Art George Rouy les chairs floues

Art George Rouy les chairs floues. Avec Shadowing, l’exposition au château de Boisgeloup, l’artiste britannique croise la masse et l’époque à travers les corps mouvants de Vénus pariétales.
Par Léonore Cottrant
Avec ses lignes floues au-delà du trait qui fige, ses lignes qui explorent les corps-paysages, l’artiste britannique George Rouy investit le Château de Boisgeloup, ancien atelier d’architecture de Picasso à Gisors (Eure). Ni figuratives ni abstraites, les œuvres, conçues en résonnante avec le lieu, s’inspirent de Bacon pour la chair tandis que les gris, les noirs et les roses se mêlent en une trouble palette. Dans la chapelle, les groupes de femmes tout en masse dansent des maternités qui évoquent des Vénus pariétales. Des pietà sans enfant qui cohabitent avec des tableaux religieux de Vierges et de chemins de croix.


L’exposition se déploie entre le pigeonnier, la chapelle et l’atelier. En face du château et de son parc parsemé d’œuvres d’art, à côté d’une impeccable Hispano-Suiza de l’ancien maître des lieux. Une présence de fer et de boulons aux contours fluides et lisses. Rien de commun donc avec George Rouy. La figure montante de l’art contemporain préfère la chair à la technologie. Indéniablement en rupture avec l’époque et sa folie tech – l’lA en tête. Le jeune britannique de 31 ans est plutôt Bacon qu’art augmenté. À la désincarnation – bien incarnée dans les très polluants data centers- il préfère la peau, la graisse et les os qu’il tord, mélange ou fait danser. On est dans l’écorché(é) plutôt que dans le poli du numérique.
George Rouy jeune figure de l’art contemporain
George Rouy est né 1994 à Sittingbourne (Royaume-Uni). Diplômé en art et design (UCA Rochester), il poursuit sa formation au Camberwell College of Art de Londres d’où il sort en 2016.
Ensuite, tout va très vite. Les galeries internationales comme Hauser & Wirth le repèrent. Il expose alors dans des instituions et des musées de renom. Citons « Copistes », une exposition collaborative entre le Musée du Louvre et le Centre Pompidou-Metz, Paris, France (2025-2026) ; « States of Being », Société, Berlin, Allemagne (2025) ; « Visions of the World », Musée Kampa, Prague République tchèque (2025).
Peinture, son, mode
George Rouy est un jeune homme pressé et touche à tout. En 2023, il crée en direct une œuvre sonore, toujours liée au corps. C’est Bodysuit, avec la chorégraphe Sharon Eyal. Dans son sillage, sort sa monographie Selected Works 2017 –2023. Comme un grand. Il est vrai qu’il s’inspire beaucoup des maîtres. Notamment Picasso, auquel il a consacré un « écho » : The Echo of Picasso, Museo Picasso, Málaga (Espagne). Et ici, a Boisgeloup, Bacon en beauté, avec Shadowing.
Peinture, musique, livre : George Rouy s’intéresse aussi de près à la mode. Lors du vernissage de Shadowing, il promenait entre les vieilles pierres, un look arty « tailorisé » et une grille de dents argentée hip hop. Un rien Pogues ou plutôt post-punk à l’image de Fontaines D.C, le groupe de rock irlandais qu’il apprécie. Mais reste ouvert. Rouy passe du full paint-splattered pour une photo d’atelier à du modelling pour Miu Miu ou Saint-Laurent. Il porte du upcyclé, des cravates kitsch, de grands manteaux, des hoodies noirs tachés de partout, des jeans défoncés et des mini pulls … Du déstructuré, du reconstruit, du genderless en lien avec les corps fluides et sans genre de sa peinture.
Shadowing flous charnels, ombres pariétales et corps en métamorphose

Shadowing est une proposition d’Almine Rech avec le soutien de Hannah Barry Gallery et Hauser & Wirth, en collaboration avec la Fundación Almine y Bernard Ruiz-Picasso. Elle présente une série d’œuvres nouvelles, fidèles aux thèmes récurrents de l’artiste. « Son usage singulier de la figure humaine, traversée par le désir, la liberté, l’aliénation et la crise, résonne avec les extrêmes de notre époque (…) Le langage corporel audacieux, subversif, capte la beauté grave et la transformation perpétuelle de notre présent contemporain » estime la galerie Almine Rech.


Peintures fantomatiques, floutées, sans frontière, débordant presque du cadre fascinent. Comme aussi les rondes ou les portraits aux visages mouvants, à l’image du genre.
Le rose est là. C’est la couleur de la chair, vivante et non genrée, vulnérable et sensuelle. Techniquement, Rouy superpose souvent des glacis de rose sur des fonds gris-noir. Résultat : une palpitation augurant un changement. À Boisgeloup, le rose prend une dimension presque spirituelle, comme une chair réinventée dans un lieu où Picasso sculptait autrefois la pierre.
Photos : vues de l’exposition
INFOS

George Rouy Shadowing
Château de Boisgeloup, Gisors, France
2 Rue du Chêne d’Huy, 27140 Gisors, France
L’exposition est ouverte uniquement les week-ends de 10h à 17h jusqu’au 23 novembre 2025
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