Chloé Azzopardi éco photo résistance

Chloé Azzopardi éco photo résistance. La photographe française utilise low tech et science fiction pour construire un récit écolo en noir et blanc où les cyborgs rencontrent le surréalisme. Interview à Paris Photo devant sa série « Non technonogical Devices ».

Photo Chloé Azzopardi

Il y a comme un goût d’enfance dans la dernière série de la photographe performeuse. Une délicatesse, une fragilité qui tient notamment aux matériaux. À une magie narrative aussi qui transforme des brindilles en armures. Alors se dégage vite une force, celle du care -du soin au vivant augmenté de prothèses-. Et enfin presque une violence, avec le bouquet de graines urticantes qui s’approche d’un œil écarquillé. « Non technological Devices » joue sur l’imaginaire, la sensibilité pour proposer un monde relié au vivant rescapé de l’hypertech.

Léonore Cottrant : Pourquoi le noir et blanc ?

Chloé Azzopardi : Tout d’abord, parce que je travaille avec des matériaux naturels, les branches, les roches … Si j’avais mis ces ressources en contact avec la couleur, cela aurait « mangé le sujet ».

Ensuite, quand j’ai commencé cette série, « Non technological Devices » je ne savais pas vraiment comment elle allait évoluer. J’avais simplement en tête des archives de performances en noir et blanc.

Enfin, dans mon inconscient était gravé La Jetée de Chris Marker, un moyen métrage de SF essentiellement composé de photos en noir et blanc noir (1).

LC: Terry Gilliam s’en est inspiré pour « L´Armée des douze singes ». À côté des boucles spatio-temporelles, il y est notamment question de la puissance de la science. Votre conception d’une « autodéfense écologique » dérive-t-elle de cette résistance au tout tech?

Forcer à voir le vivant

Photo Chloé Azzopardi

CA: Oui mais avant tout à une expérience directe. La rencontre avec les opposants à la méga-bassine de Sainte-Soline. J’ai commencé à travailler à Niort en 2023, donc juste à côté des manifestants.

Au début, j’envisageais « Non technological Devices » comme une série tendre et poétique, mais au contact des militants les choses ont évolué. J’ai été sensible à leur vision, leur ressenti : considérer plutôt les cyborgs et les exosquelettes comme des outils de soins. Plus précisément des prothèses qu’ils avaient reçues à l’hôpital quand ils avaient été soignés après les charges de la police.

Photo Chloé Azzopardi

Le nom, « autodéfense écologique », c’est alors imposé. Il s’agissait de se forcer à voir le vivant qui se défend, se forcer à voir le vivant tout court. Le résultat est l’idée d’une défense basée sur l’alliance humain végétal. La photo de la main avec les épines en est un exemple.

Alliance animal végétal

LC: Les exosquelettes convoquent la sculpture. Quel rapport entretenez-vous avec elle?

CA: J’essaie de photographier comme si on touchait. Il s’agit à la fois de toucher et d’être touché(e). Après mon séjour à la Villa Pérochon en 2022, j’ai monté des ateliers itinérants. Je « m’installais » en fonction des matériaux que je pouvais glaner. Chez moi, dans le Sud, il y avait beaucoup de branches propices à la fabrication d’exosquelettes. Je glane toujours mes matériaux. Je pratique toujours le recyclage. J’utilise brindilles, coquillages et autres éléments naturels trouvés au sol. J’en tire des instruments, des outils que j’utilise dans les photos. L’idée est de fusionner l’homme et la nature. L’animal et le végétal. Et de nous questionner sur la relation entre l’Homme et son environnement.

LC: Quelle est la genèse de la photo « Graines » avec ce pic de graines de coquelicots qui s’approche dangereusement d’un œil qui pleure une larme? On pense au surréalisme, à Luis Buñuel et au passage du Chien andalou où un scalpel s’approche d’un œil.

CA: C’est vrai que beaucoup de gens pensent au surréalisme en découvrant cette photo. De mon côté, j’évoquerais plutôt Orange mécanique. Au centre, il y a toujours l’idée qu’il faut se forcer à voir le vivant. Il faut aussi se donner les moyens de se forcer à voir le vivant. La fleur qui s’approche de l’œil va générer une larme. Une réponse, un abri également. Ce qui disparait trouve refuge en nous.

Voir le vivant conduit alors à imaginer des alternatives à notre monde hyper-artificialisé, technologisé et pilleur de ressources.

Photo Chloé Azzopardi

La Jetée de Chris Marker

(1) La Jetée de Chris Marker (1921-2012), est un moyen métrage d’anticipation de 28 minutes sorti en 1962. Cet « essai cinématographique », comme Chris Marker aimait qualifier ses œuvres, aborde ses thèmes de prédilection : le temps, la mémoire, la puissance des images. La Jetée est construit sur le modèle d’une roman photo avec une succession d’images en noir et blanc et une voix off. Terry Gilliam s’est inspiré de « La Jetée » pour « L´Armée des douze singes. On y retrouve la femme assassinée du début, le voyage dans le temps, la résistance, la guerre, le thème de la fin du monde.

Chloé Azzopardi biographie

Chloé Azzopardi est une photographe plasticienne française né en 1994 dans la massif catalan de Montserrat. Elle vit et travaille aujourd’hui sur une île de Seine-Saint-Denis (93). Formée aux Beaux-Arts de Grenoble, Chloé Azzopardi développe un art incluant la santé mentale, le care, l’éthologie ou encore l’anticipation. Sa pratique allie photographie, sculpture et performance.

Chloé Azzopardi a récemment reçu le prix « Nouvelles écritures de la photographie environnementale » au festival de La Gacilly ainsi que la bourse Artiste émergent de la Fondation Lucie. Résidente à la Villa Perochon, elle a également accroché ses œuvres lors des rencontres de la jeune photographie internationale de Niort en 2023.


On retrouve son travail dans des magazines tels que NYTimes, British Journal of Photography, ou encore Fisheye ou Ignant. Il a aussi été exposé au PhMuseum, à Łódź Fotofestiwal, aux Encontros da Imagem, à la Fisheye Gallery, au Festival de la photo d’Athènes et au Photomonth de Cracovie.

INFOS

Chloé Azzopardi est à découvrir sur le site de la galerie Fisheye ainsi que sur son site ici


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