Expo le paradis pictural de Tina Barney
Expo le paradis pictural de Tina Barney au Jeu de Paume. Family Ties regroupe 55 tirages monumentaux et deux films en une vaste rétrospective qui commémore 40 ans de carrière. L’utilisation des grands formats intègre le développement de nouveaux médiums (cinéma, pub). L’exposition de l’intime, lui, préfigure le suraffichage du privé (téléréalité, réseaux sociaux).
Des couleurs qui claquent, des intérieurs surchargés, des objets aussi présents que les humains, des paquets de gâteaux au premier plan, des tableaux de maître en arrière plan -cadres dans des cadres-, des photos chorégraphiées, des portraits figés … le Jeu de Paume met à l’honneur la photographe Tina Barney.
Dans un déluge de détails et de pixels ultra colorés, Family Ties portraitiste les classes aisées américaines et européennes des années 80. Tina Barney appartient à ce milieu, connaît ses codes et ses rituels. Raison pour laquelle la photographe a commencé par capter en grand format l’univers de sa famille et de ses amis de génération en génération.
L’exposition, à travers des photos de proches et des portraits de célébrités, crée un « paradis pictural » plein de tensions « aux antipodes de l’éden WASP incarné par un Ralph Lauren » selon Quentin Bajac, directeur du Jeu de Paume.
Tina Barney entre peinture et récit
Tina Barney est née en 1945 à New York d’une mère mannequin et d’un père banquier d’affaires. Enfant, elle est initiée à la photographie par son grand- père maternel. Elle passe à la création plus tard. Dans les années 70 lorsqu’elle déménage avec sa famille dans l’Idaho où elle vit jusqu’à son retour à New York en 1983.
Le père de Tina est aussi collectionneur d’art. Les tableaux sont donc depuis toujours une seconde famille pour la photographe. Une famille riche et variée. Depuis les portraits de groupes du XVIIIe siècle et la peinture hollandaise du XVIIe siècle jusqu’aux impressionnistes et postimpressionnistes. Les premiers lui donnent le goût du décor et du détail. Les autres lui inspirent les jeux sur l’espace et la profondeur. Enfin Tina Barney entend cultiver l’art de la mise en scène et du récit, l’ut pictura poesis, le rapprochement de la peinture, enfin ici du cadre, et du récit. Le cadre qui parle. L’influence de la peinture classique est affichée directement avec Nude#1123. Une photographie de nus où elle travaille « la texture la lumière produites par la peau ». Ainsi le rappelle le cartel écrit par la photographe. Comme d’ailleurs beaucoup d’autres. Un parti-pris entre témoignage et « commissariat ».
Un monde de photos intime et théâtral
Tina Barney créé un style unique en concevant des images « à l’intersection des instantanés monumentaux- permis par l’utilisation de la chambre photographique – et de l’observation de la penture ancienne ». Elle poursuit la tradition de la home photography avec un appareil sur trépied et des lumières artificielles.
La scénographie qui présente les œuvres en suspension introduit à la fois une appréhension à « hauteur humaine » et un jeu de cadres. Family ties réunit 55 grands formats -120 par 160 cm-, des tirages à grande échelle réalisés par la photographe en couleur ou en noir et blanc. Dimension et hauteur immergent le public dans des saynètes de théâtre, celui qui se joue à l’intérieur de toute famille.
L’exposition Family Ties explore en effet rites et traditions familiales (anniversaires, cérémonies). Un motif récurrent avec Theater of manners et The Europeans. Tina Barney capte le temps qui passe à la manière d’une documentariste. « Elle observe son milieu avec perplexité. « Est-ce ainsi que nous vivons? » note Quentin Bajac. Une documentariste où la distance côtoie l’intime. On le constate en particulier avec la photo qui la met en scène avec ses fils ou avec celle qui saisit sa sœur Jill et sa mère.
Family ties montre aussi l’évolution de la photographe du portrait de groupe au portrait individuel. Une expérience plus compliquée avec une gamme chromatique plus sobre mais toujours une mise en distance.
In fine, l’exposition du Jeu de Paume peut ainsi être vue comme une famille d’images à regarder comme un album intime et documenté.
Photo principale The Daughters 2002 vue de l’exposition
INFOS
Exposition Family Ties – Tina Barney
Jusqu’au 19 janvier 2025
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