L’invention des corps : géographie du transhumanisme
L’invention des corps de Benjamin Ducrozet est un voyage en rhizome à travers les nouveaux paysages du vivant : transhumanisme, corps en fuite, conscience en paliers.
Corps et violence
Àlvaro n’est plus qu’un grand corps qui court.
Ligaments, tendons, cartilages, chairs, muscles tendus comme un arc, il fuit Inguala. Le 26 septembre 2014, la manifestation pacifiste a tourné au massacre. Une quarantaine d’étudiants colombiens ont disparu après l’intervention de la police. Le jeune prof d’informatique s’est extirpé d’une fosse commune et depuis survit à chaque foulée. La mémoire chauffée à blanc, il frôle l’amnésie salvatrice.
La poussière du désert colombien, les crevasses de la terre brûlée, les pierres comme des pièges, Àlvaro les ignore. Ses errances de survivant le mènent à la frontière américaine. Clandestin, il passe le no man’s land et rejoint la Californie.
Corps et tranhumanisme
L’eldorado des programmeurs, se révèle une terre de violences aussi raffinées que perverses.
Àlvaro est recruté comme cobaye et non comme codeur par Parker Hayes. Le magnat de la Silicon Valley a deux obsessions :
1. Construire une île, un refuge au-dessus de toutes les lois pour les Gafa et consorts.
2. Atteindre l’immortalité. La philosophie n’a pas de place dans le monde de Parker Hayes que hérisse les maximes des philosophes antiques ou de Montaigne et son adage “Philosopher c’est apprendre à mourir”. Mourir c’est dépassé ou alors réservé aux loosers.
Le pygmalion du transhumanisme débauche Adèle Cara, une biologiste française spécialisée dans le vieillissement cellulaire afin de mener à bien ses recherches.
Des recherches qu’Alvaro, le “looser mexicain”, devra tester.
Dans le petit empire de Parker Hayes, les dollars coulent comme le sang dans les perf.
Àlvaro encaisse le liquide, enclenche une campagne de dénonciation du massacre d’Inguala et s’enfuit de nouveau.
Corps Taz et conscience
Il rejoint une communauté de cyberpunks fédérée autour d’un pionnier du Word Wide Web.
Hélène, la biologiste qui s’est également révoltée contre la dictature transhumaniste, initie Lin, un programmateur trans asiatique qui regarde son corps comme “un Atari, une boîte à outils”. Passionné par la conscience et l’infini que laissent augurer les bio technologies, Lin recueille scrupuleusement tant les informations sur la télomérase que les dernières avancées en matière de paliers de conscience.
Lin va par ailleurs appâter les meilleurs hackers pour contrer “le monde selon Parker Hayes”.
“L’invention des corps” peut se lire comme une nouvelle géographie du vivant. Des paysages sans limites aux labos sans sensation en passant par les TAZ le roman de Pierre Ducrozet balaie les territoires de la modernité.
L’invention des corps
Pierre Ducrozet
Actes Sud
https://www.actes-sud.fr/
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