Bernard van Orley : Bruxelles et la Renaissance

« Bernard Van Orley : Bruxelles et la Renaissance » s’étale en posters géants dans la gare de Bruxelles Central. Les voyageurs lèvent des yeux curieux, étonnés vers un portrait de Marguerite d’Autriche. Il est vrai que Bernard van Orley ne sonne pas vraiment fortissimo aux oreilles du grand public. En tout cas beaucoup moins que son célèbre successeur Pieter Bruegel l’Ancien dont la capitale belge commémore, en 2019, la disparition il y a 450 ans.


L’année Bruegel comprend une série de manifestations dont la première est une monographie unique et inédite dédiée à Van Orley et la Renaissance du Nord.Elle est répartie entre BOZAR (Palais des Beaux Arts) le MRBAB (Musée royaux des Beaux-Arts de Belgique) et le MRAH (Musée Art & Histoire de Bruxelles).

Bernard Van Orley : Bruxelles et la Renaissance nordique

Bernard van Orley (1488 (?) -1541) est -comme Bruegel ou van Eyck- un mythe de la peinture flamande, une figure majeure de la Renaissance Nordique du début XVIe siècle. Son apport : avoir créé un nouveau langage visuel en conciliant la tradition des primitifs flamands et la renaissance italienne. Ainsi, le Christ « athlétique » du triptyque de Philippe Haneton traduit pleinement l’imprégnation italienne tandis que le fonds or renvoie au primitivisme des Flandres. 


Van Orley acquiert une « bonne réputation » avec des commandes religieuses ancrées dans la  « composition narrative » traditionnelle où plusieurs épisodes d’un récit sont répartis dans un paysage avec une grande minutie. Le souci du paysage reste une constante chez le maître. Il influencera les scènes paysannes de Bruegel.

Marguerite d’Autriche, régente des Pays-Bas et esthète, le remarque et le nomme peintre de cour en 1518. Elle lui demande des portraits et des tapisseries dont quatre pièces connues pour leur raffinement : la Passion carrée.

Les historiens supposent que la rencontre van Orley-Dürer a lieu dans ce coeur du cosmopolitisme. Les liens entre les deux 2 géants sont avérés par le récit « dürérien » du banquet auquel le convie van Orley en 1520. Au delà de la chair, l’influence d’Albrecht Dürer est bien présente chez Bernard van Orley. On retrouve par exemple un octogénaire d’une profonde et douloureuse expressivité figurant Joseph dans une Sainte Famille de 1521. Le personnage est directement inspiré d’un dessin du maître allemand de la Renaissance.

La Renaissance italienne va -elle aussi- venir à van Orley qui ne quitte pas Bruxelles. Inutile ! La ville est alors le centre de l’Europe. Hommes, idées, marchandises tout y transite. Le mouvement, les compostions dramatiques, les formes (très bien) moulées des hommes, il les découvre dans les cartons que le pape Léon X envoie en Belgique pour servir de base aux tisserands au sommet de l’excellence. Les cartons des futures tapisseries de la Chapelle Sixtine sont notamment signés Raphaël. 


Van Orley a alors tout en main pour créer un style, un langage unique : tension des compositions, humanisme des oeuvres religieuses ou profanes, dynamisme et imagination.


Écarté pour compromission supposée avec l’ennemi luthérien, il revient aux plus hautes affaires artistiques en 1532. Il servira Marie de Hongrie et Charles Quint dans leurs quête d’apparat en imaginant d’immenses et sublimes tapisseries en soie mêlée de fils d’or et de argent ainsi que des vitraux comme ceux de la cathédrale des Saints-Michel-et-Gudule de Bruxelles. 

Une exposition à travers une oeuvre et une époque

À BOZAR, après l’entrée où règne l’assise rouge opéra et une projection sur l’époque Bruegel, voici les salles d’exposition avec un nouveau « décor » : des tons noirs qui font ressortir les matières et flatte l’éclairage.
« Bernard Van Orley : Bruxelles et la Renaissance » regroupe une centaine de pièces venues de sa ville natale – Bruxelles-, de musées prestigieux (le Louvre-Paris, la National Gallery-Washington, le Patrimonio National-Madrid) et de collections privées.


« Cette monographie était indispensable. Van Orley est le chaînon manquant entre Van der Weyden et Bruegel. Or qui connaît ou se souvient de cet artiste clef de la Renaissance du Nord qui figurait sur les billets de 500 Francs jusqu’en 1982 ? » s’indigne Véronique Bücken commissaire de l’exposition avec Ingrid de Meüter. 


Van Orley est un oublié, un maître pour érudits. 


Pourquoi cet oubli ? « Aujourd’hui, le public est habitué aux choses plus épurées » explique Véronique Bücken « De plus, l’oeuvre est complexe et se réfère à des codes oubliés ».  
Dommage car en parcourant les salles certaines oeuvres nous agrippent.
« Bernard Van Orley : Bruxelles et la Renaissance » retrace les grandes étapes d’une carrière polyartistique.


On distingue tout d’abord les premières commandes émanant de religieux :  les éléments subsistants de trois retables réalisés pour l’abbé Jacques Coëne vers 1510. Le primitivisme est flagrant. Progressivement sous la double influence de Dürer et de Raphaël, van Orley imposera sa patte avec son imaginaire créatif, des personnages massifs, des expressions appuyées, des corps en mouvement. 


La minutie des couleurs des tapisseries « Passion carrée » -notamment les rouges des lèvres- laisse admiratif. On s’attarde sur les teintes comme sur les matières et les drapés qui relatent la mode de l’époque. Van Orley attirera-t-il les fashion addicts ? Le réalisme et le mouvement témoignent là aussi des influences extérieures.

Les tableaux des souverains, de nobles -Portrait de Georges de Zelle-, de notables -le médecin de van Orley- de Vierge de Tendresse émaillent l’exposition. La majesté côtoie l’humanisme. Érasme n’est pas loin. 


Mais le plus spectaculaire, le clou de l’exposition reste la série de tapisseries monumentales. 


Deux des douze « Chasses de Charles Quint » conservées au Louvre sont exposées. Douze comme les douze mois de l’année. Format : 4,7 m sur 7. Des dimensions adaptées aux palais d’un empereur qui règne sur l’Europe et explore les mers. « Les Chasses » sont des classiques, des incontournables de la grandeur. Elles suivaient les souverains de villégiature en villégiature. La tapisserie du mois de mars montre le Bruxelles de l’époque avec son agitation et ses bâtiments en construction. Charles Quint et sa cour chassent dans le parc de la Warande. En arrière-plan, le Palais du Coudenberg, la flèche de l’hôtel de ville, et les tours carrées de la collégiale Saints-Michel-et-Gudule.  La tapisserie-joyau fourmille de détails, une caractéristique de Van Orley. « On pourrait entrer en conversation avec l’oeuvre » estime la commissaire Véronique Bücken. Entrelacs de végétation, animaux, architecture … effectivement la découverte prend du temps et on y prend du plaisir. On note le cheval cabré -une première avant Rubens- et un chien qui urine. Et oui, le souci du réel au coeur de l’apparat.
Plus loin un déferlement d’or et d’argent, un feu de rouge. On fait face aux tapisseries de la  bataille de Pavie où François 1er fut vaincu et emprisonné par Charles Quint.


Néanmoins, selon Véronique Bücken, le chef d’oeuvre de Van Orley reste le détonnant « Polyptyque de Job et de Lazare » qui montre l’effondrement de la maison de Job et sa reconquête grâce à une foi inébranlable. Le panneau central peint des personnages qui tombent ou presque, le style empreinte à l’épure de Dürer et l’oeil est captivé par la danse des étoffes, le jeux des monstres de l’enfer, le réalisme tourmenté des attitudes. 

Van Orley et Bruxelles


Van Orley est lié à Bruxelles plus précisément au quartier de Saint-Gery. Il y est né d’un père peintre, Valentin, y a passé sa vie et y est enterré. Très tôt il ouvre un atelier qui prospère et emploie de nombreux artisans. Dans la seconde moitié de sa carrière il invente les modèles et les laisse exécuter par son équipe. D’où un certain flou sur la question de qui a fait quoi ? Quelle est la frontière entre la création du maître et celle de ses « exécutants ». Une question qui s’applique évidemment à beaucoup d’autres.


Dans le  prolongement de l’exposition, la ville propose un circuit et un guide « sur les traces de Van Orley ». Le site archéologique du Coudenberg est ouvert au public. On déambule sous la rue Royale dans les caves au dessus desquelles se déployaient les fastes de la cour la plus puissante d’Europe. On peut aussi visiter la Cathédrale des Saints-Michel-et-Gudule avec ses magnifiques vitraux ainsi que Musée Art & Histoire de Bruxelles qui présente la somptueuse tenture de l’Histoire de Jacob. Les influencés et influenceurs du maître se contemplent au Musée royaux des Beaux-Arts de Belgique où les paysages d’hiver de Bruegel sont à tomber.
Allez on va acheter des chocolats pour se remettre !

Bernard Van Orley : Bruxelles et la Renaissance

20 février 2019 – 26 mai 2019
BOZAR/Palais des Beaux-Arts (Bruxelles)


À lire : Van Orley par Véronique Bücken et Ingrid de Meüter éditions Bozar

BOZAR

 https://www.bozar.be/fr

MRBAB (Musée royaux des Beaux-Arts de Belgique)https://www.fine-arts-museum.be/fr

MRAH (Musée Art & Histoire de Bruxelles)http://www.kmkg-mrah.be/fr/bienvenue-au-musee-art-histoire

Visit Flanders 
https://www.visitflanders.com/fr/

Thalys

shttps://www.thalys.com/fr/

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