Roman Tiré de fait irréels Tonino Benacquista et la virée miraculeuse

Roman Tiré de fait irréels Tonino Benacquista et la virée miraculeuse. Une satire onirique du monde de l’édition aussi caustique que délectable.

Bertrand de « Bertrand Dumas Éditeur » est au bord du naufrage. Après 40 ans au service de livres exigeants et d’auteurs en mission littéraire. Un sacerdoce entamé sur l’autel des révolutions post soixante-huitardes et enraciné dans une boutique germanopratine. L’éditeur fait le tour des solutions. Sans succès. Reste le miracle.

Tirée de fait irréels narre cette course au salut qui mélange satire du milieu de l’édition et irruption du merveilleux. À travers une narration dans la narration, des écrivains romanesques, une intrigue où la critique sociale se double d’onirisme.

Le constat tiré de faits réels

Bertrand Dumas fait d’abord dans le rationnel. Un rappel des faits. Réels. Le public regarde Instagram alors que les écrivains continuent d’écrire, et les éditeurs de publier. 641 titres de fonds « Bertrand Dumas Éditeur ». Une goutte d’eau dans un océan d’encre et de papier.

 » Depuis notre conversation sur la terrasse de Enzo, 5 romans été publiés en France. Demain matin, il s’en sera publié 12 de plus, dont 11 seront oubliés avant midi. En tout, plus de 10 000 romans par an. N’avez-vous aucune pitié pour moi malheureux juré contraint à chaque rentrée de choisir un roman dans une masse de 500 et de me faire 499 ennemis ( ….) Aucune pitié pour le lecteur, perdu au milieu de « 50 000 nouveautés par an » si l’on y ajoute la non fiction ? Aucune pitié pour les libraires, qui attrapent des tours de reins avec des cartons de plus en plus nombreux, dont certains ne seront même pas ouverts et repartiront direct au pilon ? » (p 14).

Le constat tiré de fait réels s’est aussi la banque et même l’investisseur des premiers jours qui le tire. La littérature de « Bertrand Dumas Éditeur » n’est pas bankable. Il faut miser sur les auteurs certains, les écrivains de cour éligibles aux grands prix, voire les nouveautés de type dark fantaisy.

Jusque là rien de nouveau. Sauf la narration et l’humour. Bertrand Dumas s’invente un narrateur dialecticien pour contrer les fâcheux. Un as de la rhétorique qui, tel Don Quichotte, combattrait en chevalier. Mais les moulins à vent ont du souffle. Un souffle renversant. Et de soirée de financement qui vire au fiasco en rencontre avec un écrivain qui n’écrit plus, tous les espoirs s’envolent.

La reine des fées et le canapé à la truffe

Reste des régals. Les fait irréels. Tonino Benacquista commente cette « période critique » à coup de grands auteurs. Il invente ainsi une sorte de rebus pour reconstituer une phrase de Proust. Dans un restaurant chinois des années 70 où des geishas saluent les buveurs de saké. L’écrivain imagine également une piscine d’albâtre (non mais presque) dans une ferme au sol de terre meuble où une pianiste virtuose jour du Beethoven à un écrivain à la double vie littéraire.

Enfin, lors d’une remise de prix près d’une pile de canapés dont certains à la truffe, surgit une sorte de reine des fées.

Langue gourmande, récit cocasse, érudition, ce dernier roman de Tonino Benacquista est aussi drôle que piquant.

INFOS

Photo F.Mantovani crédit Éditions Gallimard

Tiré de fait irréels

Tonino Benacquista

Éditions GALLIMARD

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