MotherCloud : sous le règne du Big Business
MotherCloud : sous le règne du Big Business. Rob Hart dessine un avenir menacé par les crises climatiques et le totalitarisme économique. Une dystopie malheureusement crédible.
Dehors la température frôle les 40 degrés. Les candidats se pressent. Certains tombent sur les trottoirs désertés. Personne ne les relève. Pas question d’être en retard à l’examen d’admission de MotherCloud le conglomérat qui règne sur l’économie américaine. Car loin du géant du commerce en ligne pas de travail, pas de toit et une terre ravagée par des températures caniculaires.
Paxton, remplit le formulaire d’évaluation. Sa société, comme beaucoup d’autres, a coulé quand MotherCloud, son principal client, a mis un terme à ses commandes. Plus tard elle lui volera son, invention. L’Oeil parfait deviendra le CloudEgg.
Le jeune ingénieur remarque une candidate appliquée, Zinnia.
Tous deux sont les principaux protagonistes du livre de Rob Hart. Un thriller psychologique qui mêle espionnage et anticipation.
MotherCloud : une superstructure « solution à tous les problèmes«
Paxton et Zinnia passent les tests avec succès. Ils rejoignent donc le MotherCloud où ils sont affectés. « Une structure si grande qu’il était impossible de l’embraser du regard ». Un cube gigantesque à « l’architecture à la fois enfantine et brutale ». Des centaines de camions circulent sur des dizaines de voies. Sur le toit un essaim de drones bourdonne. Un gage de livraison ulra rapide. Le drone sort de l’esprit de Gibson Wells, le fondateur de MotherCloud. Il lui a donné son nom et son logo en forme de nuage.
À la sortie de l’évaluation, une manager en polo blanc coache les nouvelles recrues. Les polos indiquant l’affectation. Rouge pour les préparateurs, bleu pour la sécurité, vert pour la restauration, marron pour les services techniques, bleu pour le management …
Une sorte de code couleur pour forçats du business digital.
Les employés portent par ailleurs des CloudWatch qui les pistent comme l’oeil de Big Brother. Les montres donnent accès aux commerces, aux loisirs, à l’hôpital, aux chambres minuscules …. Chaque MotherCloud est conçu comme une ville sous haute surveillance mais sans caméras. Les montres font le travail.
Impossible de se déplacer sans elles, impossible de régler sans elles.
Le prix à payer pour une place chez MotherCloud « la solution à tous les problèmes ».
Espionnage, exploitation et arnaques
Zinnia fait de l’intelligence économique. En d’autres termes, de l’espionnage industriel de très haute volée.
Sa mission ; découvrir comment couler MotherCloud. Le port obligatoire d’une CloudWatch ne lui facilite donc pas la tâche. Observation, hacking, manipulation la mettent sur la piste d’une fraude aux énergies vertes. Le conglomérat se proclame à la pointe de la lutte environnementale dans un monde ébranlé par le changement climatique. Un alibi qui lui assure des exonérations d’impôts presque totales.
Pas de taxes, des employés sous-payés, des revenus tirés de la consommation interne des travailleurs otages des commerces du complexe, des publicités qui incitent à la surconsommation, le coût de fonctionnement de la mégafirme est infime, les bénéfices colossaux.
Gibson Wells vaut 300 milliards de dollars.
Mécanismes d’asservissement
Zinnia va utiliser Paxton pour contourner les mécanismes de cybersécurité.
Affecté à la sécurité et très amoureux, il lui fournit des renseignements précieux et lui ouvre des portes
Cette aide involontaire au sabotage croît proportionnellement à son asservissement au système MotherCloud.
Dans son livre, Rob Hart analyse les mécanismes psychologiques de la servitude : peur, incertitude, désinformation, infantilisation …
» J’ai un job, un toit, une femme ». Quoi d’autre ? répète Paxton. Tantôt convaincu, tantôt en quête d’assurance. Les milliers d’autres employés raisonnent de même.
Eloge de l’ultralibéralisme
Paxton adopte la doxa MotherCloud. C’est le marché qui décide. Adage fétiche d’un Gibson qui se meurt mais ne lâche rien.
Le super boss fait le tour de ses créations en assénant sa sainte trinité : famille, travail, religion.
Un concentré de paternaliste, de patriarcat et de croyance en une Main invisible du Marché. Le patriarche agite également les craintes.
Gibson Wells est un grand manipulateur. Il se sert habilement des peurs, s’affiche en sauveur du monde.
La résistance
Zinnia en espionne qui sabote le système incarne une forme de résistance. Une résistance d’intérêt pas de conviction. Les « rebelles », le couple les rencontre dans la librairie d’une ville fantôme. L’occasion d’un débat d’idées que Paxton juge utopique.
Roman choral
Le livre alterne les visions de Paxton, de Zinnia et de Gibson Wells. Cette vision plurielle nourrit une intrigue autant psychologique que romanesque. Dans les récits de Paxton et de Zinnia percent la duplicité et la force d’un Gibson démiurge desposte.
Les interventions de Wells permettent à Bob Hart de décrypter le dessous des discours des grands dirigeants. On pense à Amazon mais l’auteur rend hommage à Maria Fernandes étouffée sur sur chaîne Dunkin’ Donut.
Zinnia nous plonge au coeur de monde de l’espionnage, de la cyber sécurité et de ses techniques sophistiqués .. ou pas. À la clef, scènes d’action et rebondissements. Vous ne regarderez plus les Burgers de la même façon !
En lisant MotherCloud on pense évidemment à Ray Bradbury et à Georges Orwell. Le nom du big boss, G Wells, rappelle celui de l’auteur de Big Brother.
Rob Hart construit un univers carcéral fruit de la manipulation des peurs. Quand l’avenir semble côtoyer de si près la fiction, on frissonne.
MotherCloud figure parmi les quatre finalistes du premier prix du roman cyber de l’ANSSI. (Agence nationale des systèmes de sécurité)
MotherCloud
Rob Hart
Éditions Belfond
http://www.belfond.fr
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