Art Chambord sous la grâce des madones de Botticelli

Art Chambord sous la grâce des madones de Botticelli. Le château expose deux tableaux de la Renaissance italienne dont l’un a été révélé au terme d’une enquête romanesque.

L’auteur du Printemps et de la Naissance de Vénus a grimpé les marches de l’escalier à double révolution de Chambord. Une vérité artistique alternative? Oui et non. En effet, le château emblématique de la Renaissance italienne en France accueille l’un des maitres les plus fins du Quattrocento : Botticelli. 

© Leonard de Serres oct 2024



Deux œuvres se font face. Deux versions de la Vierge à l’Enfant avec le jeune saint Jean-Baptiste. Les madones, yeux clos, traits fins et graves, sont courbées, comme sous le poids d’une prescience. Celle du destin tragique du Christ, thème récurrent dans les peintures de Nativité. Une croix renforce la dramaturgie de la composition. L’ombre portée de la Madone accentue aussi la noirceur de l’ensemble.

Car Alessandro Filipepi, dit Sandro Botticelli (1445-1510) peint les œuvres sous de sombres auspices. L’époque n’est plus en effet à la flamboyance. Les Médicis, princes mécènes de Florence, ont fuit la ville en 1494 et le prédicateur dominicain Savonarole menace des flammes de l’enfer tout chrétien « déviant ». Un avant-goût du rigorisme huguenot. La peur du châtiment s’empare alors des esprits. Y compris de celui de Sandro. Il reste cependant un peu de la beauté de l’Antique dans un parterre qui évoque le Printemps et dans les drapés des Madones.

Les deux Madones, l’une célèbre l’autre endormie

(C) GrandPalaisRmn (musée de la Renaissance, château d’Ecouen) – Tony Querrec

Les Madones sont exposées dans la chapelle de François 1er à Chambord. Un rappel du retour en dévotion de Botticelli mais aussi de leur fonction supposée : être de objets de procession ou bien de piété privée. C’est le côté « boutique » de Sandro qui peint aussi bien une commande du pape pour la Chapelle Sixtine que des coffres de mariage.

(C) Photo SCALA, Florence – Courtesy of the Ministero Beni e Att. Culturali e del Turismo, Dist. GrandPalaisRmn-image Scala

Les deux versions de la Vierge à l’Enfant avec le jeune saint Jean-Baptiste se regardent. Elle le peuvent car leur composition est (presque) identique mais inversée. La première, qui aurait servi de modèle, vient de Florence. Plus précisément du Palazzo Pitti. Un prêt exceptionnel de la Galerie des Offices pour quelques années. Un an ou deux. Le deuxième Madone « dormait » dans une église de la Beauce, à Champigny, à une trentaine de kilomètres de Chambord dans un confortable anonymat. Elle restera trois mois au château avant de regagner la Beauce. Enfin, il en existe une troisième à Birmingham, en Angleterre, au Barber Institute. Elle n’a hélas pas pu être exposée avec les autres.

Les tableaux ont la même composition mais des touches différentes : auréole, gaze, végétation … Un sublime rosier habite également le modèle (le tableau conservé à Florence) tandis que des éléments architecturaux figurent sur les deux autres.

Enquête romanesque

(C) Olivier Marchant – DNC

La découverte du tableau de Champigny a des allures de roman. Classé copie du XIXe siècle dans les bases du ministère de la culture, il attire l’œil d’un étudiant en histoire de l’art, Matteo Gianeselli. Et … rien ou presque pendant une dizaine d’années. Matteo Gianeselli, devenu conservateur au musée d’Ecouen, est contacté pendant le Covid par le musée Jacquermart-André qui organise une exposition sur Botticelli et redoute des défections de prêts suite à l’épidémie. Matteo Gianeselli se rend à Champigny-en-Beauce et lance la machine qui va faire d’une vague copie un chef d’œuvre. Les techniques les plus pointues du laboratoire du  Centre de recherche et de restauration du musées de France (C2RMF) sont utilisées. Observations à la loupe-binoculaire, rayons X, micro-prélèvements.

Style, matériaux et techniques

Les experts s’attachent d’abord au style. Intensité de la palette, contours des traits de la Vierge, variations par rapport aux autres versions …

L’analyse confirme ensuite que la peinture sur toile, et non sur bois, utilise les techniques courantes dans l’atelier du maitre. Notamment le « calque ». En effet le dessin n’a pas été exécuté à main levée mais a été reporté à partir d’un modèle. Le spolevo, un calque percé de trous d’aiguilles, tamponné au noir de carbone, permet de transférer le tracé des personnages sur une nouvelle toile.

Deux lés composent la toile et s’ajustent par une couture comme dans les deux autres versions de la Vierge.

Les analyses attestent aussi l’emploi de peinture a tempora à l’œuf et à l’huile dans le style de Botticelli.

Enfin « la présence de différents marqueurs dans la couche picturale, des grains de verre et une terre riche en zinc, confirme que le que l’œuvre a pu être exécutée entre le XVe et XVIe siècle en Italie » estime le C2RMF.

La DRAC Centre Val-de-Loire finance alors la restauration.

Botticelli et son atelier ont peint la Madone de Florence vers 1405, celle de Champigny vers 1405-1410 et celle de Birmingham vers 1410.

Un parcours mystérieux

Église de Saint Felix – Champigny en Beauce (C) Olivier Marchant – DNC


Le parcours de la Madone reste assez mystérieux. Acquise par une riche famille anglaise elle séjourne en Italie puis revient en France pour enfin habiter l’église de Champigny. C’est un cachet de cire qui sert de guide à l’enquête. Le cachet en cire de la famille de Walter Savage Landor (1775-1864) retrouvé à l’arrière du tableau. Quelle a été la vie du tableau avant son acquisition par le lettré voyageur puis sa donation à l’Église Saint-Félix de Champigny? Mystère.




Cette histoire picaresque nous apprend qu’il existe 290 000 objets protégés, au titre des monuments historiques, à travers la France, principalement conservé dans les églises paroissiales  dont 44 600 tableaux et chevalets. Alors d’autres découvertes à venir ?

Photo principale © Leonard de Serres oct 2024

INFOS

Botticelli : deux madones à Chambord

Du 20 octobre 2024 au 19 janvier 2025

Site Château de Chambord

L’exposition est comprise dans le billet d’entrée : plein tarif 16 € ; tarif réduit 13,50 € ; gratuit pour les moins de 26 ans ressortissants de l’Union Européenne.

Horaires d’ouverture :
20 octobre 2024 – 28 octobre 2024 : 9h – 18h.
28 octobre 2024 – 20 décembre 2024 : 9h – 17h
21 décembre 2024 – 4 janvier 2025 : 9h – 18h
24 et 31 décembre 2024 : 9h – 16h

L’exposition sera accompagnée de vidéos pédagogiques et enrichie d’un dispositif de médiation en réalité augmentée

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