Expo Louis Delaporte de Loches à Angkor

Expo Louis Delaporte de Loches à Angkor. D’une cité royale à l’autre, exploration d’une passion pour l’art khmer au cœur d’un bijou architectural dominant la vallée de l’Indre.

La cité Royale de Loches (Val de Loire) n’a pas abrité que des souverains. La ville y a aussi vu naître l’explorateur Louis Delaporte (1842-1925). Dans le prolongement de l’exposition au musée Guimet sur la mission de reconnaissance menée par l’officier de marine et ses compagnons sur le fleuve Mékong en 1866, la ville rend hommage à son citoyen le plus célèbre avec « De Loches à Angkor : Louis Delaporte, l’aventure d’une vie ». Une sélection de moulages, aquarelles, dessins, sculptures en grès et objets personnels ponctuent le parcours.

Un parcours en deux temps qui permet une découverte des lieux emblématiques de Loches, la cité à l’architecture médiévale et renaissance qui domine la vallée de l’Indre.

Angkor et Louis Delaporte dans le logis royal

Logis royal de Loches

La première exposition se tient dans le logis royal, l’une des résidences préférés des Valois. Construit entre la fin du XIVe et la fin du XVe siècle, le monument comprend deux ailles, la première aux tours décoratives, l’autre au gothique flamboyant. C’est au logis royal que Jeanne d’arc rencontre Charles XVII et c’est toujours au logis royal que le souverain installe sa favorite, Agnès Sorel. Anne de Bretagne y a également séjourné. Des animations plongent dans ces lieux d’entretien et de séjours de cour (banquets, chasse). Elle retracent également la vie de personnages illustres dont Agnès Sorel. Une IA reconstitue ainsi le visage de la maîtresse royale à partir de fragments de crâne.

Itinéraire d’un enfant du patrimoine

La première partie de l’exposition s’attache à l’itinéraire « d’un jeune lochois devenu marin ». Pour des raisons encore inconnues. Un engagement qui surprend car le jeune Louis souffre du mal de mer. « Être né dans le patrimoine a sans doute influencé son intérêt pour le patrimoine étranger » avance Véronique Lourme, responsable patrimoine de la ville.

Dessin de Louis Delaporte vue de Loches

De surcroit, ce fils d’avocat a le goût de l’art. À côté de photos et de cartes des expéditions, l’exposition montre notamment des aquarelles de la maison familiale et de Loches en général. Ce don pour le dessin, attesté par des croquis réalisés à 10-11 ans, lui sert à documenter ses futures expéditions. Lors des misions il est chargé de dessiner les paysages, les habitants. Des lettres annonçant son départ pour sa première expédition, le Mexique, dévoilent par ailleurs son goût pour l’aventure. Louis Delaporte part ensuite pour l’Islande et Saïgon. C’est le moment où la France veut étendre son influence dans la péninsule indochinoise.

Angkor le choc esthétique

Louis Delaporte effectue trois expéditions à Angkor. En 1866 il découvre le site lors d’une exploration du Mékong qui vise à développer le commerce avec la Chine. Échec car le fleuve n’est pas navigable. Mais l’officier découvre Angkor. À 24 ans, c’est le début d’une passion qui ne pâlira pas. En 1873, Louis Delaporte repart afin de tester cette fois-ci le le fleuve rouge. La France poursuit toujours un double objectif : commercial et géo-politique d’une part, scientifique de l’autre. Nouvelle rencontre avec Angkor avant la dernière, celle de 1881. Louis Delaporte est « fasciné par les temples, leur environnement et leur architecture » rapporte Véronique Lourme.

Dessins, sculptures et moulages

Sculpture extrémité de la balustrade à Nāga (serpent), Terrasse des éléphants

Au fil de l’exposition on découvre les dessins de Louis Delaporte souvent idéalisés comme celui des Ruines du Bayon. Il comble notamment des espaces disparus dans les temples. Les dessins et les gravures servent à illustrer des publications scientifiques, de voyages (Voyage d’exploration en Indo-Chine, Voyage au Cambodge) et grand public (Album pittoresque) présentées aussi dans l’exposition.

Mais la partie la plus spectaculaire, la plus immersive du parcours est indéniablement celle des sculptures et des moulages.

Delaporte prélève 70 pièces. Notamment la très impressionnante tête à 7 branches du serpent mythique, Vâsuki.

« Les pièces sont prélevées avec l’accord du roi du Cambodge. Ici il n’est donc pas question de pillage » estime Véronique Lourme. « D’abord parce que Delaporte demande l’autorisation du roi, ensuite parce que les pièces ne sont pas arrachées. Enfin, parce qu’il ne prélève pas pour lui mais pour l’État afin d’effectuer des moulage qui seront exposés dans les musées. Parallèlement au souci de conservation patrimoniale il y a chez Louis Delaporte le souci de bien traiter les populations ». La responsable du patrimoine convient toutefois que le prélèvement est toujours condamnable.

mythes et moulages

moulage détail d’un bas-relief du temple d’Angkor Vat – démon tenant la tête du serpent Vâsuki

L’exposition présente de très grands moulages. « Les moulages sont de deux types » explique Véronique Lourme « Le moulage à la gélatine et celui au plâtre fait de plâtre, de filasse parfois renforcé par un cadre en bois ».

On voit surtout des bas-reliefs. Celui d’Angkor Vat foisonnant de détails sur la bataille de Lankâ ou encore, toujours à Angkor Vat, celui qui figure le démon et le serpent.

Les bas-reliefs entourent les quatre faces du temple d’Angkor Vat. Chaque côté raconte une histoire. La plus célèbre est le mythe fondateur, celui du barattage de l’océan de lait. Dans cette légende, Vishnou conseille aux dieux alors mortels (deva) de s’unir provisoirement aux démons (asura) pour produire la liqueur de vie. Ensemble, ils enroulent alors le serpent Vâsuki autour du mont Mandara jeté par Vishnou dans l’océan cosmique et tirent les uns vers la tête, les autres vars la queue pour baratter la mer. Et 1000 ans plus tard il en sort de créatures merveilleuses et des objets magiques, parmi lesquels les Apsaras (les danseuses célestes) et l’Amrita (l’élixir d’immortalité). L’architecture d’Angkor Thom se lit comme une mise en scène monumentale du mythe du barattage. On le retrouve dans d’autres temples (Chaussée des géants de Preah Khan) ce qui en fait une spécificité de l’art khmer.

Angkor et Loches

La dernière partie s’attache à un jeu d’échelle entre Loches et Angkor. Avec quelques surprises. Ainsi la Angkor Vat culmine à 65 m. Juste un peu plus haut que la tour Saint-Antoine qui s’élève à 52m.

Les temples d’Angkor forment un ensemble monumental de ruines situé dans le nord-ouest du Cambodge. Construits entre le IXe et le XVᵉ siècle par l’empire khmer, il servaient de lieux de culte hindouistes puis bouddhistes, mais étaient aussi de symboles forts du pouvoir royal. En 1992, le site d’Angkor a été inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO.

Des cartes montrent l’entendue du site : 1 000 km. Car Angkor n’est pas une ville mais une région qui a connu 9 villes capitales en 700 ans. L’architecture comprend au cœur des villes un temple royal, le temple-montagne. Construit en forme de pyramide à degrés il symbolise le mont Meru, axe du monde. L’eau est largement intégrée aux villes : système hydraulique, barrages, étangs et baray (réservoir).

Musée Lansyer : l’épopée d’une collection

vue de Loches depuis la porte royale

La visite se poursuit par une déambulation dans les ruelles historiques de Loches. Direction le musée Lansyer.
Au première étage, la salle « pop up » Louis Laporte détaille l’héritage scientifique que l’explorateur laisse derrière lui. Elle présente notamment ses publications sur les monuments d’Angkor, ses collections, ainsi que l’histoire du musée khmer de Loches.

Un héritage difficile à construire. Louis Laporte, fondateur du futur musée Guimet, a du persévérer pour faire reconnaitre l’art khmer. Les expositions universelles l’ont aidé. Mais avant de conquérir Paris, les collections sont passées par le musée de Compiègne. Les Beaux-Arts n’avaient pas informé Le Louvre de l’arrivage de l’expédition de 1873. La centaine de caisses rapportée est donc restée 4 mois en stockage précaire. Jusqu’à l’accord du musée de Compiègne.

Le reste du musée est consacré à Emmanuel Lansyer (1835-1893), peintre paysagiste et collectionneur formé par Viollet-le-Duc puis par Gustave Courbet.

Le musée, maison familiale d’Emmanuel Lansyer est doté d’un jardin « pause fraîcheur ». Elle donne accès à une terrasse panoramique sur la ville et la vallée de l’Indre. Elle est aussi voisine du châtelet qui surplombe la porte royale, seul accès à la Cité Royale entourée de remparts construits à partir du XIe siècle.

Donjon du XIe siècle

Avec le logis royal, le donjon est la pièce maîtresse de la Cité Royale. Bâti entre 1013 et 1035 par Foulques III Nerra, comte d’Anjou, sur un éperon rocheux, il a rang de fleuron de l’architecture médiévale. Il s’élève à 36 m.

Sa renommée tient avant tout à ses prisonniers célèbres. Et le premier d’entre eux, est Ludovic Sforza, grand rival des rois de France durant les Guerres d’Italie. Le cachot « VIP » du milanais emprisonné entre 1500 et 1508, date de sa mort, est couvert d’inscriptions, sorte de graph colorés. L’autre grande attraction du donjon est évidement les cages de Charles XI, ses sombres « fillettes » où le roi retenait ses opposants. Une légende relayée par le Romantiques. Les cages existent mais elles sont larges, massives et impossibles à plonger dans une oubliette. Après une vue vers les anciens séjours d’Henri II Plantagenêt, Richard Cœur de Lion ou Louis XI, et un plongeon dans les souterrains, la visite s’achève dans un jardin médiéval.

Alors peut-être Véronique Lourme a-t-elle raison. « Être né dans le patrimoine a sans doute influencé l’intérêt de Louis Laporte pour le patrimoine étranger »

INFOS

De Loches à Angkor : Louis Delaporte, l’aventure d’une vie

site VILLE DE LOCHES

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