Mode Paul Poiret roi des fêtes

Mode Paul Poiret roi des fêtes. Le musée des arts décoratifs présente 55O œuvres du créateur qui décorsette la femme, instaure les collabs avec les artistes, s’aventure sur tous les fronts des arts avant de tout perdre. Grandeur et décadence du couturier qui inventa un art de vivre.

La mode est partout. Au Louvre, avec l’exposition Le Louvre couture, au Grand palais avec Dolce&Gabbana, au Petit palais avec Worth. Le musée des Arts décoratifs, lui, poursuit une aventure initiée il y a déjà quelques années. Une exploration de la mode qui fait son show, s’ouvre sur les arts, sur tous les arts. Textiles, plastiques, vivants, déco … On retient notamment les expositions Schiaparelli et les surréalismes, Mugler le flamboyant qui met le feu aux défilés ou encore Iris van Herpen et ses explorations qui « ont autant leur place sur un catwalk que dans une galerie d’art contemporain »(1) . Voici maintenant « Paul Poiret la mode est une fête ».

Gloire et décadence

La vie de Paul Poiret est un roman. Né à Paris en 1879 d’un père marchand de draps et d’une mère « au foyer », le futur créateur commence par être formé aux parapluies. Mais le jeune Paul est rebelle. Bravant son père il vend des croquis aux couturiers avant d’entre chez Doucet, qui sera son maître, puis chez Worth. Il forge son style. Notamment la robe kimono qui sera refusée par une princesse russe cliente de la maison à la fibre conservatrice. Il ouvre alors sa propre maison de haute couture (1903), épouse en 1905 Denise Boulet, sa « muse » aux airs de de garçonne, lance sa marque de parfum puis un atelier de décoration intérieure, partage une galerie avec son ami Henri Barbazanges. Elle y expose les œuvres d’artistes d’avant-garde tels que Picasso, Modigliani, Gauguin, Matisse, ou encore Chagall et Dufy.

Robe Worth

Ses expériences d’art global, comme l’insouciance des Années folles, sont stoppées par la Première Guerre mondiale. Quand Poiret revient du front sa maison de couture est au bord de la faillite. Elle ferme en 1932 frappée par la crise de 29. Le créateur est endetté. Il mène grand train, dépense trop et mal. Le développement des maisons de parfum et de déco aspire les liquidités. Par ailleurs de nouveaux couturiers comme Gabriel Chanel lui volent le vedette avec leurs tenues à l’élégance décontractée. Poiret le flamboyant termine sa vie dans la misère en 1944.

Mode et art total

Paul Poiret c’est d’abord un style.

Silhouette fluide, inspirée par la danse, les figures libres, aériennes d’Isadora Duncan. Le corset est loin. Le jupon s’envole. La taille est haute puis surtout libre. Terminé la silhouettes en S qui contraint le corps. Place au pantalon harem, à la taille empire. Les drapés à la grecque, remplacent les étoffes lourdes.

Teintes fortes, audacieuses, empreintes au fauvisme, imprimés Wiener Werkstätte, l’art est là.

Robe-culotte et jupe entravée, la femme s’émancipe.

Le style reflète l’époque. Un cliché de Denise Poiret portant la robe Mythe ou Faune (1919) évoque les ballets russes. Le goût pour l’orientalisme et les voyages se retrouve aussi dans les créations, sarouels, robe abat-jour, robe du soir Marrakech, 1924 alliant satin de soie, broderie de lame argent et fourrure de chinchilla … Syncrétique, Poiret mêle l’esthétique des ballets de Diaghilev, celle des kimonos, les miniatures persanes, le vestiaire du Maghreb.

Décor ballet Shéhérazade Léon Bakst

Poiret c’est ensuite une révolution. Celle du décloisonnement. Il lance ainsi des collaborations avec les artistes. Avec Raoul Dufy notamment. L’exposition montre ainsi l’iconique manteau La Perse (1911), dont la coupe est conçue par Poiret et les motifs imprimés en xylographie par Dufy. Poiret commande aussi des boutons en céramique à Maurice de Vlaminck.

Peintre, comédien, musicien, le couturier se revendique artiste. Il est aussi collectionneur.

un parcours artistique

Kees van Dongen autoportrait en Neptune
Hélène Perdriat Mademoiselle Tirka danseuse

Le parcours de l’exposition est ponctué de haltes artistiques. Autoportrait en Neptune de Kees van Dongen, ou, plus loin, l’étonnante Mademoiselle Tirka, danseuse d’Hélène Perdriat. Également exposés, un projet de décor pour le ballet Shéhérazade par Léon Bakst; une étude de rose stylisée par Paul Iribe, figure iconique de l’Art déco et emblème des créations de Paul Poiret; des croquis du flacon de parfum Arlequinade dessiné par l’artiste Marie Vassilieff et fabriqué par le sculpteur-verrier Julien Viard. Mais aussi un éventail promotionnel, des paravents, des papiers peints, des portails avec un kaléidoscope de créations et de modèles. Un catwalk conduit les visiteur qui passe de thème en thème à travers des « seuils » ponctués de motifs noirs et blancs.

L’exposition fait la part belle aux pièces iconiques (la très aérienne Joséphine de 1907), à la famille et aux archives. Extraits de films, notamment L’inhumaine, le chef-d’œuvre de Marcel l’Herbier qui magnifie l’Art déco et les créations de Poiret. Photos du créateur, de sa femme Denise, de sa sœur, la couturière Nicole Groult, de sa famille en général. Et bien sûr du « tout mondain » comme le résume le cliché de Peggy Guggenheim. Un autre portrait incarne le mariage de la fête et du marketing. Denise et Paul posant en costumes pour l’une des soirées les plus célèbres du couple, « Les Festes de Bacchus » inspirés par les danses d’Isadora Duncan.

L’art du marketing

Paul Poiret incarne la modernité, l’effervescence festive et créative de la Belle Époque aux Années folles. Il voyage beaucoup, il est de toutes des fêtes. Celle des autres et les siennes. Une fête des sens qui passe aussi par la gastronomie.

Ses expériences nomades, nocturnes et culinaires servent ses Maisons, ses marques. Car Paul Poiret a indéniablement le sens du marketing. Ainsi la soirée iconique « La Mille et deuxième nuit » lance le parfum Rosine, nom de sa fille aînée. Poiret organise également des tournées-défilés à travers les capitales européennes jusqu’en Russie et aux États-Unis où il devient « The king of Fashion ». En 1925, lors de L’exposition internationale des Arts décoratifs, le couturier affrète également trois péniches. Il y présente son univers : couture, décoration, parfums. C’est un gouffre financier mais le spectacle est grandiose.

Paul Poiret peut compter sur des relais. Edward Steichen réalise des photos de robes qui confèrent une aura arty aux vêtements. Puis, en 1912, l’éditeur Lucien Voge lance le magazine de mode La gazette du bon ton. Les créations de Poiret y sont croquées par les meilleurs illustrateurs de l’époque. De son côté Poiret fait appel à Paul Iribe pour « Les robes de Paul Poiret racontées par Paul Iribe ». Un album de haute couture qui l’appréhende avec un regard artistique. En 1911 Lepape présente les dernières créations dans un album de planches au pochoir « Les Choses de Paul Poiret ».

Les héritiers de Dior à Maitrepierre

Prada inspiration robe abat jour

Paul Poiret a créé un style et un art de vivre. Christian Dior l’encense : « Poiret vint et bouleversa tout ». Elsa Schiaparelli n’hésite pas à le comparer à Léonard de Vinci pour sa vison globale. Azzedine Alaïa lui rend hommage.

L’exposition se termine justement sur l’héritage de Poiret. Les pièces sont remarquables. Robe du soir Galliano pour Dior, robe abat-jour Prada, tailleur-jupe Comme des Garçons, ou encore manteau Viktor par Maitrepierre. « John Galliano, Christian Dior, Christian Lacroix et Yves Saint Laurent ont puisé dans l’orientalisme, le folklore, l’esprit de fête et les arts du spectacle. À l’image de Paul Poiret, ils ont incarné le rôle de directeurs artistiques, donnant à la mode une dimension narrative et spectaculaire » résume la commissaire Marie-Sophie Carron de Laccarière.

Comme des Garçons inspiration jupe entravée
Maitrepierre inspiration kimono

INFOS

Photo principale @musée des arts décoratifs

Paul Poiret La mode est une fête

Musée des Arts décoratifs

du 25 juin 2025 au 11 janvier 2026
107, rue de Rivoli
75001 Paris

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