppercut dans la rentrée littéraire.
Tout commence par une exécution. Celle du grand oncle Joachim, partisan lors de la guerre civile espagnole, sommairement jugé, lentement mis à mort et longuement exhibé en pendu. L’opprobre retombe sur sa sœur Alma et son futur mari Simon, phalangiste et tâcheron agricole. La honte, la méfiance, la vengeance pèsent sur la famille. Joachim avait exécuté avec barbarie la cacique Don Benito. Sa famille ne pardonne pas. On ne se rebelle pas contre l’ordre ancestral des propriétaires terriens dans ce coin reculé d’Estrémadure qui regarde vers l’Église et Franco.
Tout se termine par le procès pour meurtre du petit fils de Simon. Pourtant Diego semblait avoir vaincu le bad karma familial. Celui de la violence et de la misère. Universitaire, écrivain, marié à une héritière il remplit toutes les cases de la réussite. Pourtant Diego ne parle jamais de son père, le fils d’Alma, habité aussi par une rage a priori atavique mais surtout circonstanciée. Fausses accusations de la descendante de la famille de Don Benito, violence du père, Simon, rixes, survie en mode lumpenprolétariat.
Le fil du père : procès de toutes les violences
Le point d’entrée du roman de Victor del Arbol est un procès. Mais son livre fresque questionne toutes les violences.
Tout d’abord les violences domestiques. Celle que le père inflige au fils, la mère à ses enfants, les enfants à d’autres. Presque un héritage. Victor del Arbol peint les traces sur la chair et l’empreinte dans les esprits. Coups de torchon mouillé, de ceinturon, griffure, mots qui souillent.
Ensuite les violence des guerres. Dans un village espagnol la vengeance des phalangistes puis celle des nouveaux maitres qui s’allient au Mal, le III e Reich. À la rudesse des collines et à sécheresse de la roche succèdent les forêts russes, les immensités de froid, la neige. À travers Simon, Victor del Arbol montre alors la résistance des hommes, leurs traitrises comme leur petits héroïsmes. Simon sauve une jeune femme, son fils devenu légionnaire tente d’extirper Manuel à la violence de la rue. Un échec. Un nouveau coup. Décisif. Manuel représentait l’enfant que l’adulte était jadis. Le fils d’Alma et de Simon se perdra dans le désert comme son père s’est perdu quelque part en Russie.
Puis et comme une étau, un destin empoisonné, les violence sociales et sociétales. Le franquisme qui comme toute dictature engraisse ses sbires, les classes dirigeantes qui pressurent peuples et opposants. Le fils d’Alma et de Simon vit en toute honte rageuse de charités. L’humanité s’efface comme elle quitte sa femme. Ce tableau très espagnol renvoie à la situation des travailleurs pauvres, Gilets jaunes ou étudiants en France, victimes des subprimes aux États-Unis. Et plus encore aux minorités d’Amérique latine.
Enfin, les violences sociétales: abus d’autorité de Diego qui couche avec ses étudiantes et de Martin l’infirmier qui abuse de Liria, la sœur handicapée de Diego.
Un roman au style sobre qui questionne l’atavisme
Dans Le fils du père Victor del Arbol remonte dans le temps et appuie sur les chairs. Celui qui toujours baisse la tête finit-il toujours par lever les poings ? C’est indéniablement la question de l’héritage de la violence qu’il fouille dans un style vif et tranchant qui ne tolère aucun superflu. La structure alterne temporalités (2010, 1936, années 50, années 80 etc) comme les formes de récit, des comptes-rendus psychiatres de Diego, au quotidien de misère des familles, en passant par les souvenirs de Simon sur le front russe ou à ceux du fils de Simon dans le Sahara Occidental et bien entendu par l’événement fondateur, le meurtre de Benito par le grand oncle Joachim et le supplice de celui. Une sorte de Passion involontaire qui n’apporte pas la rédemption mais le chaos.
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Le fils du père
Victor del Arbol
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