Paris Photo focus nature

Paris Photo focus nature. L’édition 2024 de la foire internationale offre un large spectre de propositions liées à l’environnement, des menaces sur la biodiversité aux erreurs humaines à l’origine des mégafeux. Regard sur cinq photographes qui mettent technique et point de vue au service d’œuvres spectaculaires aussi belles qu’effrayantes.

La 27ème édition de Paris Photo accueille 240 exposants venus de 34 pays. En 2024, le retour au Grand Palais coïncide avec Le Centenaire du surréalisme qui donne lieu à une grande exposition au Centre Pompidou et à une multitude de manifestations. À cette occasion, le réalisateur et artiste américain Jim Jarmusch a notamment réalisé un parcours d’œuvres et composé, avec son groupe SQÜRL, la BO du film Retour à la raison réunissant quatre films de Man Ray nouvellement restaurés.

Du haut des balcons du Grand Palais rénové, on voit de nombreuses œuvres évoquant la nature sans que celle-ci fasse directement l’objet d’un traitement artistique. Elle est toutefois bien présente dans sa fragilité, sa beauté, dans les dérèglements du climat et le bouleversement de la biodiversité. Le Prix Dahinden une autre empreinte ou le prix Art & Environment Lee Ufan X Guerlain distinguent aussi des photographes travaillant sur la nature, l’environnement, les matériaux, l’éco-conception.

Paris Photo voit rouge : algues maudites et Paradis en feu


Ainsi Alice Pallot glane des déchets, des algues récupérées sur les plages bretonnes afin de les utiliser comme des filtres photographiques. Résultat : des images qui suggèrent des marées rouges en écho aux marées noires et surtout aux marées vertes dues aux « algues maudites » qui en se décomposant stérilisent les plages. Des photos spectaculaires de cette « Sea of Tears » sont présentées sur le stand de la Fisheye Gallery. Alice Pallot est diplômé de l’École nationale supérieure des arts visuels de La Cambre à Bruxelles et Prix Leica des Nouvelles Écritures de la photographie environnementale. Un univers à découvrir absolument !

Fisheye Gallery

Maxime Riché et les mégafeux

Maxime Riché, prix du public Dahinden 2024, s’intéresse aux mégafeux et à l’environnement en général. De près près. Rien de surprenant car le photographe est ingénieur de formation et diplômé d’un master en biotechnologie et en sciences de la vie.

Maxime Riché part en 2021 à Paradise où il prend ces photos aussi terribles que belles de paradis en flammes. Le photographe utilise des films infra rouge Kodak. Avec cette technique le vert de la végétation devient rouge et sur les photos le feu lèche les maisons. L’enfer au Paradis. Une fable, une métaphore affichée. Maxime Riché interroge l’impact de l’activité humaine (les négligences !!) sur les mégafeux car à Paradise en 2018 comme en 2021 le feu a été déclenché par un court circuit sur les lignes électriques et non par le changement climatique.

Pour mémoire en 2018 Paradise, ville californienne de 26 000 âmes située à 140 km au nord de Sacramento sur les contreforts de la Sierra Nevada, est ravagée en moins de quatre heures. « C’est l’incendie le plus coûteux à ce jour aux États-Unis (10,8 milliards de dollars) et le plus meurtrier. Car Camp Fire a en quelques heures détruit 18 800 bâtiments, fait 86 morts – ainsi que plus de 50 victimes indirectes – et plongé nombre des habitants de la ville dans une précarité redoutable dont beaucoup souffrent encore à ce jour » rappellent les organisateurs du prix Dahinden, une autre empreinte.

Prix Dahinden

Nature et natures mortes

Letizia Le Fur « décolorise » le « paradis » (Tahiti) et la photographe finlandaise Nanna Hänninen capte la fragilité des déserts (Laponie, Californie). Deux regards de femmes sur la nature et l’environnement. Deux regards qui ou bien interrogent la (de) construction des mythes à travers les images. Ou bien tentent de préserver à travers les images une biodiversité qui peut très vite disparaître.

Letizia Le Fur, élève de Valérie Belin, « opère ici un renversement de paradigme à plusieurs égards » écrit la commissaire Claire Luna. « La mer turquoise, les cris de ce que l’on appelle la couleur tropicale, l’eau transparente et les verts de sa nature luxuriante, elle les a oblitérés. Ses plages aux cocotiers, effacées. La photographe a vidé l’île des seules substances qui en ont constitué ce que l’Occident a toujours cru être son identité. Elle nous plonge le regard dans le ventre de sa végétation ».

Nanna Hänninen a étudié à l’Institut du design de Lahti, ainsi qu’à la Höhere Schule fur Kunst und Gestaltung de Zurich et à l’Université d’art et de design d’Helsinki. Elle travaille sur les tons de Wolfgang Tillmans. À Paris Photo elle présente un solo show : Painted Desert. Nanna Hänninen teint les tirages et fait intervenir le peinture. Une intervention humaine qui fait jaillir la fragilité et la beauté des paysages.

Galerie Julie Caredda

Galerie Persons Projects

Cycles de la vie : des étoiles aux fleurs

Caroline Corbasson s’est formée aux Beaux Arts de Paris et à la Saint-Martin School de Londres. Elle explore à travers différents médiums les grands espaces, micro et macrocosmiques en collaboration avec des institutions scientifiques de premier plan comme le CNRS, CNES à Paris, le Laboratoire d’Astrophysique de Marseille ou encore l’Observatoire du Cerro Paranal au Chili. Un travail remarqué puisque la « photographe-plasticienne » vient de remporter le prix 2024 Art & Environment Lee Ufan X Guerlain ainsi que le prix Drawing Now 2024. Une reconnaissance de sa « photographie alternative » car Caroline Corbasson préfère, notamment, le microscope à l’appareil photo. Dans Up-close, son premier solo show, elle donne un aperçu global de sa pratique. Ceci à travers un ensemble d’images regroupées en techniques (tirage analogiques, tirage au charbon) et thématiques (biologie, astrophysique, thermiques … ).

On y découvre « Heat », des photographies d’astrophysique des années 60 tirées en un dégradé qui va du rouge au bleu et traitées de manière très abstraite.

Le stand de la galerie Dilecta propose aussi Field(s), une série sur les poussières de déserts à partir de l’observation de poussières d’étoiles.

Enfin, Tracks, produit avec Andrea Montano le compagnon de la jeune femme, propose une variation sur un même motif floral qui semble étoilé. Un focus sur les cycles de la vie, des étoiles aux floraisons, leitmotiv de Caroline Corbasson.

Éditions Galerie Didacta

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