Art Zohra Opoku Anubis indigo

Art Zohra Opoku Anubis indigo. À la galerie Mariane Ibrahim, l’artiste déploie une œuvre où le portrait voilé de son fils dialogue avec Anubis. Une méditation cosmique autour de la maternité, la renaissance et les crépuscules sénégalais.
Par Léonore Cottrant
À l’occasion de la soirée MaSH (Matignon Saint-Honoré), grande nocturne de lancement de la Paris Art Week –, Finelife TV a rencontré la plasticienne germano-ghanéenne Zohra Opoku.
L’artiste présente une série d’œuvres au sein de l’exposition collective Doors to the Cosmos. La proposition « retrace les constellations du passé, du présent et du futur, réunissant des œuvres qui traversent l’Antiquité, les futurs spéculatifs et les royaumes cosmiques » selon la galerie. L’exposition présente des œuvres de Nick Cave, Michi Meko, Zohra Opoku, ainsi que celles de George Clinton. « Une première européenne pour l’icône culturelle, leader du collectif influent Parliament-Funkadelic et architecte sonore de l’afrofuturisme, dont les contributions aux arts s’étendent sur sept continents » rappelle Marine Ibrahim.
Au cœur de la série Myths of Eternal Life de Zohra Opoku, les œuvres de Hail to the Great (2022) se déploient comme une pièce monumentale réalisée à l’indigo – teinture textile traditionnelle d’Afrique de l’Ouest –. Elle plonge dans une profondeur nocturne et cosmique, où le bleu sombre devient à la fois voile funéraire et ciel originel.
Maternité fragmentée et renaissance sous le signe d’Anubis
Zohra Opoku y dialogue avec Anubis, le dieu égyptien à tête de chacal, guide bienveillant des âmes vers l’au-delà et protecteur de la momification. Loin d’être une figure effrayante, il incarne la transition harmonieuse entre vie terrestre et éternité. Mais aussi la renaissance issue du mystère et de la terre noire fertile du Nil.
Au centre de cette conversation mythologique, l’artiste place le portrait fragmenté et anonymisé de son fils : il fait face à Anubis. Ce dernier devient alors médiateur entre l’enfant et un corps maternel morcelé qui traverse l’œuvre comme une présence à la fois absente et omniprésente. Velours profond, textiles imprimés photographiquement, hiéroglyphes, branches d’arbres, veines, cours d’eau et flux d’énergie tissent un réseau symbolique où le fils, le dieu et la mère se répondent.
Cette triade forme une métaphore poignante de la transition cosmique. Car on passe du corps maternel qui donne la vie à l’enfant qui la traverse, puis à Anubis qui l’accompagne vers l’au-delà. Comme le soleil embrasse l’océan au crépuscule sénégalais, ces œuvres célèbrent la fusion éternelle des mondes, l’énergie vitale qui circule entre origine, passage et renaissance.
Zohra Opoku : du crépuscule sénégalais à l’éternité en indigo

Lors de notre interview dans la galerie, Zohra nous a confié avec une douceur lumineuse :
«Je ressens le cosmos comme quelque chose de très spirituel. Mon âme parle le langage des anciens, des anges. Quand je commence à regarder le soleil couchant sur la mer, je vois le ciel embrasser la mer, et la mer le ciel (…). Les bleus de l’océan se fondent alors dans le coucher de soleil. C’est le moment où tout se réunit. Et ça, c’est aussi très cosmique. Je suis énergie, surtout lors des couchers de soleil au Sénégal, qui sont probablement les plus beaux couchers de soleil pour moi ».
Ce monde représente deux lumières. Je me concentre à la fois sur l’au-delà et sur ce monde, qui est le dernier chapitre de la vie terrestre. En conséquence je représente Anubis, le dieu des enfers qui guide les morts vers l’au-delà.
Il incarne indéniablement la connexion entre la continuation de la vie et un autre monde (…). Les œuvres ont des branches, car les branches viennent des arbres et symbolisent la vie. Alors logiquement la façon dont je les peins représente différentes facettes de la vie : les rues … de la vie, les cours d’eau, les veines, les flux d’énergie. »
Une rencontre entre héritage africain, mythologie égyptienne, maternité fragmentée, indigo ancestral et art contemporain. 🌅💙🌑
Zohra Opoku en bref
Zohra Opoku est une artiste plasticienne germano-ghanéenne née en 1976 à Altdöbern (ex-Allemagne de l’Est). Artiste multidisciplinaire (mode, design) formée à Hambourg, elle s’installe définitivement à Accra, au Ghana, en 2011. Objectif : se reconnecter à ses racines paternelles – son père était un roi asante, Nana Opoku Gyabaah II.
Son travail aux multiples facettes – photographie, sérigraphie sur textiles, installations, performances – explore les questions d’identité personnelle, de mémoire collective, d’héritage africain et diasporique. Mais l’artiste se penche aussi sur les influences historiques, culturelles et socio-économiques au Ghana contemporain. Elle utilise volontiers des tissus traditionnels (comme le kente ou l’indigo d’Afrique de l’Ouest), des portraits familiaux et son propre corps pour tisser des récits intimes et politiques sur l’appartenance, le camouflage et la résilience.
Parmi ses séries emblématiques :
- Textures et Self-Portraits : portraits abstraits où vêtements et végétaux dissimulent et révèlent l’identité.
- Unraveled Threads (2017) : installation primée mêlant photos de famille et kente.
- Myths of Eternal Life (depuis 2020) : inspirée du Livre des Morts égyptien, cette série médite sur la mortalité, la renaissance et les rites funéraires.
Représentée par la galerie Mariane Ibrahim (Paris, Chicago, Mexico), Zohra Opoku expose dans le monde entier. Notamment à la Biennale de Sharjah (2023), à celle d’Athènes (2021), au Dak’art (2022). Ou encore au Zeitz MOCAA (exposition solo en 2025). Ses œuvres sont présentes, entre autres, dans les collections de la Tate Modern, du LACMA et du Guggenheim Bilbao.
INFOS
Photo principale Zohra Opoku 2023 SoFraichMedia
Door to the Cosmos
Jusqu’au 13 Décembre 2025
18 avenue Matignon 75008 Paris
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